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mardi 30 mars 2010

Palestine : Journée de la Terre à Manosque

Samedi 3 avril au théâtre Jean Le Bleu à Manosque à partir de 15h

PROGRAMME
Projection : 15h
Jérusalem, The East Side Story de Mohamed ALATAR, Palestine- 2008- 56’.
Après Iron Wall, Mohammed Alatar décrit dans Jerusalem The East Side Story la politique israélienne de confiscation de Jérusalem. Il donne la parole à
des responsables palestiniens et israéliens ainsi qu’à des militants pour les droits de l’Homme et des analystes politiques. Le film montre surtout
le quotidien des habitants de Jérusalem-Est qui font face à la confiscation de leur terre et à la destruction de leurs biens.
Mohammed Alatar met en avant l’importance cruciale de la ville : Jérusalem est la clé de la paix : sans Jérusalem, aucune paix ne sera possible, pour
personne.

Quelles campagnes de solidarité ? 16h
Echanges entre les Associations et nos invités.

Témoignages : de retour de Gaza  17h30
* La situation humanitaire à Gaza par le Dr Christophe DENANTES, médecin anesthésiste de retour de mission à Gaza.
* La question de l’eau en Palestine (à partir du Rapport d’Amnesty International) par le Dr Philippe LUXEREAU.
Collation : Tartines – Gâteaux  19h30
Conférence Débat  20h30 « Israël - Palestine : ce qui bloque, ce qui bouge ».
par Dominique VIDAL, journaliste au Monde Diplomatique.
En permanence : des expositions, les stands des associations, des livres, de huile d’olive de Palestine, de l’information et une buvette.
Les Intervenants:
Dominique VIDAL, journaliste et spécialiste du Proche-Orient.Né à Paris en 1950, Dominique Vidal a fait des études de philosophie et d'histoire avant de devenir journaliste en 1973. Après avoir été rédacteur à
l'hebdomadaire communiste Révolution, il a travaillé pour différents journaux, dont La Croix de 1988 à 1991. De 1991 à 1995, il est coordinateur des activités internationales du Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ). Il collabore actuellement au Monde diplomatique qu'il a intégré en 1996 et dont il fut rédacteur en chef adjoint durant huit ans (de 1998 à 2006). Dominique Vidal a beaucoup écrit sur les problèmes liés aux banlieues et s'intéresse depuis de nombreuses années à la question israélo-palestinienne à laquelle il a consacré plusieurs livres.
Dr. Christophe DENANTES, médecin anesthésiste à l'hôpital Avicenne de Bobigny; adhérent de Médecin du Monde, assure régulièrement des missions dans les territoires palestiniens occupés où il traite aussi bien des patients victimes de blessures causées par des tirs israéliens que d’autres souffrant de malformations congénitales.
Dr. Philippe LUXEREAU, médecin retraité. Il a été responsable des programmes de coopération et de formation médicales pour différentes ONG,
d’abord en Afrique dans les années 80, puis à partir de 1993, au Proche Orient (Territoires palestiniens occupés, Iraq).Au sein d’Amnesty International France dont il est membre depuis 1979, il collabore à la coordination des actions relatives à Israël - Territoires palestiniens occupés - Autorité palestinienne, après en avoir été responsable pendant 6 ans.
Histoire de la Journée de la terre.
Le 30 mars 1976, en protestation contre des expulsions en Galilée, les Palestiniens d’Israël organisèrent une « Journée de la terre ». La répression israélienne fit huit morts.
Depuis chaque 30 mars, la « Journée de la terre » est devenue un symbole de la lutte des Palestiniens et un moment fort de la solidarité internationale.
« La Journée de la terre, journée de souffrance et de mémoire sera l’occasion de célébrer la culture palestinienne, la résistance populaire du peuple palestinien contre l’occupation, cette quête de liberté, ce rêve d’une terre retrouvée, ce combat permanent contre l’absence et l’oubli, celui de la vie à l’assaut de la mort. Cette journée de la terre est l’occasion de célébrer la Palestine et l’espoir avec vous et grâce à vous ».
Majed BAMYA
Les partenaires de ces rencontres
L’association France Palestine Solidarité 04 et Médecins du Monde,
Le Collectif Palestine 04: “L’urgence de la paix et du droit”: AFPS, ACAT, ADECR, Les Amis de l’Humanité, CCFD, CGT, CFDT, Collectif de la décennie pour la promotion d’une culture de la non-violence et de la paix, Confédération paysanne, Femmes Solidaires, Forum Civique Européen, France -Cuba, FSU, INDECOSA, LDH04, MAN, NPA, PCF, Radio Zinzine, Sud -Education, Terre des Hommes France, les Verts, Amnesty International Manosque, Artisans du Monde, ATTAC04, Mouvement de la Paix, le Secours Catholique : réseau Caritas.

Remerciements : 
Service du développement Culturel de la ville de Manosque, Services techniques du Théâtre Jean le Bleu et de la MJC, la librairie «Au Poivre d’âne ».
Proposé par l’AFPS 04 et Médecins du Monde
Soutenu par le Collectif Palestine 04 : L’urgence de la Paix et du Droit, Amnesty International Manosque, le Mouvement de la Paix, le Secours catholique : réseau Caritas, Artisans du Monde.

lundi 29 mars 2010

"France Liberté " dénonce le caractère illégal de l'accord de pêche de l'UE

Par APSO,20/3/ 2010
L’ONG France Liberté, Fondation Danielle Mitterrand, dénonce l’accord de pêche de l’UE devant l’assemblée Générale du conseil des droits de l’Homme de l’ONU.

