Par Mohammed Belmaïzi, 14/7/2014
Introduire
l’œuvre de Mahmoud Dawish dans le débat contemporain, exige un très
long développement. J’ai choisi ici de cerner un aspect percutant pour
insérer la pensée poétique de Darwish entre l’Orient et l’Occident.
Les
événements du 11 septembre ont précipité l’Orient sur l’autel de la
vindicte médiatique du monde occidental. Désormais « les frontières
sanglantes de l’Islam », sont exhibées en tant qu’ennemi fatal à «
notre » civilisation occidentale, scientifique et moderne. Cette thèse
au spectre raciste, est l’obsessionnelle idée d’un universitaire
américain Samuel Huntington connu pour avoir été Conseiller du
président Carter. Si elle a réussi à traverser presque tous les
imaginaires du pouvoir occidental contemporain, cette inutile hostilité
à l’Orient ne date cependant pas d’aujourd’hui. Et la question
palestinienne depuis fort longtemps posée à la conscience universelle,
suivie maintenant de plus près par l’occupation de l’Irak, sont là pour
fournir la lecture de cette hégémonie contemporaine.
Dès
les premiers balbutiements d’un progrès problématique, « la soi-disant
triomphante avant-garde de la fin du 19ème siècle » qui « a prétendu
répondre aux découvertes scientifiques, voire aider à l’avènement d’une
nouvelle humanité », n’était pas exempte de «poncifs couvant sous
l’apparence de l’Etat libéral bourgeois : le fascisme ». Sous le
dogmatisme d’une vision binaire étriquée, cette avant-garde avait
hiérarchisé le monde en «un Orient obscur, négatif et infini, un esprit
aryen inventeur d’un panthéisme que la science moderne soi-disant
confirme, et des aspects réalistes et gnostiques du christianisme ». Le
but étant clair, il fallait « vaincre l’esprit sémitique » (Julia
Kristeva, La Révolution du langage poétique).
Mais
cette « guerre civilisationnelle » axée sur les seuls rapports et
intérêts géopolitiques, dans laquelle on veut nous faire sombrer
aujourd’hui, n’est-elle pas une simpliste diversion intellectuelle pour
nous faire oublier cet autre important antagonisme où « le rationnel »
et «le sensible» sont, depuis la percée du premier, en perpétuel
affrontement tragique où le puissant se permet de dévorer le plus
faible ?
Inaugurée par Christophe
Colomb, la dynamique de l’exploration du monde ductile à la déferlante
coloniale, va cruellement se préciser avec un 19ème siècle positiviste
et scientiste, dont le projet est de faire disparaître l’humanité
archaïque, vider de leurs sens les mythes, les rites, les dieux et les
expériences religieuses. L’altérité n’était perçue qu’à travers sa
monstruosité, ses cruautés et ses superstitions.
L’Histoire
témoigne et nous fournit, lorsque nous remontons à la disparition de
la civilisation aztèque, le premier drame d’une extermination, voire
d’un génocide de toute une ère civilisationnelle (Tzvetan Todorov, La
Conquête de l’Amérique, la question de l’Autre). Cet événement
historique met en lumière le conflit de deux visions du monde. Et dans
ce sens, l’humanité a assisté à l’une des tragiques confrontations
sémantiques lorsque Moctezuma, le roi des Aztèques, supérieur en armes
et en soldats, à la poignée d’hommes de Cortès, se laissa attacher les
mains par ce dernier dans un silence religieux et fataliste. Notre
conscience moderne reste totalement abasourdie sans les paramètres
nécessaires d’analyse dont nous disposons, qui révèlent en fait, que ce
roi, dans son sommeil, fit le rêve de cet événement fatal qui va être
confirmé par l’interprétation des rêves de son époque. Autrement dit
c’est la pensée mythique, prémonitoire pourrait-on dire, inhérente à
l’échange avec le monde, qui s’est constituée prisonnière de celle,
nouvellement « rationnelle », qui, elle, favorise l’échange avec les
hommes. Et de fait, l’Histoire enregistre que «depuis cette époque, et
pendant près de trois cent cinquante ans, l’Europe occidentale s’est
efforcée d’assimiler l’Autre, de faire disparaître l’altérité extérieure
». S’il existe donc une guerre de civilisations, c’est bien dans cette
problématique qu’il faudrait l’articuler. Il est donc à préciser que
ces deux modes de pensée ou de communication sont indispensables : «
Aucun des deux n’est intrinsèquement supérieur à l’autre et on a
toujours besoin des deux à la fois; si on gagne sur l’un des plans, on
perd nécessairement sur l’autre » (Todorov).
