Dans nombre de pays occidentaux, certains partis ou mouvements politiques sont traités comme s'ils provenaient de la Lune ou étaient étrangers à toute collectivité territoriale. Leur existence au sein de la population est toujours connotée comme négative, transitoire, quelque chose qui aurait été créé dans une salle de réunion ou en coulisses, imposé à un public rustre incapable de faire la différence entre un vrai programme politique et une rhétorique creuse et simpliste. Ces partis ou mouvement sont dépeints comme s'ils ne s'adressaient qu'aux marges de sociétés démunies de tout organe démocratique « normal », et seraient donc des groupes délabrés qui ne représenteraient qu’un électorat minoritaire. Étant donné leur opposition aux partis préexistants, ils sont marqués d'une étiquette qui servira à les maintenir isolés des structures déjà à l'œuvre, tout ceci visant à détruire le parti ou mouvement visé par un travail de propagande plutôt que par une analyse de la réalité.
Toute une mythologie a été construite autour du mouvement palestinien de résistance (qui s'est transformé en parti) Hamas. Cette construction a acquis de fait une plus grande légitimité comme interprétation du Hamas que les faits eux-mêmes. Dans la plupart des médias occidentaux, qu'ils soient de gauche ou de droite, et dans quelques médias « modérés » des pays arabes, le nom même du parti est couplé à des termes comme « fondamentaliste », « radical », « terroriste ». De toute évidence,
cela sert à créer un réflexe de peur qui empêchera que le mot soit évalué de façon critique et objective. L'auditeur identifiera immédiatement le Hamas avec une connotation négative, ce qui l’exemptera de sa responsabilité de comprendre qu'il s'agit d'une manipulation de la réalité. L'auditeur est censé accepter les affirmations que le Hamas est «
anti-démocratique » et «
fanatique ». C'est ensuite un jeu d'enfant de convaincre l'auditeur que le-Hamas-est-mauvais, qu'il est l'ennemi-de-tout-ce-que-nous représentons (à nos propres yeux la tolérance, la démocratie, en un mot la Bonté). Il devient alors possible d'étendre cette lecture à la conviction que des actions doivent être entreprises contre eux, qu'ils sont un «
cancer dont il faut se débarrasser », comme l'a dit Noa, la pacifiste institutionnelle de service.
Comment éradique-t-on un cancer, une fois qu'il a été diagnostiqué ? Par l’ablation ou le bombardement. Pour traiter un cancer, on « bombarde » même les parties saines du corps avec des produits chimiques, en attendant de voir si, après la bataille, le corps conserve encore suffisamment de parties saines pour permettre que l'organisme continue d'exister. Une fois que vous avez mis dans la tête de millions de gens l'idée que la destruction est une bonne chose parce que l'ennemi ferait énormément de dégâts et de mal si on lui permettait de continuer à exister, vous pouvez estimer que le risque de pousser l'organisme tout entier à sa tombe en l'affaiblissant considérablement vaut la peine d’être couru.
C’est un moyen de justifier des actions qu’ils ne voient eux-mêmes pas comme thérapeutiques mais qui sont une pure horreur.
Comment en est-on arrivé à ce que le monde se laisse ainsi berner et permette qu'Israël détruise Gaza pour « se débarrasser du Hamas » ? C’est très simple, et c'est toujours la même réponse : Israël et ses alliés font dans la désinformation.
Ceux qui gratteront légèrement sous les manchettes grandiloquentes des journaux découvriront quelques faits enfouis qui contrediront le titre manipulatoire, mais il n'y a pas beaucoup de gens qui iront aussi loin, étant donné qu'ils sont confrontés à quelque chose qui comporte un élément de vérité profondément enfoui.
Comme si cela n'était déjà pas suffisamment problématique, même les « progressistes » n’ont pas démérité pour rendre le Hamas intouchable. Ils peuvent aller jusqu'à l'accepter comme un « mouvement de résistance », mais ils ne permettront pas à leur parti-pris idéologique personnel de voir le Hamas comme une force de progrès pour l'avancement de son propre peuple. Peut-être par conviction, convenance ou même manque de recherche, ou par un aveuglement qui ne permet aucune variante au thème de la lutte des classes, où tout est « international » et où le même type de règles et d'idéaux sont considérés comme applicables et nécessaires à tous, allant, dans certains cas, jusqu'à « importer la démocratie » sous diverses formes plus ou moins agressives.
