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Un rapport de l'Unicef s'alarme du sort des migrants mineurs qui transitent par la France. Entretien avec l'un de ses auteurs : Olivier Peyroux.
Propos recueillis par Baudouin Eschapasse
Le
Le Point.fr
Cofondateur avec Alexandre Le Clève de l'association Trajectoires,
qui étudie les parcours des migrants et des réfugiés à travers l'Europe, le sociologue Olivier Peyroux
a conduit, entre janvier et avril dernier, une vaste enquête auprès des
mineurs non accompagnés (MNA) qui séjournent dans sept campements du
Nord, du Pas-de-Calais et de la Manche. Son
rapport, cosigné avec deux autres chercheurs, pointe le fait que l'État
français ne prend pas en charge, comme la Convention des droits de
l'Enfant le lui impose, les jeunes présents dans ces « jungles », et ce,
bien qu'ils y soient en danger…
Le Point : Combien d'enfants et d'adolescents migrants sont-ils présents dans l'Hexagone ?
Olivier Peyroux : Un décompte précis est difficile. Les conclusions auxquelles parviennent la plupart des associations c'est entre 8 000 et 10 000, s'agissant plus spécifiquement des bidonvilles du Nord de la France sur une année leur nombre oscille entre 1 500 à 3 000.
D'où viennent-ils ?
Pour la moitié d'entre eux, d'Afghanistan. Mais il y a aussi des Syriens, des Irakiens, des Kurdes, des Érythréens, des Éthiopiens, des Soudanais, des Vietnamiens…
Vous recensez, dans votre rapport, sept « jungles » dans le nord de la France. Pourquoi ces bidonvilles se sont-ils multipliés ?
C'est dû au démantèlement du camp de Sangatte en 2002. Les pouvoirs publics n'ont pas voulu créer de point de fixation et les migrants n'ont pas eu d'autre choix que de trouver refuge dans divers campements insalubres. C'est un problème franco-français. Ni en Allemagne, où ont afflué un million de réfugiés, ni en Belgique, ni au Royaume-Uni, on ne trouve des migrants qui dorment dans la rue.
Est-ce à dire que l'État français est défaillant ?
Un choix politique a été fait. L'idée semblait être que moins bonnes seraient les conditions d'accueil, moins nombreux seraient les réfugiés. La réalité a montré que cette logique était erronée puisqu'on a compté jusqu'à 10 000 réfugiés en janvier 2016 dans les 7 bidonvilles que nous avons identifiés dans le nord de la France.
Vous décrivez la terrible réalité à laquelle sont confrontés ces mineurs…
Les migrants sont entre les mains de réseaux de passeurs. Ils doivent payer cher leur voyage. Même si les prix ont un peu chuté l'an dernier, cela se chiffre en milliers d'euros. Certains enfants sont envoyés par leurs familles, qui payent leur passage. D'autres fuient par leurs propres moyens et doivent donc « travailler » pour payer. On leur confie un nombre incalculable de tâches : porter de l'eau, surveiller les camions sur les parkings des ferries, ouvrir les portes de ceux-ci pour que des migrants puissent se cacher dedans… Certains sont même contraints de se prostituer.
A-t-on une idée de la proportion d'enfants et d'adolescents subissant des violences sexuelles ?
A priori, toutes les femmes qui viennent d'Afrique subsaharienne et qui ont traversé le Tchad et la Libye ont eu à subir des agressions de cet ordre. Même si peu d'entre eux en parlent ouvertement, un tiers des garçons afghans auraient été victimes d'actes de pédophilie.
Pourquoi les victimes ne se signalent-elles pas davantage aux autorités ?
Parce que les passeurs en dissuadent les migrants en leur disant qu'ils seront renvoyés en Grèce s'ils contactent la police.
En janvier dernier, Europol s'inquiétait de la disparition de 10 000 migrants mineurs. Qu'en est-il ?
Ce chiffre est à manipuler avec précaution. Selon les relevés d'Eurostat, 88 300 mineurs non accompagnés ont demandé l'asile dans les États de l'Union européenne en 2015. L'administration a perdu la trace de 10 000 d'entre eux, mais cela ne veut pas dire que 10 000 enfants ont disparu. Même s'il est évident que certains d'entre eux sont victimes de réseaux criminels divers…
Ces exactions se déroulent pourtant parfois sur le territoire national...
Oui. Nous savons que, dans deux camps au moins, où les associations sont peu présentes (Steenvoorde et Norrent Fontes), des femmes et de jeunes hommes sont amenés à se prostituer. Mais il n'y a eu, à ma connaissance, aucune intervention de la police afin de les protéger.
Certains groupes sont-ils plus visés par les réseaux ?
On sait que les Vietnamiens qui rejoignent le Royaume-Uni sont presque tous asservis. Les femmes vont être exploitées dans des « bars à ongles » où se pratique la prostitution. Les hommes vont travailler dans des fermes où est cultivé clandestinement du cannabis. Mais on sait aussi que tous les groupes sont potentiellement concernés. Lorsque la durée du séjour en France s'allonge, les ressources des mineurs ont tendance à se tarir. Ils se retrouvent vite obligés de « travailler ». Or les délais de passage en Angleterre s'allongent. De cinq mois en moyenne, ils peuvent atteindre un an. On observe cependant qu'après plusieurs mois de tentatives infructueuses une majorité d'entre eux reconsidère leur projet migratoire vers d'autres pays ou en France.