A
la lumière de cet antagonisme des visions du monde, il est fort
pertinent d’évoquer la question palestinienne avec Mahmoud Darwish,
immense poète arabe, qui souligne à juste titre cette similitude. Ce
n’est pas un hasard que l’extermination des Indiens d’Amérique côtoie
étroitement, dans son œuvre poétique, la tragédie qu’endure le peuple
palestinien, lorsqu’il dénonce « une guerre culturelle rageuse contre
une philosophie intrinsèquement mêlée à la terre et à la nature, aux
arbres, aux cailloux, à la tourbe, et à l’eau. L’homme rouge s’excusait
avec une chaleur d’une surprenante poésie de l’arbre qu’il allait
couper, expliquant son besoin vital. La machine a triomphé de cette
sainteté que l’homme rouge attribuait à sa terre divinisée ». La
promotion du « sensible » où s’insère la pensée poétique va s’exprimer
explicitement chez le poète Darwish, quand il déclare qu’il s’est « mis
dans la peau de l’Indien pour défendre l’innocence des choses,
l’enfance de l’humanité » (Cf. « La Palestine comme métaphore »).
Dans
l’espace culturel arabe, la défense du « sensible » sera prise très
tôt par l’un des mouvements les plus importants, né au Maroc dans les
années soixante. Dans sa critique radicale de l’ordre colonial et
néo-colonial, une élite d’intellectuels va verser dans le débat
contemporain une nouvelle pièce où figurent indissociables le « sensible
» et le « rationnel ». Devenue une conviction inébranlable au fil des
années, cette thématique va s’exprimer d’une manière systématique dans
la revue « Souffles » à travers quelques articles, mais surtout par
l’expression poétique, lieu par excellence où loge l’entité du «
sensible ». Dans son article intitulé « Culture et progrès scientifique
», Abraham Serfaty écrit : « Nous pensons, au risque de choquer bien
des esprits, que le concept de science n’est pas transcendant à
l’histoire de l’Humanité et de la société ». Sans le « sensible », il ne
peut y avoir de création. Et toute création, y compris la création
scientifique, ne plonge-t-elle pas dans le sensible ? ». Ensuite, pour
donner plus d’impact à la thèse qu’il défend, l’auteur évoque une
heureuse affirmation d’une autorité scientifique Marie Curie, qui relève
qu’« autant une fausse science s’oppose à une fausse poésie, autant
une véritable science est extraordinairement proche d’une véritable
recherche poétique ».
Cet argumentaire
initié par le poète marocain Abdellatif Laâbi, dont le projet avoué est
de ressourcer son œuvre dans ce « sensible » tant décrié, va se
poursuivre à travers une vision vécue de l’intérieur du processus
créateur. Laâbi dira, en soulignant l’importance de cette faculté
humaine, « que la civilisation humaine s’est développée au détriment de
certaines facultés de l’homme. Nous avons assisté à une atrophie du
sensible au profit du rationnel. C’est ce qui fait, d’après des études
récentes, que l’homme prétendument parvenu à un des sommets de son
intelligence ne développe en fait qu’un pourcentage dérisoire de ses
facultés potentielles. Par ailleurs, bien des cultures ou des
civilisations, qui ont été broyées par le bulldozer occidental de la
modernité, ont emporté avec elles dans quelque Atlantide une partie de
ces facultés. Mais il n’y a pas que les richesses perdues de ces
peuples de l’abîme, il y a sous nos yeux les larges masses des peuples
condamnés au silence, à la marginalisation et dont les facultés
créatrices sont confisquées » (Cf. « La Brûlure des interrogations »).
Cette
problématique mutation de l’humanité n’a malheureusement pas été
traitée par le penseur Karl Marx, qui n’était malheureusement pas poète,
mais qui s’exclamait pourtant devant les découvertes scientifiques de
son époque en disant : « On dirait même, que la pure lumière de la
science a besoin, pour resplendir, des ténèbres de l’ignorance » (Cf.
l’étude de Jeanne Fevret-Saada, Les mots, la mort, les sorts).
Dans la préface de l’une de ses œuvres poétiques, Laâbi dressera le
même constat en tressant les liens entre mythe et science. En
interpellant la modernité, le poète s’interroge : « Comment comprendre
l’aéronautique moderne si nous n’avons pas saisi le sens de l’épopée
tragique d’Icare ». Le « sensible », en tant qu’entité essentielle à la
vie humaine, va résider dans cette image profondément patente, sous
forme, ici encore, de questionnement : « Comment peut-on comprendre
l’arbre si nous sommes incapables d’imaginer ses racines ? »
Aujourd’hui,
on sait que dans un monde instauré sur les rapports de domination et
d’injustice culturelle, le recours au « sensible » n’est sans nul doute
pas un arrièrisme mais un élément structurant qui permet une
intégration par la pensée et la construction poétique.
