Lettre ouverte à Monsieur Jean-Louis Debré, Président du Conseil constitutionnel français
Par Solidarité Maroc 05 Gap, 30/7/2012
Monsieur le Président
Je me permets de m'adresser à vous au nom de notre association Solidarité Maroc 05, de tous les citoyens français et des citoyens du monde qui se retrouvent dans notre indignation.
La lecture de vos paroles rapportées par "journaux.ma" probablement filière de la MAP, débordantes d’enthousiasme à l'égard du Roi du Maroc et de son régime suscite en nous perplexité, indignation, colère !
A partir de votre qualité de président du conseil constitutionnel français et compte tenu de vos responsabilités en politique extérieure, nous supposons que vous parlez au nom du peuple français, mais sachez que tout le peuple français, tous les citoyens français n'ont pas pour le roi du Maroc la même admiration, loin s'en faut ! Nos amis marocains et sahraouis se sentiront blessés par ces déclarations qui font l'impasse sur toutes leurs années de souffrances.
Votre source d'informations semble être la MAP, l'agence de propagande aux ordres du roi et de son Makhzen. Peut-être a-t-elle déformé vos paroles ? Quoi qu'il en soit, merci de prendre connaissance des informations ci-dessous.
Non, Monsieur Debré, le Maroc n'a pas toujours été "une terre de respect des droits de l'homme". N'avez-vous jamais entendu parler de Hassan II et des années de plomb? Ces années de déni de tous les droits ont été terribles pour les peuples marocains et sahraouis.
Non, le Maroc n'est toujours pas "une terre de respect des droits de l'Homme"! On ne peut pas parler du respect des droits de l'Homme dans un pays classé internationalement parmi les plus corrompus, dont le roi se situe parmi les plus riches monarques de la planète alors que son peuple se trouve parmi les plus pauvres.
Un monarque qui dilapide l'argent de son « cher peuple » en se montrant très généreux envers d'autres pays, comme la France, ou pour des projets pharaoniques, tel celui du TGV que ne fréquenteront que les riches, alors que de nombreuses régions oubliées n'ont qu'un mauvais chemin d'accès aux douars où chaque année des habitants meurent de froid, ou faute de pouvoir se rendre au moins à un dispensaire.
Non, Monsieur Debré, le Maroc n'est pas "une terre de respect des libertés"! Depuis des décennies la police traque en toute impunité les manifestations pacifiques d'associations qui ne revendiquent que le droit de vivre dignement. La police frappe, tabasse, matraque, parfois jusqu'à la mort, étudiants, diplômés chômeurs, ouvriers, paysans… Et, depuis le 20 février 2011 sont particulièrement ciblés les militants du Mouvement du 20 février dont le crime est précisément de revendiquer inlassablement, chaque dimanche, la liberté, la dignité, la démocratie et la fin de la corruption . Un mouvement exemplaire de maturité et de vision, que le roi veut casser par tous les moyens. Une douzaine de jeunes févriétistes ont payé de leur vie ce combat pour les droits de l'Homme. Au moins deux cents de ces militants ont été emprisonnés pour leurs idées.
La liberté de culte n'existe pas, "la liberté de vote" n'existe pas. Lors du Référendum constitutionnel, la presse aux ordres et les imams ont été mobilisés pour dicter leur devoir sacré aux sujets de sa majesté : le roi a dit de voter « oui ». Pourtant malgré le risque de répression, le boycott de ces élections était massif, et les résultats truqués.
La liberté de la presse est inexistante. Arrestations arbitraires, incarcération et amendes exorbitantes menacent les journalistes qui osent ne pas flatter le roi et son entourage mafieux. La liberté d'opinion n'existe pas. Le Commandeur des croyants règne et gouverne à travers la pensée unique qui considère le peuple comme Sujets et non comme Citoyens!
Non, Mohammed VI ne mène pas à "davantage de démocratie". Cette monarchie dont le roi détient tous les pouvoirs n'est pas une démocratie. Le chef de gouvernement, nommé par le roi, n'a aucun pouvoir. Un monarque de droit divin qui ne supporte aucune critique sous peine de prison, qui n'a de comptes à rendre à personne, n'est en fait qu'un despote. S'il fait si bon vivre au Maroc, pourquoi donc tant de Marocains fuient-ils leur pays pour chercher ailleurs une vie plus digne, plus libre et plus juste?
Mohammed VI, après Hassan ll, impose l'annuel folklore de l'allégeance à ses sujets encapuchonnés de blanc et embabouchés de jaune, obligés de se prosterner devant « Sidna » (notre Seigneur) monté sur un cheval blanc. Ce ridicule spectacle, comme le baise main royal , est la risée des pays environnants, et la honte pour tant de Marocains!