La présentation a été faite devant le conseil le 12 février 2010. Conseil des droits de l’homme Treizième session. Point 4 de l’ordre du jour : Situations relatives aux droits de l’homme qui requièrent l’attention du Conseil.
Exposé écrit* présenté par France Libertés : Fondation Danielle Mitterrand, organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif spécial
Le Secrétaire général a reçu l’exposé écrit suivant, qui est distribué conformément à la résolution 1996/31 du Conseil économique et social. [12 février 2010]

Le pillage des ressources halieutiques au Sahara Occidental
Figurant depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes (v. Chapitre XI de la Charte des Nations Unies), le Sahara Occidental a été envahi par le Maroc en novembre 1975, après le retrait unilatéral de l'Espagne; l'occupation se poursuit encore.
Ce territoire représente un exemple flagrant de décolonisation inachevée, ce qui comporte de nombreuses implications pour la vie ainsi que pour la souveraineté du peuple sahraoui, notamment en ce qui concerne l'exploitation de ses ressources, illégalement pillées.
Cette dépossession qui ne fait que s’accroître avec le temps, est totalement illicite au titre des normes du droit international. En fait, le Maroc n'a jamais été reconnu par les Nations unies comme puissance administrante du territoire. En affirmant que le Sahara Occidental fait partie intégrante de son territoire, le Maroc ignore intentionnellement l’avis consultatif de 1975 de la Cour Internationale de Justice, la Charte des Nations Unies, les nombreuses résolutions du Conseil de Sécurité et de l'Assemblée Générale, ainsi que l'avis juridique rendu en 2002 par l'ancien Sous-Secrétaire général aux affaires juridiques et Conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies, Hans Corell. Ces textes officiels et fondamentaux affirment non seulement le statut de territoire non autonome du Sahara Occidental, mais aussi le droit du peuple sahraoui à un référendum d'autodétermination.
Il en découle que la violation permanente des ressources naturelles constitue un corollaire inquiétant de l'occupation illégale, aggravée par l’attitude de certains pays tiers concernant la légalité aussi bien de l'exploitation que du commerce de ces ressources. Réitérons que d’un point de vue légal, le Maroc n’a pas le droit d'exploiter, vendre ou marchander par le biais de l’octroi de licences les ressources de ce territoire.
La question de la pêche mérite une analyse approfondie; elle s’effectue en violation flagrante du droit international et entrave les efforts de l'ONU visant une solution à cette occupation de plus de 30 ans. Elle représente également un exemple concret de l'implication des États tiers dans le pillage des ressources naturelles du Sahara Occidental.
Dans ce cadre, une série d’accords de pêche ont été signés entre l'Union européenne et le Maroc depuis plusieurs années. Des soucis exprimés par maints secteurs concernant le risque que ces accords puissent être appliqués aux eaux du Sahara Occidental aussi, ont été ignorés. En 2006, quand l'accord avait été initialement adopté, la Suède avait exprimé ses préoccupations soulignant que l'imprécision de l'applicabilité territoriale aurait pu permettre que l'Union européenne pêche dans les eaux appartenant au Sahara Occidental; ce qui aurait été illégal.
A cette époque, il n'était toujours pas clair si la pêche aurait concerné des côtes de ce territoire, tel que cela avait été par ailleurs le cas pour les accords précédents et finalement l’accord en question n’a pas fait exception.
L’Accord de Partenariat de Pêche (APP) de 2007, entre l’Union européenne et le Maroc – d’une durée de 4 ans - très controversé depuis ses débuts, a soulevé bien des questions non seulement quant à sa légalité, inexistante au terme du droit international, mais aussi parce que les coordonnées sud du territoire relevant de l'accord n'ont pas été stipulées; ce qui laisse au Maroc la libre interprétation de l’espace où les navires européens peuvent pêcher. Conformément à l'accord, la pêche peut avoir lieu dans « les eaux sous souveraineté ou juridiction du Royaume du Maroc». Puisque l'Union Européenne a refusé, lors de la signature, de délimiter clairement son champ d'application, l’accord a ouvert pour les pays membres européens toute possibilité de pêche dans les eaux du Sahara Occidental - une zone sur laquelle le Maroc n'a aucun droit en justice étant de facto une puissance occupante et qui par ailleurs ne figure même pas sur la liste de l'ONU des puissances administrantes.
Alors que le Maroc n'a jamais déclaré sa juridiction sur ces eaux, le gouvernement de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) a déclaré en janvier 2009 une zone économique exclusive de 200 miles nautiques (ZEE) dans le cadre de sa juridiction sur ses activités de pêche en haute mer ainsi que sur ses ressources en minéraux et gisements sous- marins de pétrole, tel que cela est prévu par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Le gouvernement de la RASD semble donc être le seul organe qui ait jamais déclaré une telle compétence.