Ces gens, dont beaucoup sont armés de bonnes intentions, ont mâché, avalé et recrachent quelques-uns des mensonges éhontés et des distorsions qui font partie de la mythologie créée en Israël et en Occident principalement par les adversaires du Hamas,.
Quels sont les éléments constitutifs de cette mythologie ?
1) Le Hamas a été créé par le Mossad israélien.
2) Le Hamas représente une portion marginale des Palestiniens.
3) Le Hamas est devenu juste assez démocratique pour pouvoir obtenir une certaine légitimité pour ensuite s'emparer des Territoires palestiniens et les transformer en un État islamique.
4) Sa victoire aux élections n’a été rien de plus qu'un vote de protestation contre la corruption du Fatah.
5) Le Hamas est composé d'un tas d'analphabètes et ses électeurs se sont laissés entraîner par leur propre ignorance.
6) Le Hamas est un groupe fondamentaliste et donc inflexible et incapable de toute modification ou évolution. La Charte souvent citée est utilisée contre lui pour souligner qu'il n’est qu'un groupe radical, destructif, programmé pour la Guerre Sainte.
7) Le Hamas ne cherche à faire aucun compromis avec les autres partis politiques ou factions palestiniens et est donc l’élément diviseur qui empêche l'unité du peuple.
8) Le Hamas œuvre à endoctriner son peuple avec une propagande haineuse, pour l'utiliser comme chair à canon.
9) Le Hamas est un groupe terroriste qui n'existe que grâce au financement de « régimes fondamentalistes »
Que le Hamas ne soit qu’un mouvement de résistance a été clairement démenti par les élections, mais cela semble être le postulat sur lequel les activistes peuvent se regrouper pour se permettre de le tolérer, tout en souhaitant sa disparition rapide. Il n’est alors pas considéré comme ayant un véritable héritage en tant que parti politique qui pourrait être comparé à ceux des « nations démocratiques » de la « communauté internationale », et ainsi, l’analyse peut rester à un niveau élémentaire se prêtant à des généralisations hâtives.
Je prie mes lecteurs de bien vouloir me pardonner tous ces guillemets, mais ces mots deviennent vraiment ironiques et vides de sens réel lorsqu'ils sont appliqués aux objets désignés par les docteurs ès-manipulation d'information, dont la tâche consiste à faire le jeu des puissances hégémoniques. Comment une poignée minoritaire de nations qui s'opposent systématiquement à la volonté du reste de la communauté mondiale à l'ONU peut-elle être considérée comme la « communauté internationale » ? C'est un club de garçons qui exclut pratiquement tout le monde. Comment un pays qui met aux affaires le candidat qui a obtenu le plus petit nombre de votes peut-il être appelé une « démocratie » ? C'est lorsque nous commençons à nous poser des questions sur nos propres fondements que nous pouvons détecter qu'il y a beaucoup de connivence à présenter toute opposition comme un ennemi étranger aux paradigmes qui nous paraissent être au cœur de nos attentes sur la façon d'instaurer un monde juste et équitable.
Il est temps de déconstruire quelques-uns de ces mythes en leur opposant des faits.
1) Le Hamas n'a pas été créé par le Mossad. Bien qu'Israël aime s'attribuer le mérite de bien des choses, celle-ci n'est pas de leur fait. L'Islam politique est présent en Palestine depuis le début des années 40, dans la Palestine mandataire, et le Hamas est né au sein des Frères Musulmans (Ikhwan), auxquels était officiellement affilié nombre de ses premiers dirigeants. C'est l'expérience de la condition de réfugiés qui a transformé le Hamas en un élément plus autonome, avec une base nationaliste particulière, résultat naturel de la situation humaine urgente et réelle de déplacements et de perte d’identité culturelle et nationale.
