Le Maroc est le seul pays qui célèbre une violation du droit
international. Le 6 Novembre, le jour où la sinistre "marche verte" a
violé la frontière du Sahara occidental en 1975, le roi a pour habitude
de prononcer un discours dont le thème principal est souvent la question
du Sahara occidental dont l’annexion n'a pas été reconnue par le Droit
International. Dans le discours qui vient de prononcer cette année, les
paroles de Mohamed VI révèlent que le Maroc se trouve de plus en plus
isolé dans sa position expansionniste et que la réaction de cet
isolement de plus en plus grand est une défiante intransigeance envers
l'ONU et les États-Unis.
I. PRINCIPAUX MESSAGES DU DISCOURS DE MOHAMED VI
Les paragraphes les plus importants du discours de Mohamed VI sont les suivants:
«Le Maroc restera dans son Sahara et le Sahara demeurera dans son Maroc jusqu’à la fin des temps»
(...)
C’est
dans ce cadre que s’inscrit Notre décision de mettre en œuvre la
régionalisation avancée et le modèle de développement de nos Provinces
du Sud.
(...)
il n’y a pas de degrés en patriotisme ou en
trahison. Car, soit on est patriote, soit on est traitre. (...)Nous
savons que l’erreur est humaine, mais la trahison est impardonnable. Et
le Maroc ne sera jamais une fabrique pour les « martyrs de la trahison
».
(...)
Le Maroc n’a aucun complexe pour négocier avec qui que ce soit, aussi
bien directement que par le biais de la médiation onusienne. Mais là, il
faut insister sur le fait que la souveraineté du Maroc sur l’ensemble
de son territoire est immuable, inaliénable et non négociable. .
(...)
L’Initiative d’autonomie
est le maximum que le Maroc puisse offrir dans le cadre de la
négociation pour trouver une solution définitive à ce conflit régional. .
En Ma qualité de Garant de l’indépendance et de l’intégrité territoriale
du pays, Mon devoir est de définir les concepts et les responsabilités
dans le traitement des questions avec les Nations Unies. Il M’incombe
aussi d’exprimer le rejet par le Maroc des mystifications et des
dérapages que connait cette affaire.
En réaffirmation de la position du Maroc à ce sujet, Je dis :
•
Non à la tentative visant à modifier la nature de ce conflit régional
en le présentant comme une affaire de décolonisation. En effet, le Maroc
dans son Sahara, n’a jamais été une puissance d’occupation ou une
puissance administrante. Il exerce plutôt les attributs de sa
souveraineté sur sa terre ;
• Non à toute tentative de révision des
principes et paramètres de négociation, ainsi qu’à toute autre tentative
visant à reconsidérer ou élargir le mandat de la Minurso, y compris la
question d’observation des droits de l’Homme ;
• Non à la complaisance vis-à-vis de la véritable partie à ce conflit et à son exonération de ses responsabilités;
•
Non à la tentative de mettre sur un même pied un Etat-membre au sein
des Nations Unies et un mouvement séparatiste, et non à la légitimation
de l’état de non-droit qui prévaut à Tindouf ; (...)
A cet
égard, Nous exprimons Notre estime au Secrétaire général des Nations
Unies et aux grandes puissances internationales, notamment les
Etats-Unis d’Amérique, avec, au premier chef, la Maison Blanche, pour
leur contribution positive, pendant les différentes étapes, à la
recherche d’une solution à cette question.
Si Nous saluons leur
soutien aux efforts déployés par le Maroc et au processus de négociation
sur la base de l’Initiative d’autonomie, Nous n’en exigeons pas moins
aujourd’hui une position claire sur ce conflit. (...)
Il se
leurre celui qui croit que la gestion de l’affaire du Sahara se fera au
moyen de rapports techniques orientés ou de recommandations ambiguës
s’appuyant sur la tentative de concilier les revendications de toutes
les parties.
Il se méprend aussi celui qui tente une comparaison
entre le Sahara d’une part, et le Timor oriental ou certains litiges
territoriaux en Europe de l’Est, d’autre part. Car chaque affaire a ses
spécificités.
II. MOHAMED VI MET FIN A LA CREDIBILITE QUE LA MONARCHIE POURRAIT AVOIR
Avant l'analyse du conflit, il convient d’attirer l'attention sur les
affirmations objectivement fausses avancées par Mohamed VI. La fausseté
évidente de ces affirmations implique que celui qui a écrit le discours
(Taieb Fassi Fihri?) que Mohammed VI a très mal lu a mis celui-ci dans
une situation intenable à l'échelle internationale. Voyons pourquoi.