Le 9 avril 2008, soit un an après l'accord, 7 différentes questions écrites ont été transmises à la Commission européenne et il a été confirmé par le Commissaire européen pour la pêche qu’au cours de l'année 2007, celle-ci avait bien eu lieu également dans le Sahara Occidental, en vertu de l’accord de partenariat de pêche conclu entre l'Union européenne et le Maroc.
L'Union européenne prétend que l'accord est parfaitement légal et clame à tort cette légalité en se référant à l’avis de l'ancien Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques, Ambassadeur Hans Corell. L'auteur de l'avis, a pourtant vivement réagi contre l'utilisation abusive de son analyse déclarant qu'il n'y a pas de place pour une telle interprétation de son avis juridique.
Dans une conférence tenue à Pretoria en 2008, l'Ambassadeur Corell a déclaré: « Il m’a été indiqué que l’avis que j'ai rendu en 2002 avait été invoqué par la Commission européenne pour appuyer juridiquement l'Accord de Partenariat de Pêche. Je ne sais pas si cela est vrai. Mais si tel est le cas, je trouve incompréhensible que la Commission ait pu trouver un quelconque soutien dans cet avis juridique, sauf évidemment si la Commission s’était assurée que le peuple du Sahara Occidental avait été consulté, avait accepté l'accord et la manière dont les profits de l'activité lui auraient bénéficié. Toutefois, un examen de l'accord aboutit à une conclusion différente.»
En fait, le protocole à l'accord fait référence aux « ressources du Maroc » (art. 4) ainsi qu à la contribution financière indiquant que «Sous réserve des dispositions de l'article 6 du présent protocole, l'affectation de cette contrepartie relève de la compétence exclusive des autorités du Maroc» (art. 2, par. 6). Le même article 6 prévoit une longue énumération sur la façon dont la contribution doit être allouée (art. 6, par. 3), mais « il serait très difficile d'identifier les Sahraouis dans cette énumération. Par ailleurs, nulle part dans l’accord n’est mentionné le fait que la juridiction du Maroc est limitée par les règles internationales de l'autodétermination».
L’Ambassadeur Corell conclut en disant: «Dans les circonstances, j'aurais pensé qu'il était évident qu'un accord de ce genre qui ne fait pas de distinction entre les eaux adjacentes au Sahara Occidental et les eaux adjacentes au territoire du Maroc, violerait le droit international ». A cet égard, l'Ambassadeur Corell fait également référence à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. « Dans une lettre du 2 avril 2005, adressée au Ministère des Finances par le Norwegian Petroleum Fund’s Council on Ethics, celui-ci déclare que tant l’annexe III que l’article 77 par. 1 de la Convention stipulent « que les droits relatifs au plateau continental, qui dans ce cas semblent appartenir au peuple du
Sahara Occidental, englobent à la fois l’exploration et l’exploitation ».
Au-delà de la légitimité douteuse des intérêts économiques et politiques qui ont abouti à cet accord, il ne peut y avoir aucun doute sur son caractère illégal. Le stock de poissons au large des côtes du Sahara Occidental n'appartiennent pas au Maroc; lorsque l'Union européenne verse au Maroc 144 millions d'euros pour l’activité de pêche au Sahara Occidental, elle donne de l'argent à une puissance occupante qui soustrait les ressources du territoire au mépris de la volonté des ses propriétaires légitimes. Tout simplement, l'Union européenne ne verse pas l’argent au bon gouvernement.
Depuis juillet 2009, un avis a été rédigé par le service juridique du Parlement européen sur la demande de sa commission pour le développement. Ce texte – non divulgué publiquement – conclut que, contrairement à la position de la Commission européenne, la pêche au Sahara Occidental, sous sa forme actuelle, doit cesser.
L’avis juridique était censé être examiné le 28 janvier 2010, par la Commission Pêche du Parlement européen. Inscrit à la fin de son ordre du jour bien chargé, le débat sur l’avis juridique a finalement été annulé à la dernière minute et a été ajourné à la réunion suivante du 23 de février 2010. Une décision qui n’a pas été bien accueillie par plusieurs autres membres du Parlement, appelant à un débat ouvert avant la prochaine réunion conjointe entre l’Union Européenne et le Maroc, qui se tiendra à Rabat la première semaine de février 2010.
Il est décevant que cette opinion critique n’ait pas été discutée. Il aurait été à la fois important et intéressant d’entendre la réponse de la Commission sur le texte. France- Libertés partage totalement la question adressée à la Commission par le membre suédois du Parlement: « Quelles preuves la Commission a-t-elle que le peuple sahraoui ait bénéficié de l’Accord de Partenariat de Pêche, et juge-t-elle que cette preuve soit satisfaisante ?