Non, le Maroc ne peut pas être "un modèle en matière de justice constitutionnelle". Quels que soient les termes employés dans la constitution en matière de justice, c'est toujours une justice aux ordres. La Constitution fait partie de la vitrine du régime, mais n'est pas appliquée à ses sujets. Les belles phrases sur les droits des femmes n'ont pas empêché le suicide de la très jeune Amina, victime de l'archaïque article 475 du code pénal, selon lequel un violeur de mineure n'est pas puni s'il épouse sa victime. Cette fillette de 14 ans n'a pas supporté la violence de son « mari ». Son drame a fait le tour du monde. Des Amina il y en a toujours eu, et il y en aura encore. Mais la loi continue à être jugée bonne par le gouvernement.
Arrestations, emprisonnements, basés sur des aveux arrachés sous la torture, procès sans avocats et sans témoins, la police de sa majesté a tous les droits et peut pratiquer ses forfaits en toute impunité. Un texte de loi est d'ailleurs en préparation pour légaliser cette immunité garantie aux militaires.
Des villages, des régions oubliées qui manifestent pour crier leur refus de la misère sont envahis par les forces de l'ordre envoyées en masse pour les terroriser. Tels des voyous, ils tabassent, volent, violent, vandalisent, dévalisent des magasins. N'avez-vous jamais entendu parler de Sidi Ifni, Taza, Beni Bou Ayach, et récemment Douar Chlihate? Et de l'exemplaire résistance des paysans d'Imider? Et de la répression qui est le quotidien des Sahraouis sur une terre que le Maroc occupe en toute illégalité? et des Subsahariens victimes du racisme le plus odieux ?
Pour protester contre la torture banalisée et les traitements abjects en prison, des étudiants incarcérés de Fès et de Taza, ont commencé au début de l'année un mouvement de grève de la faim qui s'est étendu à travers les prisons du Maroc. Des grèves illimitées qui pour certains ont duré trois et même quatre mois, maintenus à la limite de la vie par perfusion forcée. On peut imaginer dans quel état ils en sortent. Grâce à leur détermination et à une forte mobilisation internationale le pouvoir a accordé quelques améliorations à la vie des prisonniers dont certains ont mis fin à la grève.
"Cette lumière qu'offre le Maroc" est un leurre pitoyable entretenu par une propagande digne des pires dictatures. Piètre lumière d'un monarque qui emprisonne les artistes qui ne chantent pas ses louanges: rappeur, poète, caricaturiste, blogueur, chanteurs, tous considérés comme ennemis du régime, croupissent dans les prisons. La lumière du Maroc ressemble à des ténèbres.
Non, S.M. le Roi Mohammed VI ne "demeure pas un homme exceptionnel, sage, averti et visionnaire" si ce n'est pour exceller quand il s’agit d’augmenter sa fortune personnelle, et celle de sa clique qui le flatte.
Ces qualificatifs d'"homme exceptionnel et sage" pourraient s'appliquer à un roi qui aurait vraiment le souci du bonheur et du bien-vivre de son peuple, mais Mohammed VI ne semble pas préoccupé par la misère grandissante, les bidonvilles qui s'étendent, le manque d'écoles, d'hôpitaux et de tant besoins élémentaires. Il y aurait tant à dire sur ce chapitre.
Monsieur Debré, prenez le train de Casablanca à Fès, et regardez par la fenêtre, tout au long de ce trajet, pour voir comment sont faits les bidonvilles. Vous comprendrez pourquoi nous, les adhérents de Solidarité Maroc 05 , et avec nous nombre de militants des droits de l'Homme, nous trouvons vos propos inacceptables.
Nous vous invitons à lire ces deux livres parus dernièrement : « Le Roi Prédateur » (de Catherine Graciet et Eric Laurent) et « Paris Marrakech » (d'Ali Amar et Jean-Pierre Tuquoi) vendus avec grand succès, dans toutes les bonnes librairies françaises, mais interdits au Maroc.
Peut-être ne direz-vous plus jamais que le Maroc est une démocratie sous le règne du « roi prédateur ».
Veuillez agréer, Monsieur le Président, nos respectueuses salutations.
Pour Solidarité Maroc 05
Marie-José Fressard
Solidarité Maroc05
E’changeons le Monde
17 rue Jean Eymar
05000 GAP
solidmar05@gmail.com
http://solidmar. blogspot.com
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Si vous êtes d'accord avec cette mise au point, écrivez vous aussi pour exprimer votre indignation à
Monsieur Jean-Louis Debré
Président du Conseil constitutionnel français
Palais Royal
Paris
(en recommandé avec AR, c'est mieux !)
Casablanca en mouvement. La Nayda - Partie 1