La
poésie, c’est donc une riposte et un paradigme de pensée. Elle se
trouve au cœur de tous les combats pour la dignité et contre toutes les
formes d’offenses et de soumissions. En tout temps, la poésie a joué
un rôle capital dans les phases historiques les plus déterminantes pour
la vie d’une communauté, d’un peuple ou d’une nation. Sous la
colonisation, l’expression poétique au Maroc par exemple, a contribué à
canaliser les aspirations de liberté et d’indépendance. Les poètes
étaient répertoriés par les « scientifiques » coloniaux dans le
registre de la subversion. « Aujourd’hui [la période coloniale], écrit
Basset, ce sont eux, ces orchestres à l’accoutrement barbare, toujours
en marche de village en village, qui répandent dans les régions
agitées, les bruits les plus extraordinaires et poussent à la lutte
contre les Français. On les admire, on les écoute, ce sont de
redoutables agents de propagande » (cité dans « Souffles »).
En
Palestine, pays d’un peuple brimé et occupé, l’analogie s’avère
surprenante et remarquable. Car, il a suffit d’un poème de Mahmoud
Darwish intitulé « Passants parmi des paroles passagères» (Cf. Palestine, mon pays (l’affaire
du poème)), pour ébranler les fondements de l’Etat d’Israël ainsi que
la Knesset, et pour provoquer un « débat hystérique » selon les
intellectuels israéliens eux-mêmes, qui ont pris ouvertement la défense
de la poésie. Ytzhak Shamir, premier ministre d’alors, pouvait dire à
cette époque que « j’aurais pu lire ce poème devant le Parlement, mais
je ne veux pas lui accorder l’honneur de figurer dans les archives de la
Knesset ».
Privé sciemment d’une
reconnaissance universelle, le poète arabe, au lieu d’errer à la
recherche d’un désert-refuge, il crie sa fidélité à la spiritualité et à
l’expression poétique. « La poésie est tout ce qui reste à l’homme,
écrit Laâbi, pour proclamer sa dignité, ne pas sombrer dans le nombre,
pour que son souffle reste à jamais imprimé et attesté dans le cri ».
Une voie obstinément éthique s’ouvrant sur un choix ultime : la pensée
poétique comme seul moyen pour exprimer une humanité démunie, et
dénoncer l’instauration d’une rationalité ressentie, pour la première
fois peut-être de l’extérieur de la civilisation occidentale, par les
colonisés, comme folle et monstrueuse. Déjà le poète occidental Mallarmé
avait fustigé le siècle de la flambée nationaliste et de la raison
colonialiste de son époque, prenant un chemin opposé «pour tracer la
voie d’une folie logique ou d’une logique devenue folle à vouloir
méconnaître le hasard (les ruptures du symbolique) », (Cf. Julia
Kristeva, La Révolution du Langage Poétique).
Si la civilisation contemporaine a élu domicile dans la science en tant que « Terre Promise» (Cf. Jean SERVIER, L’Utopie,
P.U.F), en légitimant la colonisation, la poésie, elle, sera une
réelle et douce « autre terre promise » pour le marginalisé et le
laissé pour compte. Car elle est transmutation de la sensibilité
collective, et travaille pour le ré-ancrage de l’imaginaire. Dans ce
sens elle peut se qualifier de « science » mais d’une science «
autrement ». Il ne fait plus aucun doute pour la génération de ces
poètes, et ceux qui les suivront, que la poésie aura pour tâche, comme
le dit Laâbi, de redécouvrir, par ses moyens propres, la dialectique
concrète de la pensée, de l’histoire et des forces sociales. Et la
poésie est certainement une des activités créatrices les plus proches
et les plus capables de cette saisie et de cette démarche.
C’est
ainsi que la poésie arabe n’a de cesse de lancer son humble défi au
monde occidental, à travers une production mirifique, porteuse de
valeurs insoupçonnées. La poésie palestinienne de combat (Cf. La Poésie palestinienne de combat,
anthologie traduite et présentée par A. Laâbi), va venir imposer son
irréductible différence pour décentrer l’histoire écrite par le plus
fort. Mahmoud Darwish, faisant un clin d’œil au savoir occidental, dira :
«Etre ou ne pas être / Là n’est pas la question / Etre et être / Là
est la décision » (Passage tiré d’une conférence de Darwish au Danemark
dans le local de l’Association des Ecrivains Danois, Copenhague,
1985).