Ce groupe a eu des relations étroites avec la base égyptienne, et les premiers bureaux des Ikhwan en Palestine furent ouverts à Gaza en 1945, dirigés par un membre de l'une des plus importantes familles de la région, Cheikh Safer Al Shawwa. Pendant la première guerre arabo-israélienne, des volontaires islamistes ont renforcé les rangs, venant principalement de Jordanie et de Syrie, et ce soutien a montré aux réfugiés que les Ikhwan avait le courage de se défendre, même pendant la « guerre d'indépendance d'Israël ». Le nombre croissant de réfugiés a donné une identité et une motivation plus fortes au mouvement islamiste en Palestine. Par conséquent, dans la société civile et dans la population en général, il n'était nul besoin d'une motivation venant d'une autre source pour pouvoir faire ce serment : « Je jure d'être un bon Musulman dans la défense de l'Islam et de la terre perdue de Palestine. Je jure d'être un bon exemple pour la communauté et pour les autres. » Telles étaient les paroles prononcées par ceux qui juraient loyauté aux Ikhwan en Palestine (source : Beverly Milton Edwards, Islamic Politics in Palestine, p. 43). Les Ikhwan locaux avaient leur propre programme, défendre sa terre perdue. Le fanatisme, l'influence extérieure ou même la propagande n'étaient pas nécessaires.
Les réfugiés eux-mêmes étaient la preuve vivante des horreurs et de la souffrance de la déportation. L'identification comme partie d'un mouvement international fut concomitante à la reconnaissance de la particularité de l'expérience palestinienne. La création officielle (du Hamas), le 9 Décembre 1987, ne fut que l'aboutissement d'une organisation à l’œuvre depuis des décennies. La résistance islamique organisée fut ensuite utilisée lorsque la situation s'est précipitée de façon spectaculaire en 1967 et une nouvelle génération de réfugiés est née. Pour cette génération, le retour à l'Islam fut considéré comme une nécessité pour l'avenir moral et politique d'un peuple qui avait été littéralement détruit. Beaucoup voyaient la Nakba comme le résultat de la distanciation d'une société normale, la société palestinienne, dont les valeurs éthiques, religieuses, culturelles et traditionnelles avaient été dévastées par l'occupation, et la descente vers davantage de dégradation, de pauvreté, de privation des droits civiques et d'instabilité sociale étaient considérées non seulement comme le résultat de l'occupation, mais comme une partie de sa cause.
La « communauté internationale » n'est pas venue au secours de ces gens, le reste de l’Oumma n'a pas pris part à leur lutte nationale, en grande partie parce qu'il n'était pas directement concerné, ou même interdit d'y participer. La douleur extrême et la honte de perdre son pays furent à l'époque un élément nouveau dans une région où la colonisation précédente avait évité d'expulser les habitants autochtones, et jeter dehors les usurpateurs n'était pas compliqué par la perte totale de racines et d'un territoire.
La base de la dimension formelle du Hamas était ainsi présente depuis des décennies avant sa naissance officielle. Pour fonctionner sous le joug de l'occupation, ces groupes organisés existants ont créé pour leur population des associations caritatives et de bienfaisance. Israël a toléré ces institutions dans les Territoires Occupés et leur a concédé quelques marges de manœuvre en leur octroyant des autorisations. Comme l'a dit le Général Yitzhak Sager dans un entretien avec le International Herald Tribune en 1981, le gouvernement israélien « […] a donné de l'argent que le gouverneur militaire a alloué aux mosquées […], les fonds ont été utilisés tant par les mosquées que par les écoles religieuses, dans le but de renforcer un projet qui pourrait s’opposer à celui de la gauche qui était favorable à l'OLP. » Si Israël a trouvé quelques motivations à s'impliquer, ce fut réellement dans le sens de « diviser pour mieux régner » ; un peu de tolérance, un peu de soutien économique aux diverses associations religieuses pour voir si une opposition aux nationalistes de l'OLP se développerait. Israël ne cherchait en fait que le moyen d'affaiblir l'OLP, qui jouissait d’un soutien certain en Occident, et les Israéliens n'ont ni fondé ni financé de manière significative important, ni influencé en aucune façon un mouvement qu'ils pourraient d'une manière ou d'une autre infiltrer ou contrôler. C'est de la pure mythologie. Pourquoi donner à Israël un crédit qui ne lui revient pas ?
2) Que Hamas ne représente qu'une partie marginale des Palestiniens est un autre mythe à déboulonner.