1. Il n’est pas vrai que la souveraineté ne soit pas négociable pour la monarchie marocaine.
- Mohamed VI dit: «Le Maroc n’a aucun complexe pour négocier avec qui
que ce soit, aussi bien directement que par le biais de la médiation
onusienne. Mais là, il faut insister sur le fait que la souveraineté du
Maroc sur l’ensemble de son territoire est immuable, inaliénable et non
négociable »
- Cependant, la monarchie marocaine a officiellement accepté un "plan de Règlement" qui prévoit un référendum d'autodétermination permettant de
choisir entre l'indépendance du Sahara occidental et l'intégration au
Maroc. Ce plan, ACCEPTE PAR LES DEUX PARTIES, a été approuvé par le
Conseil de sécurité dans ses résolutions 658, 690 et 725.
2. Il n’est pas vrai que le Sahara Occidental soit un conflit "régional" et non pas un conflit de décolonisation
- Mohamed VI a dit: «Non à la tentative visant à modifier la nature de
ce conflit régional en le présentant comme une affaire de
décolonisation"
- Pourtant, l'Assemblée Générale, d’une manière continue depuis 1965,
avant et après l'invasion du territoire par le Maroc, a considéré ce
conflit comme un problème de décolonisation.
Plus important encore, la question est à l'ordre du jour du Comité de
Décolonisation de l'Assemblée générale sans que le Maroc en fasse
objection.
3. Il n’est pas vrai que le Maroc ne soit pas une puissance occupante.
Les Nations Unies ont officiellement, qualifié la présence marocaine comme "occupation"
- Mohamed VI dit que "le Maroc n'a jamais été une force d'occupation"
- Cependant, l’Assemblée Générale des Nations Unies a officiellement
qualifié la présence marocaine au Sahara occidental comme "occupation"
dans ses résolutions 34/37 et 35/19.
4. Il n’est pas vrai que le Maroc ne soit pas une "puissance administrante"
- Mohamed VI a déclaré que "le Maroc n'a jamais été une force d'occupation ou une puissance administrante au Sahara"
- Pourtant, le ministre, à l’époque, des Affaires étrangères de Mohamed
VI, Mohamed Benaissa, a écrit une lettre officielle au secrétaire
général (SG) de l'ONU, le 2 Février 2006, où l’on attribuait au Maroc la
condition de «puissance administrante» (document officiel Nations
Unies S / 2006/52, dont je parlais dans un article sur le sujet).
III. MOHAMED VI DÉVOILE LES PLANS DES NATIONS UNIES ET Y OPPOSE SON INTRANSIGEANCE
Le dernier rapport du Secrétaire général de l'ONU au Conseil de sécurité
(CS) en Avril 2014, dévoile que l'Envoyé personnel du SG, Christopher
Ross, a fait une série de propositions dont les parties se sont engagées
à garder dans le secret. Il y a eu aussi des spéculations sur le
contenu du rapport remis par Ross au Conseil de sécurité à huis clos le
27 Octobre 2014.
Le quadruple "NON" de Mohamed VI, à la lumière des "Wikileaks du
Makhzen» récemment révélés semble offrir des pistes claires sur la
nature de la proposition de Ross que le Maroc rejette.
- Lorsque Mohamed VI dit: «Non à la tentative visant à modifier la
nature de ce conflit régional en le présentant comme une affaire de
décolonisation», il dévoile que la prémisse du plan des Nations Unies
est que nous sommes face à un «territoire non-autonome», c’est-à-dire,
une colonie.
- Lorsque Mohamed VI dit: " Non à toute tentative de révision des
principes et paramètres de négociation, ainsi qu’à toute autre tentative
visant à reconsidérer ou élargir le mandat de la Minurso, y compris la
question d’observation des droits de l’Homme", il révèle clairement que
la proposition de solution du conflit passe par la création d’un
mécanisme international pour la protection des droits de l'homme.
- Quand Mohamed VI a déclaré: «Non à la complaisance vis-à-vis de la
véritable partie à ce conflit et à son exonération de ses
responsabilités ", il dévoile clairement que les Nations Unies refusent
de considérer comme «partie dans ce conflit" le pays que le Maroc tente,
en vain, depuis des décennies, d’en faire une «partie», à savoir
l’Algérie.
- Lorsque Mohamed VI dit: " Non à la tentative de mettre sur un même
pied un Etat-membre au sein des Nations Unies et un mouvement
séparatiste, et non à la légitimation de l’état de non-droit qui prévaut
à Tindouf ", il nous dit que la proposition de l’ONU compte établir des
obligations similaires aux deux parties du conflit, le Maroc et le
Front Polisario.
