- Écrit par Ahmed Benseddik, 13/4/2013
Ces derniers jours, la monarchie de Mohammed VI nous a gâtés.
Au moins à trois occasions, elle a montré tour à tour son coté
moyenâgeux, sa propension démesurée à la prédation économique et son
mépris royal du citoyen marocain.
Acte Un :
La visite au Maroc de François Hollande, président de la république
française, a constitué une belle occasion pour que le protocole royal
confirme ses capacités légendaires à faire ridiculiser le pays entier.
Entre baisemain obséquieux au roi et son fils le prince héritier et
l'orgie de tapis déroulés un jour de pluie devant des chaussures et des
pneus, le spectacle est parfait. Les médias de l'hexagone n'ont pas raté
l'occasion pour montrer à leurs téléspectateurs à quel point le pouvoir
marocain s'entête à perpétuer des pratiques d'arrogance et de faste
dignes des milles et une nuit alors que nous sommes en 2013 et que le
monde vit au rythme du déclin des régimes despotiques et que les
monarchies en Europe, pourtant non impliquées dans l'exercice du pouvoir
car ce dernier revient à des élus des peuples, se font de plus en plus
humbles et respectueuses de la dignité et de la liberté des citoyens.
L'émission « Le petit journal » de la chaine Canal Plus, diffusée le
soir du jeudi 4 avril à une heure de grande écoute, à mis en relief ces
aspects en parlant de « majesté majestueuse » et aussi de « sainteté
majestueuse ». En moins de cinq minutes de la bande vidéo
que l'on peut voir sur dailymotion, l'animateur Yann Barthes a prononcé
dix fois le mot baisemain et douze fois le mot tapis. Ce matin du 12
avril, soit une semaine après les faits, la vidéo enregistre déjà plus
de 171.000 vues.
Quel gâchis pour l'image d'un pays entier, gâchis entretenu par un
pouvoir qui ne veut pas comprendre que le culte de la personnalité n'est
que le triste reflet de son indigence intellectuelle et de sa misère
morale.
Quelques jours après, c'est autour d'un autre animateur Eric Zemmour d'affirmer sur une autre chaine, Paris Première : on a l'impression que le roi du Maroc « achète » toute la classe politique française.
En face de lui, Michèle Alliot Marie, ne dément pas. Elle rajoute même « et médiatique ».
Cet aveu tardif de la part d'une ex-ministre de la défense, de
l'intérieur, de la justice et des affaires étrangères de la république,
en dit long sur la connivence et les relations malsaines que le Palais
royal entretient avec les cercles d'influence parisiens.
Acte Deux :
L'article
publié récemment par le prince Hicham Benabdallah Al Alaoui dans le
dernier numéro de la revue française Pouvoirs, sous le titre « L'autre
Maroc » comporte une affirmation plutôt gênante pour son royal cousin et
ses courtisans. En effet, il parle à la page 61 du « groupe immobilier
Addoha, lié au palais ».
Cette information en soi n'est pas un scoop. La récente enquête menée
par Ali Anouzla pour Lakome illustre comment la CDG, dirigée par Anas
El Alami (un proche de Hassan Bouhemou, bras droit de Mounir Majidi,
secrétaire particulier du roi) joue le rôle de "rabatteuse" foncière
pour Addoha.
Quelques lignes avant d'évoquer Addoha, le prince dévoile une phrase
d'une lettre qu'il a adressée au roi Mohammed VI le 14 aout 2011 et qui
illustre le drame du pouvoir absolu et ses ravages : « je crois que s'il
m'est difficile de réaliser un projet au Maroc, c'est que vos
instructions ont toujours été interprétées à la lumière de vos
sentiments à mon égard, réels ou supposés ». Or, dans un Etat de droit,
les décisions se prennent sur la base de l'intérêt général, et non pas
sur la base des sentiments, des états d'âme ou des humeurs.