Que faudrait-il faire ?
Probablement s'inspirer du dispositif Versini (du nom de la secrétaire d'État chargée de la lutte contre la précarité et l'exclusion entre 2002 et 2004 Dominique Versini, NDLR). À l'époque, des conventions avaient été passées avec des associations pour l'organisation de maraudes et la mise à l'abri des mineurs circulant sur plusieurs départements. Il est vrai que le flot de réfugiés était, à l'époque, moins important.
Le Point : Combien d'enfants et d'adolescents migrants sont-ils présents dans l'Hexagone ?
Olivier Peyroux : Un décompte précis est difficile. Les conclusions auxquelles parviennent la plupart des associations c'est entre 8 000 et 10 000, s'agissant plus spécifiquement des bidonvilles du Nord de la France sur une année leur nombre oscille entre 1 500 à 3 000.
D'où viennent-ils ?
Pour la moitié d'entre eux, d'Afghanistan. Mais il y a aussi des Syriens, des Irakiens, des Kurdes, des Érythréens, des Éthiopiens, des Soudanais, des Vietnamiens…
Vous recensez, dans votre rapport, sept « jungles » dans le nord de la France. Pourquoi ces bidonvilles se sont-ils multipliés ?
C'est dû au démantèlement du camp de Sangatte en 2002. Les pouvoirs publics n'ont pas voulu créer de point de fixation et les migrants n'ont pas eu d'autre choix que de trouver refuge dans divers campements insalubres. C'est un problème franco-français. Ni en Allemagne, où ont afflué un million de réfugiés, ni en Belgique, ni au Royaume-Uni, on ne trouve des migrants qui dorment dans la rue.
Est-ce à dire que l'État français est défaillant ?
Un choix politique a été fait. L'idée semblait être que moins bonnes seraient les conditions d'accueil, moins nombreux seraient les réfugiés. La réalité a montré que cette logique était erronée puisqu'on a compté jusqu'à 10 000 réfugiés en janvier 2016 dans les 7 bidonvilles que nous avons identifiés dans le nord de la France.
Vous décrivez la terrible réalité à laquelle sont confrontés ces mineurs…
Les migrants sont entre les mains de réseaux de passeurs. Ils doivent payer cher leur voyage. Même si les prix ont un peu chuté l'an dernier, cela se chiffre en milliers d'euros. Certains enfants sont envoyés par leurs familles, qui payent leur passage. D'autres fuient par leurs propres moyens et doivent donc « travailler » pour payer. On leur confie un nombre incalculable de tâches : porter de l'eau, surveiller les camions sur les parkings des ferries, ouvrir les portes de ceux-ci pour que des migrants puissent se cacher dedans… Certains sont même contraints de se prostituer.
A-t-on une idée de la proportion d'enfants et d'adolescents subissant des violences sexuelles ?
A priori, toutes les femmes qui viennent d'Afrique subsaharienne et qui ont traversé le Tchad et la Libye ont eu à subir des agressions de cet ordre. Même si peu d'entre eux en parlent ouvertement, un tiers des garçons afghans auraient été victimes d'actes de pédophilie.
Pourquoi les victimes ne se signalent-elles pas davantage aux autorités ?
Parce que les passeurs en dissuadent les migrants en leur disant qu'ils seront renvoyés en Grèce s'ils contactent la police.
En janvier dernier, Europol s'inquiétait de la disparition de 10 000 migrants mineurs. Qu'en est-il ?
Ce chiffre est à manipuler avec précaution. Selon les relevés d'Eurostat, 88 300 mineurs non accompagnés ont demandé l'asile dans les États de l'Union européenne en 2015. L'administration a perdu la trace de 10 000 d'entre eux, mais cela ne veut pas dire que 10 000 enfants ont disparu. Même s'il est évident que certains d'entre eux sont victimes de réseaux criminels divers…
Ces exactions se déroulent pourtant parfois sur le territoire national...
Oui. Nous savons que, dans deux camps au moins, où les associations sont peu présentes (Steenvoorde et Norrent Fontes), des femmes et de jeunes hommes sont amenés à se prostituer. Mais il n'y a eu, à ma connaissance, aucune intervention de la police afin de les protéger.
Certains groupes sont-ils plus visés par les réseaux ?
On sait que les Vietnamiens qui rejoignent le Royaume-Uni sont presque tous asservis. Les femmes vont être exploitées dans des « bars à ongles » où se pratique la prostitution. Les hommes vont travailler dans des fermes où est cultivé clandestinement du cannabis. Mais on sait aussi que tous les groupes sont potentiellement concernés. Lorsque la durée du séjour en France s'allonge, les ressources des mineurs ont tendance à se tarir. Ils se retrouvent vite obligés de « travailler ». Or les délais de passage en Angleterre s'allongent. De cinq mois en moyenne, ils peuvent atteindre un an. On observe cependant qu'après plusieurs mois de tentatives infructueuses une majorité d'entre eux reconsidère leur projet migratoire vers d'autres pays ou en France.
Que faudrait-il faire ?
Probablement s'inspirer du dispositif Versini (du nom de la secrétaire d'État chargée de la lutte contre la précarité et l'exclusion entre 2002 et 2004 Dominique Versini, NDLR). À l'époque, des conventions avaient été passées avec des associations pour l'organisation de maraudes et la mise à l'abri des mineurs circulant sur plusieurs départements. Il est vrai que le flot de réfugiés était, à l'époque, moins important.