Entrvue avec Ignace Dalle : Le Maroc sous Hassan II


Par Aziz Enhaili, 28/3/2010
Ignace Dalle est un journaliste français spécialiste du monde arabe. Il a passé de nombreuses années en poste en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Il a été le correspondant au Maroc de l'AFP durant les années 1992-1996. Cet arabisant était le premier journaliste à longuement écouter les rescapés du tristement célèbre centre-mouroir des putschistes de 1971 et 1972, Tazmamart. Il a publié trois livres sur le Maroc, dont «Les trois Rois. La monarchie marocaine, de l'indépendance à nos jours» (Fayard, 2004). Nous l’avons interviewé pour faire le bilan du règne d’Hassan II. Entrevue réalisée par Aziz Enhaili pour Tolerance.ca ®.  

Aziz Enhaili: Qu’est-ce qui avait façonné la personnalité d’Hassan II? Était-il l’homme de son temps?
Ignace Dalle: Son éducation à la fois moderne et traditionnelle. Il a eu d’excellents professeurs mais a aussi été entouré de courtisans, qui ont parfois contribué à l’éloigner de la réalité. La personnalité de son père, beaucoup plus complexe qu’on le pense généralement, a aussi joué. Enfin, il était doté d’une vive intelligence et de nombreux dons. S’il est resté 38 ans au pouvoir et est mort dans son lit, c’est que, quelque part, il s’était adapté à son époque. Malheureusement, son bilan social ne plaide pas en sa faveur. De ce point de vue, il n’a pas contribué à faire entrer la grande majorité des Marocains dans la modernité.
Aziz Enhaili: Hassan II est resté au pouvoir près de quarante ans. Son style politique était-il différent de celui de son père, Mohammed V? Si oui, dans quelle mesure? Sinon, pourquoi? Ce style avait-il évolué avec le temps?
Ignace Dalle: Mohammed V n’aimait pas les situations conflictuelles. Après l’indépendance, les Français lui reprochaient son caractère indécis et préféraient nettement le Prince héritier qui savait trancher dans le vif et ne cachait pas sa francophilie. Mais il n’y avait pas que le tempérament. Mohammed V était plus ouvert au monde arabe, à l’Afrique, aux questions sociales. Bien avant de monter sur le trône, Hassan était déjà l’homme fort du royaume, ce qui irritait son père. Son pouvoir, conforté après la «Marche Verte» en 1975 de 350.000 «marcheurs» de différentes régions du pays en direction du Sahara occidental, un territoire récemment évacué par l’Espagne, et la mise au pas de l’opposition de gauche (l’emprisonnement d’Abderrahim Bouabid, leader des socialistes, me paraît être la dernière étape de ce processus) Hassan II s’est détendu mais sans rien lâcher sur le fond.

Aziz Enhaili: Quels étaient les fondements de son régime politique?
Ignace Dalle: L’institution monarchique doté de pratiquement tous les pouvoirs via diverses constitutions sur mesure. Comme cela était insuffisant et risquait d’être irrespirable, il a laissé la corruption – présente depuis longtemps, y compris durant le Protectorat -- se développer. Dans les moments de crise, il a eu recours à la violence : le Rif en 1958/1959, Casablanca en 1965 et 1981, procès politiques, années de plomb, etc.
Aziz Enhaili: Comment qualifieriez-vous les relations d’Hassan II avec les membres de l’élite politique marocaine?
Ignace Dalle: Hassan II appréciait les technocrates, ceux qui avaient une compétence. Il se méfiait terriblement des politiques. Mais, avec les uns comme avec les autres, il n’a jamais eu de relations amicales. Il avait sans doute raison de ne pas mélanger les genres. Si, jeune, il a sans doute admiré Mehdi Ben Barka et, plus tard, reconnu les qualités d’homme d’Etat d’Abderrahim Bouabid, il l’a très peu manifesté. Dans «Mémoires d’un Roi», le nom de Bouabid n’est cité qu’une seule fois! Il était probablement trop imbu de sa personne pour traiter d’égal à égal certains de ses sujets. En revanche, les grands de ce monde le fascinaient.

Aziz Enhaili: Quelles étaient les raisons qui l’avaient amené à faire appel à Abderrahmane Youssoufi pour former «son» cabinet de «transition»?
Ignace Dalle: C’était l’aboutissement d’une politique non pas tant de réconciliation que de récupération. Sur le fond, Hassan II n’a rien lâché et le moins qu’on puisse dire est que Youssoufi s’est montré particulièrement conciliant.
Aziz Enhaili: Quel type de relations Hassan II entretenait-il avec le champ économique du pays?
Ignace Dalle: La campagne d’assainissement en 1995/1996 a eu notamment pour objet de rappeler que la monarchie marocaine n’était pas disposée à accepter une puissance économique rivale. Ses relations avec le champ économique du pays ont conduit à la réalité actuelle, à savoir que la famille royale contrôle près de 60 pour cent de la Bourse de Casablanca. Cette confusion des genres est aussi grave que déplorable. Le jeu de la concurrence est largement faussé et ce sont les Marocains qui en payent le prix. Malheureusement, il semble que cela s’est encore aggravé sous le règne actuel. Certes, le clientélisme suppose de disposer de fonds importants. La vraie question est liée à la place de la monarchie dans le pays. Aussi longtemps qu’elle sera absolue, qu’il n’y aura pas de réforme constitutionnelle, il n’y aura pas de véritable changement à attendre dans le champ économique.

Aziz Enhaili: Quelles étaient les mesures prises par lui pour contrer la montée de l’islamisme?
Ignace Dalle: Je pense qu’il a bien géré cette question même s’il a trop longtemps fermé les yeux sur la montée des islamistes en donnant la priorité à la lutte contre la gauche. Une fois le «loup» entré dans la bergerie, il a su, avec l’aide naturellement de l’appareil sécuritaire, contrôler ses «barbus». La création du Parti Justice et Développement (PJD), la complaisance à l’égard des conservateurs en matière de religion, la répression bien ciblée ont suffi la plupart du temps à éviter les débordements. Il faut aussi noter que les Marocains ont une bonne culture religieuse et que la majorité d’entre eux n’avale pas les discours extrémistes.