Cette accusation princière de « liaison » royale avec un groupe privé s'ajoute au coup de colère
de l'homme d'affaire Miloud Chaabi, concurrent direct de Addoha dans le
domaine de la promotion immobilière, qui, dans une interview publiée
récemment par l'hebdomadaire Al Ousboue Assahafi, avait comparé Anas
Sefrioui, le PDG du groupe Addoha au clan Trabelsi, famille de l'épouse
du dictateur tunisien Benali chassé de son pays en janvier 2011.
Jeudi 11 avril, le président tunisien Moncef Marzouki s'est vu
remettre un chèque de 28,818 millions de dollars d'avoirs détournés au
Liban par la famille du chef de l'Etat déchu, après avoir été saisis sur
un compte en banque au Liban au nom de Leïla Trabelsi, dont la famille
avait placé l'économie tunisienne sous coupe réglée. Ces fonds ont été
remis par le procureur général du Qatar, Ali Ben Fetaïs Al Marri, chargé
par l'ONU de coordonner les enquêtes sur les avoirs détournés par les
dirigeants renversés par le printemps arabe.
Moncef Marzouki a indiqué récemment que la famille Ben Ali-Trabelsi
et d'autres dignitaires du régime déchu avaient détourné, après 23 ans
de règne sans partage, entre 15 et 50 milliards de dollars.
La comparaison de Miloud Chaabi serait-elle prémonitoire ? L'avenir le dira...
Acte Trois :
En raison de la crise économique et financière dans laquelle
s'enfonce le pays lentement mais surement, le gouvernement a décidé par
décret de geler 15 milliards de dirhams sur les 58.9 milliards alloué
par la loi de finances 2013 au budget d'investissement.
Ce chiffre est à mettre en regard d'un autre. Le dernier rapport du
Conseil Economique et Social, au demeurant d'une grande qualité, est
consacré au système fiscal Marocain. Il mentionne un montant de dépenses
fiscales en 2011 de 32,07 milliards de dirhams, dont en partie 4,29
milliards de dirhams dont bénéficie le secteur de l'agriculture et de la
pêche sous forme d'exonérations diverses. Or, l'un des plus grands
opérateurs dans le domaine agricole est la holding royale. Fidèle a sa
doctrine qui consiste à ne pas indisposer le palais, le gouvernement
Benkirane n'ose pas puiser dans ces gisements de recettes et choisit la
solution de facilité.
Cette coupe d'environ 25 pour cent dans les investissements a touché
tous les départements ministériels et les institutions de l'Etat.
Tous ? Pas vraiment. Par un tour de passe-passe dont seule la
gouvernance au Maroc a le secret, la Cour royale est épargnée par cette
mesure d'austérité et ne participe donc pas à cet effort de solidarité
nationale devant l'adversité. Pourtant, la nouvelle constitution,
mentionne bien dans son article 39 : « Tous supportent, en fonction de
leur faculté contributive, les charges publiques que seule la loi peut,
dans les formes prévues par la présente Constitution, créer et
répartir », alors que l'article 40 mentionne : « Tous supportent
solidairement et proportionnellement à leurs moyens, les charges que
requiert le développement du pays, et celles résultant des calamités et
des catastrophes naturelles ».
La pauvre constitution n'est pas à une entorse près depuis juillet
2011. Que vaut-elle devant des pièces d'or sonnantes et trébuchantes ?
Pourtant, l'enjeu reste très modeste pour le palais, dont le budget
d'investissement s'élève à seulement 131.000.000 dirhams (13 milliards
de centimes) en 2013, alors que son budget de fonctionnement pour la
même année s'élève à 2,44 milliards de dirhams (244 milliards de
centimes) et qui n'est pas concerné par le gel de dépenses décidé par le
gouvernement. En conséquence, une réduction de 25 pour cent sur les
131.000.000 de dirhams n'aurait privé le palais que de 32.700.000 dhs.
Cette petite miette aurait eu pourtant valeur de symbole de solidarité.