Il est bien entendu exact que tous les Palestiniens ne sont pas des réfugiés, de même qu'il est exact que la quasi-totalité des dirigeants du Hamas sont nés en exil ou qu'ils ont été soumis, à un moment donné, à l'expérience de l'expulsion et de la perte de leurs maisons et de leurs biens. Il s'agit de l'expérience palestinienne centrale, et il est vrai que même les (quelques) Palestiniens qui n'ont pas été déracinés s'identifient à la perte de leur identité culturelle et nationale, et tous savent que leurs aspirations nationales et la cohésion en tant que groupe ont été détruites par Israël. Ainsi, même un mouvement ou un parti qui a sa propre identité dans les camps de réfugiés et en exil ou dans ses racines religieuses, est reconnu comme un représentant intrinsèque, légitime et naturel des Palestiniens dans leur ensemble. Ils ont même obtenu un vote majoritaire dans des secteurs de Cisjordanie qui n'étaient pas considérés comme des bastions du Hamas, comme ils ont eu les voix de nombreuses zones chrétiennes.
3) Que le Hamas se soit « juste suffisamment démocratisé » pour pouvoir mettre son pied dans la porte, première étape pour imposer un État islamique sur l'ensemble de la Palestine est un mythe très largement répandu, en particulier dans les cercles progressistes qui ne reconnaissent pas la popularité du mouvement, ou qui ont un préjugé idéologique contre tout mouvement religieux. Il y a beaucoup à dire en faveur de la séparation de l'Église et de l'État, mais ce n'est évidemment pas un postulat qui peut être imposé de loin, et de plus, de nombreux niveaux de séparation sont à prendre en considération. Ceux qui souscrivent à l'argument que le « Hamas gagne du temps avant d'introduire la Charia » ont tendance à nier qu'une démocratie a certaines caractéristiques, et que ce n'est pas nécessairement synonyme de « laïcité ». Lorsque le mot « démocratie » est appliqué correctement, il a certaines caractéristiques que le Hamas réunit. Il jouit d'un consensus populaire. Il a une structure interne autonome et reconnue comme légitime par ses électeurs.
Il suit les règles des élections, réunissant les conditions de participation. Une fois élu, il assume son rôle au sein du système existant, n'a pas renversé ou organisé des coups d'État contre les structures établies. C'est un mouvement politique avec plusieurs factions (certaines d'entre elles armées, comme c'est le cas de nombreux partis dans des pays sous occupation, le Fatah inclus), avec une histoire et une organisation. Un large débat existe parmi ses membres, y compris ceux qui sont des prisonniers politiques, avant de prendre des décisions, et la majorité décide des actions à mener. Ce qui le différencie des partis que les Occidentaux connaissent, c’est que les dirigeants au plus haut niveau n'assument généralement pas des rôles d'administration. Ce qui est compréhensible dans un parti où de nombreux dirigeants sont systématiquement assassinés par Israël. Que le directeur politique actuel, Khaled Mechaal, soit obligé de vivre en exil après avoir été victime d'une tentative d'assassinat en dit plus sur cette situation anormale que beaucoup de mots.
4) Que la victoire du Hamas aux élections du Conseil Législatif ne fut rien d'autre qu'un vote de protestation (encore une autre théorie favorite de la gauche) fut brillamment contredite par Paola Caridi dans son très bon livre (en dépit du sous-titre sensationnaliste),
Hamas Che cos'è e cosa vuole il movimento radicale palestinese (Hamas. Ce qu’est et veut le mouvement radical palestinien) , publié par Feltrinelli et disponible seulement en italien pour le moment.
Ci-dessous la traduction d'un certain nombre de paragraphes qui traitent de cette question.