Aziz Enhaili: Qu’est-ce qui définissait, selon vous, ses relations avec les forces armées? Quel était l’impact réel des tentatives de putsch de 1971 et 1972 sur ces rapports? Quelles étaient les mesures prises par lui pour éviter qu’il y ait d’autres tentatives?
Ignace Dalle: Les deux putschs de 1971 et 1972 ont été un choc terrible pour lui. Il avait toujours aimé l’armée: chef d’état-major, il suivait cela de très près. Les officiers étaient pro-occidentaux comme lui. D’où le choc. Il a perdu ses dernières illusions sur la nature humaine. «Faites de l’argent, ne faites pas de politique!», a-t-il même dit aux officiers supérieurs après 1972. Il a également demandé à la gendarmerie royale et à son «patron», le Général Hosni Benslimane, de surveiller de près tous les déplacements des unités militaires. La corruption dans l’armée a calmé les ardeurs de nombreux officiers supérieurs (voir affaire du capitaine Mustapha Adib). 

Aziz Enhaili: Quels étaient les fondements de sa politique de sécurité nationale?
Ignace Dalle: Un appareil répressif sophistiqué et efficace depuis 1973. Des soupapes avec une presse relativement libre et des formations politiques qui disposaient de quelques espaces de liberté dans les dernières années de sa vie. Mais la makhzénisation des partis a rendu l’appareil répressif plus incontournable que jamais.

Aziz Enhaili: Peut-on vraiment dire que c’est la question saharienne qui avait empoisonné ses relations avec l’Algérie et plombé la consolidation de l’UMA?
Ignace Dalle: La question saharienne n’a fait qu’aggraver les choses. La rivalité remonte au temps du colonialisme. L’Algérie n’a pas vraiment renvoyé la balle au Maroc qui l’avait beaucoup aidé et qui a sans doute été défavorisée par la décolonisation. Ensuite, du fait des orientations socialistes d’Alger, le dialogue était presque impossible. Je crois que l’Algérie a souvent jeté de l’huile sur le feu et qu’Hassan II a géré raisonnablement un dossier très difficile. 

Aziz Enhaili: Rétrospectivement, Hassan II avait-il raison de quitter l’OUA?
Ignace Dalle: Je n’ai pas vraiment d’opinion sur ce point, sinon que, d’un point de vue marocain, sa réaction se comprend.

Aziz Enhaili: Qu’est-ce qui définissait la politique étrangère et les alliances internationales d’Hassan II?
Ignace Dalle: Quand on regarde l’évolution du monde arabe et de l’Afrique, qui, progressivement, se sont rangés du côté du monde occidental, on peut dire qu’Hassan II était très en avance sur son époque et sur la plupart de ses pairs. Evidemment, une monarchie est par nature plus proche du monde libéral que du monde socialiste. Hassan II était un réaliste qui avait su trouver les alliances indispensables à la fois à la survie de son régime et à la place du Maroc dans le monde. Même si c’était plus facile à l’époque de l’URSS et des deux grands blocs, plus personne ne conteste aujourd’hui la vision d’Hassan II en politique internationale. Elle a fait oublier en partie tout le reste beaucoup plus discutable.

Les sans-droits : succès du sit in du 28 mars 2010

Par Ali Fkir, 29/3/2010
Par centaines, les sans logements salubres ont répondu présent-es à l’appel du « Comité de Suivi du Dossier de l’Habitat à Casablanca » composé essentiellement des représentant-es des quartiers populaires de Casablanca.
De 16h à 18h du dimanche 28 mars 2010, les centaines des sans-droits de citoyenneté et des militant-es des droits humaines…ont tantôt scandé des slogans relatifs à leurs légitimes revendications, des slogans critiquant les politiques antipopulaires de l’Etat et l’attitude honteuse des « élus », tantôt en gardant un silence de mort, et cela face au siège de la wilaya de Casablanca.
Les sans-droits ont réussi comme toujours leur sit in dans une discipline impeccable : contenu des banderoles, slogans scandés, moments de silence…les femmes ont constitué le pivot du sit in/meeting et donc la pièce maitresse du succès de ce grand événement populaire.
L’AMDH était présente sur « le terrain » (section de Casablanca, section de Bernoussi, militants de Mohammedia…) et dans les slogans scandés par les citoyen-nes.
A la fin le sit in s’était mu en meeting où le camarade Abelletif Adchich a exprimé essentiellement la solidarité inconditionnelle de l’AMDH au mouvement des sans-toits à casablanca. Le camarade Mohammed Abounasr, coordinateur du Comité de Suivi, a étalé devant la foule les raisons de ce mouvement, les revendications des déshérité-es, le caractère de masses organisées, disciplinées, le caractère pacifique de ce mouvement, critiquant l’attitude des autorités concernées par ce dossier, le mutisme des « élus », et soulignant la détermination du COMITÉ DES SUIVI à continuer le combat pour le droit au logement salubre.
Abounasr a parlé aussi du 30 mars , journée de la terre palestinienne, de la justesse de la lutte du peuple palestinien, et appelé les présent-es à assister au sit in de protestation qui sera organisé devant le consulat américain à Casa par le Comité de soutien aux peuples palestinien et irakien
Bravo le COMITÉ DE SUIVI !
BRAVO LES MILITANT-ES DE L’AMDH !
PLEINS SUCCÈS AU MOUVEMENT DES SANS LOGEMENT !
 
 
  
 
  
  
 
 
  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Punitions collectives pour les islamistes



Par Abderrahim Mouhtad, Ennassir, 29/3/2010

Voici un communiqué qui fait le point sur les conditions de détention des détenus islamistes dans les prisons après l'échec de l'évasion du 9 mars 2010, suite à laquelle la délégation générale des prisons est entrain de punir tout le monde sous prétexte que les autres détenus sont complices et pour faire entendre aux autres que penser à s'évader signifie la punition collective sans exception.
Prière d' intervenir afin de stopper cette attitude répressive.

