ÉGALITÉ - En matière de lutte contre les violences faites aux
femmes, des progrès notables ont été enregistrés mais de nombreux défis
demeurent.
Tel est le constat émis par Leila Rhiwi, représentante du bureau multi-pays
de l’ONU Femmes pour le Maghreb à l'occasion de la Journée mondiale pour
l'élimination de la violence à l'égard des femmes tenue mercredi 25 novembre,
au moment où un sit-in était organisé par plusieurs associations féministes
devant le Parlement à Rabat.
Parmi les axes d'amélioration, "la promotion de l'accès des femmes à la
justice, la lutte contre l'impunité des auteurs de violences, la mise en place
d'une politique préventive (…) et une remise en question des modèles
comportementaux masculins", a énuméré Leila Rhiwi.
Des chiffres qui inquiètent
Dévoilés par la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes
(FLDDF), les chiffres des violences faites aux femmes pour l’année 2014 sont
alarmants: l’association a enregistré 2.472 plaintes et 8.432 actes de
violences. Parmi elles, la violence psychologique (insultes, critiques
permanentes, humiliation...) est prépondérante, totalisant 47 % des cas.
Vient ensuite la violence économique (confiscation du salaire, des documents
administratifs ou encore le non-versement des pensions alimentaires) avec 27 %
et la violence physique, 15 %. Enfin, la violence juridique, qui englobe
notamment le mariage des mineurs et la polygamie (7 %) et la violence sexuelle
(4 %).
"En revanche, nous n’avons pas connaissance du nombre de femmes qui
décèdent sous les coups de leur mari pour deux raisons : d’une part, certains
meurtres ont été fait passer pour des suicides, d’autre part, le ministère de
la Justice refuse de nous fournir les chiffres alors que la Constitution nous garantit
formellement le droit à l’information", dénonce Fouzia Assouli, présidente
de la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes (FLDDF),
contactée par le HuffPost Maroc.
La loi du silence
Au sein du couple, plus de 6 Marocaines sur 10 ont été victimes de violences
conjugales, soit un peu plus de 6 millions de femmes. Autre chiffre parlant:
seulement 3 % des femmes osent porter plainte et à peine 1 % des hommes
coupables de violences sont poursuivis pénalement, d'après les résultats de
l’enquête nationale sur la prévalence de la violence à l’égard des femmes pour
l’année 2010, publiés par le Haut commissariat au plan (HCP).
Que dit la loi?
Initié en 2013, le projet de loi contre la violence faite aux femmes
"ne traite pas la violence conjugale en tant que telle, mais comme une
violence parmi d'autres. Il fait par exemple la confusion entre la violence à
l’égard des femmes et celle dont sont victimes les enfants. Ce sont deux choses
totalement différentes que le gouvernement n’a pas prises en compte",
fustige Fouzia Assouli. Sans compter que la question du viol conjugal et de la
prostitution n’a pas été soulevée par ce projet de loi. Présenté en novembre
2013, ce texte n’a d’ailleurs toujours pas été examiné par le Secrétariat
général du gouvernement.
D'autres projets de loi visant à criminaliser le harcèlement sexuel ont du
reste été présentés ces dix dernières années, mais restent souvent bloqués.
"Aucun des projets déposés depuis 2006 n’a été adopté jusqu’à
aujourd’hui, et il y a un flou total sur la question du harcèlement
sexuel", avait récemment indiqué au HuffPost Maroc Nouzka Skalli,
ancienne ministre du Développement social, de la famille et de la solidarité
reconnue pour son combat pour l’émancipation des femmes au Maroc.
"Une interprétation religieuse"
Fouzia Assouli déplore des lacunes en termes de formation auprès des
autorités publiques et des assistantes sociales. "La sensibilisation ne se
fait pas seulement à travers les médias. C’est la société toute entière qui
doit être informée", préconise-t-elle. Des carences qui renforcent une
mentalité patriarcale: "Il y a des blocages auprès des décideurs sur
l’évolution des rapports homme-femme, comme dans d’autres pays. Sauf qu’au
Maroc, nous peinons énormément à faire évoluer ces positions", souligne
Nouzka Skalli.
L’approche des droits humains censée être privilégiée par la justice est
substituée à une "interprétation religieuse" des violences faites aux
femmes, déplore encore Fouzia Assouli de la FLDDF. "Elles ne sont pas
considérées comme une atteinte à l’intégrité physique et psychique, mais comme
une violation des mœurs. Quand on viole une femme par exemple, c’est avant tout
le vœu de chasteté que l’on entache, et non la dignité de la personne. Il
s’agit d’une conception très conservatrice."
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