«
Il y a une raison politique précise pour laquelle la majorité des Palestiniens a voté pour le Hamas. C'est une raison qui a trait à la décision officielle prise par le mouvement islamique le 23 janvier 2005 (un an avant les élections législatives, NdT) : une trêve unilatérale, décidée avec le Jihad Islamique (qui l'a rompue à plusieurs reprises), qui transformait les paroles en actes : que ce serait la fin d'une saison d'attaques suicides lancées par le Hamas à l'intérieur d'Israël, dans les limites de l'armistice de 1949, en d'autres termes l'Israël à l'intérieur de la Ligne Verte. La fin des attaques suicides dans les villes israéliennes, mettant substantiellement fin à l'Intifada aussi comme choix participatif (du Hamas) est interprétée par la population palestinienne comme une proposition politique précise : une alternative à ceux qui l’avaient gouvernée et contrôlée, ayant l'hégémonie jusqu'à ce moment-là. Une proposition qui pose en même temps de nouvelles limites de facto à la stratégie de résistance du Hamas. Le mouvement islamiste n'a donc pas été choisi seulement pour protester contre la corruption, le favoritisme et l'inefficacité du Fatah, qui, en tant que parti, est souvent confondu avec l'Autorité Palestinienne. La corruption, le favoritisme et l'inefficacité qui sont liés, au moins du point de vue temporel, à l'échec des Accords d'Oslo et aux 'faits accomplis' réalisés par les Israéliens.
Les gens du Hamas ont été considérés comme des gens sérieux, qui ne s'étaient pas enrichis aux dépens de la population, et de fait, ils continuaient à vivre dans des quartiers normaux et dans les camps de réfugiés. » (Caridi, p. 171).
5) Une calomnie extrêmement insultante, souvent répétée, est que les partisans du Hamas et ses dirigeants sont une « bande d'analphabètes » ou de « fanatiques religieux ». Le constat que pratiquement tous les dirigeants du Hamas sont (ou furent, le passé est de rigueur étant donné le nombre d'assassinats) des diplômés de l'université dans des domaines allant de la médecine à la physique et au droit, de l'économie à la théologie, témoigne en lui-même que cette calomnie ne vise qu'à les salir et à les peindre comme des gens qui n'ont lu que des textes religieux et qui sont donc « sous-développés », comparés à d'autres mouvements. L'enseignement a toujours été l'un des piliers du Hamas et de son travail caritatif. Nul besoin de le dire aux Palestiniens, pour qui c'est une réalité ; dans beaucoup de cas, sans ce fondement, ils auraient été laissés pour compte dans ce domaine.
6) L’inflexibilité du Hamas est un autre mythe, évoqué en particulier lorsqu'on parle de la Charte de 1988 (
Mithaq).
Le Cheikh Hamed Bitauri, « autorité religieuse de Naplouse », président de l’Association des oulémas palestiniens, connu pour ses positions radicales, n'a aucun problème à confirmer que «
la Charte n'est pas le Coran. Nous pouvons la modifier. Elle n'est que la synthèse des positions du mouvement islamiste dans ses relations avec les autres factions, et de sa politique. »
Aziz Dweik, fondateur de l'Institut de Géographie à l'Université de Naplouse, qui deviendra plus tard Président du Conseil Législatif Palestinien après les élections de 2006, et qui fut emprisonné dans les geôles israéliennes dès l'été de la même année, a même été plus loin, déclarant la nécessité politique et pragmatique de se distancier de la
Mithaq de 1988 à Khaled Amayreh, journaliste palestinien sensible aux positions islamistes, à qui il a dit que «
le Hamas ne resterait pas l'otage des slogans rhétoriques du passé comme celui de la 'destruction d'Israël'. » (Khalid Amayreh, "Hamas Debates the Future: Palestine's Islamic Resistance Movement Attempts to Reconcile Ideological Purity and Political Realism", in
Conflicts Forum, Nov. 2007, p.4) (Caridi p. 90).
Haniyeh a mentionné en maintes occasions que la Charte avait été dépassée dans sa substance par d'autres documents officiels, dont le plus important est le Programme Électoral de la Liste « Changement et Réforme » (la liste sous laquelle le Hamas a participé aux élections). Ce programme est structuré comme un document qui va bien au-delà des besoins d'une campagne politique, selon le dirigeant du Hamas, et il indique la politique du mouvement. Il n'a pas été écrit dans le feu évolutionnaire de l'Intifada, et il reflète l'évolution du parti. Les changements ne sont pas idéologiques, mais plutôt de nature stratégique et politique. Les positions ont été réitérées tellement de fois lors d'interviews ou d'interventions publiques qu'il semble incroyable que la complexité et la maturité du Hamas ne soient pas évidents pour tout le monde. Il est clair que les membres du Hamas se consacrent toujours à la libération de la Palestine, mais ils tentent d'y parvenir par la réaffirmation des droits du peuple, sachant parfaitement qu'en tant que parti, le Hamas n'est pas équipé pour renverser l'occupation de façon pratique, ni pour détruire ce qu'ils reconnaissent comme une réalité.