بسم الله الرحمن الرحيم
بــــلاغ

اجتمع عدد من أهالي واسر المعتقلين الإسلاميين المتواجدين بالسجون المغربية يوم السبت 27 مارس 2010 بمقر جمعية النصير لمساندة المعتقلين الإسلاميين وقرروا إبلاغ الرأي العام الوطني والدولي وكل المهتمين بحقوق الإنسان بما يلي:
إن ظروف ذويهم المعتقلين وخصوصا المرحلين أخيرا إلى سجن ( تيفلت ) أو الذين ما يزالون بالسجن المركزي سيئة للغاية. وحسب شهادات الذين قاموا بالزيارة هذا الأسبوع.
أن الزيارة تتم من وراء الشبابيك وفي ظروف لا إنسانية.
التفتيش الدقيق الذي يمس حتى الجوانب الحساسة.
منع إدخال عدد من المواد الغذائية ومن دون مبرر.
فرض اقتناء بعض المواد الغدائية من متجر السجن.
التأخير والمماطلة في الدخول إلى الزيارة ( أكثر من ساعتين من الانتظار دون توفير الظروف الملائمة).
قصر مدة الزيارة 20 دقيقة.
المراقبة اللصيقة من طرف الموظفين.
عدم تمكين المرحلين إلى سجن ( تيفلت ) من ملابسهم الخاصة وأغراضهم منذ أن حلوا به في التاسع من هذا الشهر.
قامت الإدارة بتفريق المعتقلين إلى مجموعتين وكل واحدة تعيش بمعزل عن الأخرى مع توفير بطاقات الزيارة بلونين مختلفين ( الأصفر والأزرق ). ولكل لون من الألوان نوع خاص من المعاملة.
أكدت بعض العائلات تعرض ذويهم إلى سوء المعاملة ( كالضرب والسب والشتم والتجريد من الثياب .....).
تدهور الحالة الصحية لكل من المعتقل ـ سعيد بوليفة وعبد العالي المجاهدي ـ بعد تجاوزها ل 40 يوما من الإضراب عن الطعام بالسجن المحلي بمدينة مكناس.
فيما يبقى مصير الذين اتهموا بمحاولة الفرار مجهولا إلى يومنا هذا بعدما تعبت أهاليهم في البحث عنهم و التنقل ما بين سجن سلا والسجن المركزي والسجن الجديد بمدينة ( تيفلت ).

وبناء على ما سبق ذكره، وحسب شهادة الأسر والعائلات التي قامت بالزيارة هذا الأسبوع، فإننا في جمعية النصير لمساندة المعتقلين الإسلاميين ندعو كل الفاعلين الحقوقيين والجمعويين ووسائل الإعلام وكل الضمائر الحية من اجل التدخل والتنديد بكل هذه الممارسات التي تتنافى وابسط الحقوق، والمطالبة بوقف سياسة العقاب الجماعي التي طالت كل المعتقلين الإسلاميين بل تعدت ذلك لتشمل أسرهم وعائلاتهم، كما نؤكد على مطلب تقريب المعتقلين من ذويهم، عوض سياسة الإقصاء والإبعاد والتضييق المعتمدة حاليا.
وللإشارة فان السجن الجديد بتيفلت ما يزال في طور البناء ولا يتوفر على ما يضمن الحياة الكريمة لنزلائه.


عن المكتب المسير للنصير
الدار البيضاء: 27 مارس 2010.


dimanche 28 mars 2010

Maroc : pétition pour l'éradication du travail des "petites bonnes"

  POUR L’ÉRADICATION DU TRAVAIL DOMESTIQUE DES PETITES FILLES
Contre toutes considérations humaines et en toute illégalité, plus de 60 000 petites filles âgées de moins de 15 ans sont victimes du travail domestique et sont sujettes à la maltraitance, à l’exploitation et à de multiples abus physiques et moraux.
Nous devons et nous pouvons libérer ces 60 000 enfants du calvaire quotidien qu’elles subissent.
Nous devons et nous pouvons nous mobiliser pour leur assurer le droit à l’école, à la dignité, à la santé et à la vie.
Signons, faisons signer cette pétition pour :
1. que les autorités publiques comprennent que nous, Marocaines et Marocains, voulons que ces 60 000 « petites bonnes » soient soustraites de la traite des enfants, qu’elles soient protégées et que tous leurs droits soient garantis et respectés
2. l’adoption et l’application effective d’une loi spécifique juste et conforme aux normes internationales et aux conventions signées par le Maroc qui protège les enfants contre le travail et l’exploitation
3. la mise en œuvre de la loi concernant l’obligation scolaire pour les enfants jusqu’à l’âge de 16 ans
4. la mise en place de mesures et de politiques publiques à même d’apporter l’aide et le soutien aux familles démunies pour leur permettre de jouir de tous leurs droits, dans leur globalité et pour le respect des droits de leurs enfants
5. la sensibilisation aux droits des enfants et pour que cesse le calvaire des « petites bonnes »
Cette pétition est disponible pour signature sur : http://www.lapetition.be/petition.php ?petid=5119
Publié le -00-2011 - 881 visites

Pas de licence de foot pour des enfants dits "étrangers" ?

