Cela fait dix ans que le Maroc est devenu signataire de la CIJ. Les militants disent qu'il est temps que le statut de Rome soit ratifié.
Par Naoufel Cherkaoui pour Magharebia à Rabat – 15/07/10
Un Sommet organisé à Rabat l'hiver dernier a demandé que le Maroc accède enfin à la Cour Internationale de Justice.
Les activistes marocains pressent les législateurs à ratifier le statut de Rome de la Cour Internationale de Justice (CIJ), arguant que cette initiative aiderait au développement des Droits de l'Homme et réduirait l'impunité gouvernementale.
Même si l'Instance marocaine Equité et Réconciliation a recommandé que le Royaume accède au statut signé en l'an 2000, il n'a pas encore été ratifié. Des inquiétudes se sont élevées car ce statut pourrait s'avérer contradictoire avec les lois du pays.
Les avocats des Droits de l'Homme affirment que ce n'est qu'un prétexte permettant de maintenir une certaine impunité.
"L'adoption du statut de Rome vient soutenir la souveraineté du Royaume du Maroc, où les lois nationales seront en premier lieu appliquées, sans avoir aucunement recours à la [CIJ], hormis en cas d'échec des Tribunaux nationaux", dit Amina Bouayach, Présidente de l'Organisation Marocaine des Droits de l'Homme (OMDH).
"Tous les crimes qui relèvent de ce Tribunal, comme les crimes de guerre, les crimes contre l"humanité et les génocides ne peuvent exister au Maroc, une démocratie en développement respectueuse des Droits de l'Homme", a dit Bouayach, dimanche 11 juillet, à l'issue d'une session de travail de deux jours consacrée à la question du statut de Rome et intitulée "Le Tribunal International, Un Système pour Lutter contre l'Impunité".
Hicham Cherkaoui, coordinateur de la Coalition marocaine pour la Cour Internationale de Justice, dit à Magharebia que "le Maroc continue à éviter la proposition de ratification sur la base de contraintes légales et constitutionnelles".
"C'est plus une question de sécurité pour le Maroc qu'une question législative, parce que la majorité des pays qui ont un système politique similaire à celui du Maroc... ont su régler ces contraintes en accord avec la législation," dit Cherkaoui, dont la coalition a organisé une conférence pro-ratification au mois de février.
"La vraie raison cachée derrière la réticence marocaine à ratifier le statut, c'est le manque de volonté politique d'éliminer la règle de l'impunité, et c'est aussi la raison du manque d'attitude positive envers les recommandations de l'Instance Equité et Justice", ajoute-t-il.
Abeer Khreishah, coordinateur régional au Moyen-Orient et en Afrique du Nord de la Coalition Mondiale pour la Cour Internationale de Justice, dit à Magharebia que chaque année "nous nous concentrons sur une zone géographique spécifique, dans laquelle nous ciblons 3 ou 4 pays... La région arabe est la plus sous-représentée au Tribunal, c'est pourquoi elle est aussi la plus ciblée".
"De plus, les recommandations émises par le Comité de la Justice Nationale et de la Réconciliation comportent un décret de ratification du statut de Rome, le Maroc est donc un bon candidat pour notre campagne internationale", ajoute-t-il.
Khadija Ryadi, présidente de l'Association marocaine des Droits de l'Homme, dit à Magharebia que la ratification du statut est "l'une des recommandations émises par la Commission de la Justice Nationale et de la Réconciliation que le Gouvernement avait promis d'adopter, mais il n'a pas tenu sa parole".
"Si le gouvernement prétend que le système [du Tribunal International] n'est pas compatible avec la Constitution, nous pensons qu'il faudra modifier la Constitution, parce que... elle entrave l'établissement de l'autorité de la loi", ajoute la présidente de l'AMDH.
Mais Hicham Malti, officiel du Ministère de la Justice, affirme qu'il y avait des "obstacles" à la ratification du statut par le Maroc.