Beaucoup d'entre nous, qui suivent les événements du Moyen-Orient, espèrent qu'ils ne cèderont pas au pragmatisme au point de reconnaître Israël non seulement comme une réalité, mais comme un « État juif ». Cependant, nous devons observer depuis les coulisses et évaluer les faits. La population de Palestine sera vigilante sur les droits qui auront été abandonnés, si cela arrive, et beaucoup d'entre nous croient que le dos au mur, ils ne capituleront pas et ils ne perdront pas ce qu'ils savent être à eux pour des raisons d'opportunité politique. Le Hamas, lui aussi, est conscient de ce fait.
7) Le Hamas a été beaucoup moins scissionniste que son homologue de principe, le Fatah.
Le « coup d'Etat » de Gaza, qui a choqué et attristé le monde, fut en réalité une mesure préventive pour déjouer la prise de pouvoir planifiée par les forces du Fatah fidèles à Dahlan (en collaboration avec Israël). Le fait que le Hamas soit le parti qui a obtenu la victoire, par son propre peuple, n'a jamais été reconnu par la « communauté internationale » qui avait néanmoins poussé à des élections et insisté sur le fait que c'était une nécessité pour les Palestiniens, parce que cette reconnaissance aurait accordé une légitimité à la résistance et serait devenue la politique au sein de l'organe de gouvernement ; le rejet des négociations avec Israël, considérées comme subalternes, et qui étaient la politique du Fatah, avait été officiellement approuvé par le peuple et cela n’aurait été qu'une question de temps avant que ce programme devienne politique de gouvernement.
Ainsi, toute mesure des « forces de sécurité » du Fatah pour s'emparer de Gaza était de fait un coup d'État. Mais en regardant en arrière des événements qui ont été alimentés par la désinformation, on peut dire que le bain de sang tragique entre Palestiniens a empêché le véritable renversement de la démocratie qui aurait eu lieu si Dahlan en avait eu la possibilité. Encore et encore, le Hamas a cherché à travailler avec le parti d'opposition ; ce que ce dernier ne pouvait tolérer, dans le vain espoir que l’avantage économique et politique dont l’a gratifié le « club de garçons » ( voir plus haut) lui permettrait de rester au pouvoir, même en l'absence d'un mandat populaire.
8) Il n'est pas nécessaire de faire de la propagande pour montrer aux Palestiniens, dans les territoires occupés et en exil, et même pour nombre d'entre eux à l'intérieur d'Israël, la destruction continue de leur civilisation et de leur peuple.
Blocus, bombardements, assassinats, guerres,
check points, humiliations, restrictions, séparations des familles, emprisonnements et abus ne sont pas des incidents isolés, mais le pain quotidien de la vie palestinienne. Nul besoin d'inventer une rage contre un ennemi fantasmagorique. Il y en a un, bien réel, qui soumet les gens de tous âges et de toutes conditions à l'humiliation, à la privation et à la mort. Montrer un homme en costume de souris pour insister sur le fait que des enfants sont endoctrinés dans la haine peut très bien marcher sur des masses non informées, mais il suffit d'un coup d'œil à la réalité pour se rendre compte que
Farfour (
1) est la manière la plus douce pour qu’un enfant assimile qu'il ou elle est un prisonnier condamné à vie à souffrir de la manière la plus atroce, pour être né comme un être inférieur aux yeux des oppresseurs.
9) Le pire des diffamations contre le Hamas est celle qui consiste à faire de lui le symbole du mal : qu'il est un groupe terroriste, financé par des « États voyous de l'Axe du Mal ».
Ayant à l'esprit que leur financement est colossalement inférieur à l'ensemble de l' « aide militaire » et économique fournie officiellement à Israël par les USA, le Canada et beaucoup d'autres pays de la « communauté internationale », pourquoi le constat d'un financement étranger serait-il considéré comme inacceptable, alors que c'est simplement la manière dont Israël est maintenu à flot par des milliards de dollars annuels officiels, et Dieu seul sait combien d’autres financements affluent par les milliers d' « associations de bienfaisance » qui sont à peine plus que des couvertures pour l'immigration de masse en Israël, pour contrer la croissance arabe ?