Par la Ligue des Droits de l’Homme, 13/3/2010
Depuis des mois, de jeunes enfants cherchent à pratiquer le football en Ile-de-France. Tout à fait normalement, pour respecter la réglementation et leur permettre de disputer des rencontres avec leur club, il est demandé à la ligue régionale de leur délivrer une licence. Quelle n’est pas la surprise de certains dirigeants de constater que ces dernières ne sont pas délivrées à certains d’entre eux, au motif qu’ils seraient étrangers et qu’ils devraient justifier de documents prouvant de leur résidence en France depuis cinq ans.
S’il est effectif qu’une vigilance constante doit s’exercer afin de lutter contre le trafic de jeunes talents sportifs, en l’espèce il ne s’agit pas du tout de cette situation. Les licences sont réclamées pour des enfants, dont la famille vit ici, travaille ici, qui sont scolarisés ici, et qui veulent simplement une pratique de loisir. Outre les pièces habituelles, la justification d’état civil et d’un représentant légal sont parfaitement suffisantes. Pourtant, le renseignement d’une simple case sur la demande officielle de licence – français ou étranger – déclenche une curieuse chaîne d’illégalités qui prouveraient que la FFF, cherche à créer son propre droit spécifique au mépris de la loi. Les services administratifs exigent alors des actes qui soit n’existent pas, en l’occurrence « une attestation de présence en France depuis les 5 dernières années », soit n’ont pas à être demandés quand il s’agit d’enfants, à savoir un titre de séjour.
En effet, il convient de rappeler qu’un enfant sans papiers n’existe pas, et qu’il y a simplement des enfants, dont la CIDE rappelle que l’intérêt supérieur prime sur toute autre considération. De plus exiger la production d’une attestation de résidence de plus de 5 ans, qu’aucun service n’est en mesure de délivrer, revient à demander la justification de la régularité du séjour des parents sur une durée longue correspondant de fait au standard implicite quand il s’agit de la régularisation des sans papiers. La FFF se comporterait ainsi en supplétifs de la politique de l’immigration.
La LDH affirme qu’il s’agit bien dune discrimination caractérisée envers des enfants du seul fait de la nationalité supposée ou réelle de leurs parents. La LDH, par lettre recommandée au président de la FFF en date du 26 février, a demandé la communication des instructions qui ont amené à une situation ahurissante de refus de permettre à des enfants de 6 ans de pratiquer le football, s’ils ne peuvent personnellement justifier de leur présence en France depuis plus de 5 ans. Pire, devant les protestations sur cette durée, les services de la ligue régionale auraient diminué à… 2 ans la longueur du temps, comme si la mesure serait ainsi plus justifiée, le cynisme s’ajoutant alors à l’incohérence.
La LDH demande à la FFF, à la ligue régionale d’Ile-de-France, et éventuellement aux autres structures de ne plus se comporter de fait en auxiliaire du racisme et de la xénophobie. Alors que la FFF prétend lutter contre ces fléaux à grands renforts de médiatisation, elle devrait d’abord montrer l’exemple dans sa propre maison et y faire acte de pédagogie. La FFF connaît-elle le dommage qu’elle cause chez ces jeunes qui ne demandent qu’à pratiquer et à apprendre ?
La LDH a décidé, si la preuve de l’annulation de la pratique en vigueur n’est pas apportée, c’est-à-dire la délivrance rapide des licences, d’une part de demander à la HALDE de se saisir de cette discrimination, et d’autre part de saisir la Défenseure* des enfants de cette violation manifeste de la CIDE.
Le LDH attend des instances du football français qu’elles respectent la loi et qu’elles reviennent aux principes de déontologie sportive qui devraient être le souci de la première fédération de France.
*La LDH ne semble pas avoir noté que la fonction de défenseure des enfants a été supprimée...

Au Maroc, la vie « sans avenir » des jeunes expulsés de France

Par Cerise Maréchaud, 9/3/2010
Le cas de Najlae Lhimer, renvoyée au Maroc à 19 ans, n'est pas isolé : Rue89 donne la parole à ces jeunes expulsés.

Najlae Lhimer, le 6 mars à Rabat
(De Casablanca) Au téléphone, Najlae Lhimer se dit « soulagée et heureuse » : elle vient d'apprendre que Nicolas Sarkozy est prêt à l'accueillir en France. La jeune Marocaine de 19 ans en a été expulsée le 20 février vers son pays natal, le Maroc, qu'elle a fui en 2005 pour échapper au mariage forcé que lui réserve son père à Oujda (Nord-Est).