Plus révélateur encore, la phrase où Mohammed VI dit que « Il se méprend
aussi celui qui tente une comparaison entre le Sahara d’une part, et le
Timor oriental". Il s’agit, si ma mémoire ne me trahit pas, de la
première fois que Mohamed VI cite explicitement le cas du Timor
oriental. Un cas que de nombreux auteurs (en plus de celui qui signe cet
écrit) considèrent comme un modèle très proche à celui du Sahara
occidental.
Cela signifie que, pour les Nations Unies, le modèle de décolonisation
du Sahara occidental est, comme il ne peut pas être autrement, le Timor
oriental.
IV. MOHAMED VI REPROCHE AUX ETATS-UNIS (ET A LA FRANCE) LE MANQUE D’UN SOUTIEN CLAIR
Je pense qu’il est très important le paragraphe du discours où après
avoir dit " Nous exprimons Notre estime au Secrétaire général des
Nations Unies et aux grandes puissances internationales, notamment les
Etats-Unis d’Amérique, avec, au premier chef, la Maison Blanche, pour
leur contribution positive, pendant les différentes étapes, à la
recherche d’une solution à cette question ", fait un petit reproche
voilé.
En effet, il appelle ces États qui, en dépit de saluer les " efforts
déployés par le Maroc et au processus de négociation sur la base de
l’Initiative d’autonomie", ils ne soutiennent pas l'imposition par le
Maroc de sa position. C’est pour cela qu’il dit, en ce qui concerne ces
"grandes puissances internationales» que «Nous n’en exigeons pas moins
aujourd’hui une position claire sur ce conflit ".
Le fait que Mohamed VI supplie à ces puissances (États-Unis et France)
"une position claire sur ce conflit" est la preuve la plus éloquente que
celles-ci n’offrent pas cette "position claire" que Mohammed VI réclame
et qui est le soutien à l’annexion.
V. SILENCE SUR LA RUSSIE (ET LA CHINE) ET RÉFÉRENCE ÉNIGMATIQUE A L’EUROPE DE L'EST
Un fait frappant dans ce discours est le fait qu’il n’ait fait aucune
référence à la Russie et à la Chine, pays avec lesquels Mohamed VI avait
annoncé des relations stratégiques dans son discours du 20 Août 2014.
J’ai déjà parlé ici de la question de la "non-visite" de Mohamed VI en Russie.
L'absence de référence à la Russie confirme, à mon avis, que le projet de rapprochement avec la Russie est tombé à l’eau.
À cet égard, un fait qui attire l’attention est que Mohamed VI dise " Il
se méprend aussi celui qui tente une comparaison entre le Sahara (…) ou
certains litiges territoriaux en Europe de l’Es" Qu’est-ce qu’il veut
dire par là ? Je pense qu’il parle des cas de l'Abkhazie et de l'Ossétie
du Sud. Il est probable que l’absence d’entendement avec la Russie soit
dû précisément au fait que la Russie a demandé comme contrepartie au
soutien au Sahara occidental un soutien dans les conflits d’Abkhazie et
d’Ossétie du Sud (en plus, bien sûr, de celui de l'Ukraine).
VI. ANALYSE CONCLUSIF : L’ ESPAGNE DEVRA SE PRONOCER AU CONSEIL DE SECURITE EN 2015
Je trouve que ce discours a été l’un des plus intransigeants dans tout
le règne de Mohammed VI. Peut-être le seul discours d’intransigeance
similaire était celui de l’année 2000 lorsqu’l a fait pression pour
suspendre le référendum d’autodétermination.
Mais contrairement à ce qui arrivait dans la première étape de son
règne, dans laquelle il comptait avec le soutien de la France et les
Etats-Unis dans cette intransigeance, maintenant il semble ne pas jouir
de ce soutien.
Mohamed VI se trouve, à mon avis, plus isolé que jamais. Cela veut dire
que le débat et la prochaine résolution du Conseil de Sécurité en Avril
2015 peuvent avoir une intensité et une gravité énormes. D'ici là,
l'Espagne sera assis au Conseil de sécurité. Si l'absence d'une
"position claire" de la France et des États-Unis persiste, le Makhzen va
essayer de faire une pression brutale sur l'Espagne (terrorisme,
migration). Mais dans cette situation, il est probable que ni l’éventuel
(et, à mon avis, indésirable et stratégiquement erroné) soutien de
l’Espagne empêche l'ONU de faire un pas qualitatif vers la résolution du
conflit du Sahara occidental.
Carlos Ruiz Miguel, professeur de droit constitutionnel
Université de Saint-Jacques-de-Compostelle
Traduction non-officielle de Diaspora Saharaui