Si le sionisme et ses organisations caritatives sont considérées comme légitimes et nobles, pourquoi les organisations islamiques sont-elles mises sur liste noire, et leurs donateurs traités comme s'ils finançaient le terrorisme ? Il y a là deux poids - deux mesures.
Que le Hamas ait rejeté les opérations terroristes contre des civils et l’ait fait au service d'une amélioration réaliste des conditions de vie de son peuple est un fait authentifié, corroboré par rien moins que le Service de la Recherche du Congrès des Etats-Unis, groupe d'experts qui propose sa vision conservatrice et amie d'Israël au Congrès, pour qu'elle devienne une politique.
En fait, dans le document coordonné par Jim Zanotti, «
Israel and Hamas, Conflict in Gaza (2008-2009) », nous voyons que la « raison » invoquée pour l’attaque contre la Bande de Gaza, à savoir «
la nettoyer du Hamas » et les roquettes tirées sur le territoire israélien, n'était rien d'autre qu'une excuse que l'Occident a bu avec délectation comme si c'était du jus de cerise. Il a été admis que les roquettes extrêmement rudimentaires n'avaient PAS été tirées par le Hamas, et de plus, le Hamas était considéré comme étant capable et désireux de mettre fin aux attaques. Il est significatif que les premières victimes des attaques israéliennes contre Gaza furent les forces régulières de police, qui venaient juste d'être formées, peut-être aussi dans ce but. Zanotti écrit :
«
Pendant les cinq premiers mois, le cessez-le-feu a relativement bien tenu. Quelques roquettes ont été tirées sur Israël, et, progressivement, le Hamas est apparu comme de plus en plus capable et désireux de mettre fin aussi à ces attaques. Aucun mort israélien n'a été signalé (bien qu'il y ait eu des blessés et des dégâts matériels) et Israël s'est abstenu de représailles.
«
Néanmoins, chaque partie a estimé que l'autre violait les termes d'un cessez-le-feu tacite. Le Hamas a demandé - sans succès – qu’Israël lève son blocus économique de Gaza, tandis que ‘Israël demandait –également sans succès - l'arrêt total des tirs de roquettes et des progrès quant à la libération du caporal israélien Gilad Shalit détenu par le Hamas.
«
Israël a cité des tirs de roquettes sporadiques comme prétexte pour maintenir la fermeture des passages frontaliers et du port de mer de Gaza à pratiquement tout sauf aux fournitures humanitaires de base.
«
Le Hamas, et d'autres dirigeants arabes, ainsi que quelques organisations internationales et non gouvernementales impliquées dans l'aide aux civils de Gaza se sont plaints qu'Israël revenait sur ses promesses en vertu de l'accord tacite de cessez-le-feu. »
Comme si cela ne suffisait pas, l'auteur, qui n'a certainement aucune sympathie pour le Hamas, fait des déclarations sur les suites de la guerre où même Israël admet que le Hamas n'était pas responsable des tirs de roquettes :
« Depuis le début du cessez-le-feu unilatéral d'Israël, le 18 janvier 2009, il y a eu environ 40 lancers sporadiques de roquettes sur le sud d'Israël, beaucoup moins que la moyenne quotidienne avant l'Opération Cast Lead. De plus, des responsables israéliens pensent que des groupes militants palestiniens plus petits, comme le Jihad Islamique et les Brigades des Martyrs d'Al-Aqsa, et non le Hamas, ont tiré les roquettes, comme ils l'ont fait pendant le cessez-le-feu (bien qu'il soit possible que le Hamas ait facilité ou donné son accord à ces tirs tout en préservant ses possibilités de le nier). »
Ainsi, les Israéliens se sont servis de l'excuse de tirs de roquettes par le Hamas pour justifier son élimination (en détruisant la totalité de Gaza) par ce qu'ils ont appelé « des opérations militaires », mais le reste de l'humanité sait que ce fut une guerre, tout en sachant pertinemment que le Hamas n'avait ni lancé ni facilité les tirs des roquettes ; toutes les excuses qu'ils sortent de leur chapeau pour justifier leurs actions devraient d'ailleurs tomber dans l'oreille de sourds.