A Château-Renard, dans le Loiret (Centre), elle suivait une formation en hôtellerie-restauration et vivait chez son frère, qu'elle accuse de violences. Arrêtée alors qu'elle venait de porter plainte et demander de l'aide, son cas a soulevé l'indignation d'associations de défense des droits des femmes.
Samedi 6 mars, à la veille de l'annonce présidentielle, elle témoignait à Rue89 lors d'une rencontre à Rabat :
« Si mon père me retrouve, c'est foutu, je retournerai avec lui et ma vie va se terminer, basta, mariage, les enfants et c'est tout. » (Ecouter le son)
Dans quelques jours, Najlae devrait rentrer en France avec un visa long-séjour, comme avant elle, ces dernières semaines, Mohamed Abourar, lycéen de Colombes (Hauts-de-Seine) expulsé le 23 janvier malgré son « contrat jeune majeur », ou encore Salima Boulhazar, renvoyée au Maroc début février, mais qui a pu retrouver sa famille (dont sa sœur jumelle) à Clermont-Ferrand dimanche.
« Emballement de la machine à expulser »
Des bonnes nouvelles relatives (et non sans lien avec le contexte électoral) qui cachent mal une tendance inquiétante : la multiplication et l'accélération des expulsions de ces jeunes Marocains qui, arrivés mineurs en France auprès d'un parent, deviennent « sans-papiers » à leur dix-huitième anniversaire.
Sauf qu'une fois « éloignés » des frontières hexagonales, nombreux se retrouvent démunis et sans repères avec, pour quasi unique soutien, la branche locale de Réseau éducation sans frontières (RESF).
Depuis sa création en 2006 par des enseignants du lycée Descartes de Rabat, RESF-Maroc a eu connaissance d'une vingtaine de cas. « Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. On sait que de nombreux jeunes sont passés sans qu'on le sache », assure une militante inquiète de « l'emballement de la machine à expulser ». Elle poursuit :
« Je crois que les décideurs ne se rendent pas compte de ce que vivent ces jeunes quand ils arrivent au Maroc. C'est la vie brisée, la fin de l'école, un arrachement avec la famille. »

« Abandonné »
Hassan El Bouyahiaoui, 22 ans, fait partie de ceux -les plus nombreux- dont la situation s'enlise dans la précarité et l'oubli.
Elevé à Oujda par sa grand-mère, il part, à la mort de celle-ci, pour Montpellier rejoindre son père, ancien maçon, aujourd'hui handicapé.
A ses 18 ans, alors scolarisé en CAP (Contrat d'apprentissage professionnel) de mécanique, il se voit délivrer des autorisations provisoires de séjour, puis c'est une « OQTF » (Obligation de quitter le territoire français) après un échec à des examens.
Hassan n'en a pas moins des propositions de travail en alternance, mais trop tard. Centre de rétention, embarcation de force sur le bateau Sète-Tanger le 10 mars 2009 -il y a un an jour pour jour. A Oujda, son grand-père, malade et sans le sou, lui ferme sa porte.
Après plusieurs semaines d'errance parfois risquée dans cette zone frontalière, Hassan atteint Rabat puis Témara, où une militante lui trouve un travail dans une usine. Depuis sept mois, il squatte une vieille maison dont les murs roses respirent tout sauf la gaité. Hassan, lui, se sent comme cette villa décatie et son jardin en friche : abandonné.
« Peut-être que si j'étais encore scolarisé, il y aurait eu plus de mobilisation, mon lycée aurait fait grève… », cogite Hassan. Il poursuit :
« Mon ancien patron vient de me faire une promesse d'embauche. C'est le seul truc qui me fait tenir le coup. »

Errais, Jihad 21 ans, à Casablanca (photo Cerise Maréchaud)Jihad Errais a été expulsé il y a bientôt trois ans. Natif de Tinghir, petit village près de Ouarzazate, il est parti en 2003 vivre à Orly chez son oncle et tuteur pour aider ses parents, vendeurs de légumes. Ce jeune au regard doux raconte :
« Avant ma majorité, j'ai fait une demande de carte de séjour, mais je n'ai pas eu de réponse pendant plus d'un an. J'ai paniqué et me suis enfui en Espagne, on m'a arrêté à la frontière. »
Elève sérieux, délégué de classe, Jihad a appris le français en six mois et a été admis en BEP hôtellerie-restauration à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne). « Un secteur où il y a un gros besoin de main-d'œuvre », s'étonne-t-il. Depuis, il se débrouille à Casablanca, de centre d'appels en institut de sondage, mais dort mal, rattrapé par son obsession du retour en France.
« En France, je peux aller loin »

Tout comme Alaeddine El Jaadi, 21 ans, coincé depuis neuf mois dans l'appartement familial de Sidi Slimane, bourgade somnolente au nord de Rabat, après cinq ans de vie à Lyon chez sa tante. Par ignorance, celle-ci n'avait pas entamé de démarches de régularisation " Je venais d'obtenir mon CAP de plâtrier-plaquiste et on m'avait proposé un travail. Ici, je connais des jeunes, ils ont le bac et ne travaillent pas, alors moi ? Je n'ai aucun niveau scolaire ici. Là-bas, en France, je peux encore aller loin. »
Alaeddine El Jaadi à son arrivée à Casablanca (Zoe Deback)Mais il s'inquiète de l'affaiblissement de la mobilisation pour son retour. Son espoir s'accroche aux coups de fil encore réguliers de George Gumpel, septuagénaire membre de l'Union des juifs français pour la paix, qui a caché Alaeddine, chez lui à Lyon pendant neuf mois, comme lui-même fut caché sous l'Occupation.
Il s'accroche aussi à l'idée de faire valoir ses droits. Il témoigne :
« Pendant mon expulsion, j'ai été frappé, traîné par terre. »
A RESF-Maroc, le rôle du réseau fait parfois débat. Ses membres s'interrogent :
« Doit-on tout faire pour les aider à rentrer, quitte à leur donner de faux espoirs, ou se concentrer sur leur réinsertion ici et leur faire avaler la pilule amère ? »
Mais ils sont certains d'une chose : le ministère de l'Immigration ne tient pas compte de la réalité des jeunes qu'il renvoie. Pour preuve, Catherine nous lit la lettre (datée de novembre) de son secrétariat général, en réponse à un communiqué (de septembre) de RESF-Maroc sur les situations de Hassan, Alaeddine, Jihad et d'autres.

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