Les plaintes sur la contrebande d'armes par les plus rudimentaires des tunnels devraient être prises avec des pincettes lorsque nous voyons les crédits du Budget de la Défense pour le programme US-israélien de défense anti-missiles dans ce même Rapport au Congrès. Le Dôme de Fer, la Fronde de David et autre « aide militaire », qui coûtent au citoyen usaméricain des milliards de dollars, sont brièvement décrits.
Pour chaque container de cinq roquettes inefficaces qui est passé en contrebande par un tunnel, les USA envoient une pleine cargaison d'armes et des caisses de devises qu'Israël dépensera pour ses « besoins » militaires. Là aussi, le deux poids-deux mesures fait couler le sang innocent, en violation du droit international et au détriment de votre argent durement gagné. Là encore, extrait du Rapport du Congrès :
« Israël pourrait avoir utilisé des plates-formes d'armes et de munitions achetés aux USA dans ses opérations militaires à Gaza, dont, parmi d'autres, des avions F-15 et F-16, des hélicoptères Apache, et, selon des articles de presse israéliens, des mini-bombes GBU-39 guidées par GPS dont le 110ème Congrès a approuvé la vente suite à une notification de septembre 2008. »
De plus, toutes les trêves unilatérales entre Israël et le Hamas (demandées par le Hamas, pas par Israël) ont été violées, chaque fois par Israël. Dans de nombreux cas, par des incursions dans les Territoires Occupés, que le droit international interdit puisque les populations civiles (même si les colons sont partis, Gaza est maintenue sous siège par Israël) doivent être protégées par l'occupant, et non attaquées. Israël, en utilisant des armes et des avions fournis par les bonnes grâces du peuple des USA, a bombardé des rues où des cibles (des hommes politiques et religieux qu'Israël qualifie de « militants », si ce n'est pire) avaient été localisées, tuant de manière indiscriminée quiconque se trouvait à portée, y compris des enfants. Si ce n'est pas du terrorisme, c'est que ce mot n'a aucun sens.
Ce ne sont que quelques-uns des mythes en circulation. Ils représentent seulement une partie des mensonges, de la désinformation et de la propagande qui circulent sur l'un des principaux partis palestiniens, né de l'intérieur, se développant comme tous les partis le font, de la base, et légitimé par des élections équitables et légales.
Déconstruire ces mensonges est un devoir. Il n'est pas nécessaire d'être d'accord avec l'ensemble du programme du Hamas, mais il faut reconnaître qu’il est complètement différent de l'image produite par le carcan médiatique dans lequel il a été enfermé. Ce que dit Jessica Rabbit dans le film Qui veut la peau de Roger Rabbit pourrait tout à-fait s'appliquer au Hamas : « Je ne suis pas mauvaise, je suis juste dessinée comme ça. »
Note
(1) Farfour (فرفور — papillon en arabe) est le nom d'un personnage de fiction apparaissant dans cinq épisodes (avril à juin 2007) de l'émission Les Pionniers de demain sur la chaîne de télévision Al-Aqsa TV, affiliée au mouvement palestinien Hamas. Farfour a les traits physiques de Mickey Mouse.
Créé par Hazim Al-Sha'arawi, directeur de Al-Aqsa TV, les Pionniers de demain est une émission destinée au public enfantin mais qui n'en est pas moins extrêmement politisée. Chaque émission dure une heure, pendant laquelle Saraa, une petite fille voilée d'un hijab répond aux appels téléphoniques d'autres enfants, accompagnée d'un adulte qui porte le costume de Farfour et parle avec une voix aigüe. Les enfants et Farfour chantent des chants patriotiques ou guerriers et déclament des slogans politiques, appelant notamment (…) à la fin de l'occupation de l'Irak par les forces américaines. L'émission a aussi un contenu religieux, pédagogique.
Dans l'émission du 27 juin 2007, Farfour est battu à mort par un homme noir représentant Israël, qui lui extorque des titres de propriété. La souris est alors déclarée martyr par Saraa. (…) (wikipedia)