Dans ce résolu face-à-face aux
humiliations culturelles spécifiques à la colonisation –d’ailleurs
toujours décrétée comme « Œuvre de Civilisation » (ainsi que le montre
le récent débat en France, mais aussi ce que nous vivons aujourd’hui à
travers l’invasion de l’Irak ou à travers le piétinement de la terre de
Palestine) – et en biffant le discours poétique investi par le
«sensible» tant redouté, c’est la science « pure » et « dure » qui
émerge avec les conséquences qu’on connaît. Tant il est vrai qu’une
soi-disant science qui cautionne l’inhumain, la terreur des Etats, le
massacre et le génocide, ne peut prétendre convaincre les opprimés qui
cherchent à se défaire de son fardeau. « Il nous reste beaucoup à
méditer », écrit Abdelkébir Khatibi, l’un des participants dans le
revue « Souffles », « sur la solidarité structurelle qui lie
l’impérialisme dans toutes ses instances (politique, militaire,
culturelle) à l’expansion de ce qu’on appelle les sciences sociales.
Tâche immense, il est vrai : entre le fait de colonisation et celui de
la décolonisation, il y va du destin de la science et de la technique,
en tant que forces, énergie de domination et de maîtrise sur la
totalité du monde, et du surmonde aussi bien » (cf. Maghreb pluriel)
Pour
les intellectuels arabes, la question palestinienne recouvre tout un
pan métaphorique qui va toucher à divers fronts. Car libérer la pensée
devient synonyme de toutes les libérations ; celle de la « conscience
malheureuse » occidentale, qui soutient inconditionnellement une
injustice violant tous les principes de droit ; synonyme aussi de la
neutralisation de la gangue passéiste et offensante du sionisme ancré
dans l’idéologie du 19ème siècle. A ce propos, en voici une illustration
visant la logique bornée de ce sionisme sans avenir, à travers la
pensée poétique de Darwish : «C’était la nuit noire / et le chanteur
chantait / On l’interroge / pourquoi chantes-tu / il répond : parce que
je chante / et ils ont fouillé sa poitrine / ils ont fouillé son cœur /
n’y ont trouvé que son peuple / ils ont fouillé sa voix / n’y ont
trouvé que sa tristesse / ils ont fouillé sa tristesse / n’y ont trouvé
que sa prison / ils ont fouillé sa prison / et n’y ont trouvé
qu’eux-mêmes enchaînés » (Cf. « Rien qu’une autre année », traduit de
l’arabe par A. Laâbi. Il faut noter que ce recueil a eu le succès de
vente de plus d’un million d’exemplaires)… Mais libérer la pensée c’est
aussi et surtout contribuer à une réelle libération du peuple
palestinien et de tous les peuples arabes.
Dans
cet élan, la poésie est appelée à revêtir toute l’existence de
l’humain. « La poésie » écrit Laâbi en lettres capitales dans l’une de
ses interventions « est aujourd’hui au cœur de la tragédie de l’homme
et de son immense espoir ».
Chassé de sa
terre, et son droit à l’existence confisqué, le poète Mahmoud Darwish,
insoumis à l’ordre établi par le plus fort, édifie sur le texte
poétique devenu patrie, ses dénonciations, sa colère, ses espoirs, sa
philosophie et sa vision du monde qui est en somme éthique et esthétique
où il fait bon vivre. Le thème de la terre occupée n’est plus qu’un
alibi pour développer une œuvre d’art poétique touchant à l’universel,
et à la condition humaine. C’est que «la Palestine, dit le poète
Mahmoud, ne se limite pas à la Palestine, mais qu’elle fonde sa
légitimité esthétique dans un espace humain plus vaste». Dans, La Palestine comme métaphore, Darwish
aime à raconter ce que Jean Genet, fervent défenseur de la cause
palestinienne, disait : « la patrie est l’idée la plus sotte qui soit,
sauf pour ceux qui en sont privés, comme les Palestiniens ». Dans un
entretien, Juan Goytisolo demande à Genet : «qu’adviendra-t-il lorsque
les Palestiniens auront retrouvé leur patrie ?», Genet répondit « Ils
auront alors le droit de la jeter par la fenêtre ».
Mais
le poème et la terre occupée maintiennent, chez Darwish, une relation
de passion et de compassion amoureuse, permettant à la poésie de tracer
une absence et d’indiquer le lieu de résistance. Aussi le poème
construit-il inévitablement le futur : « Ils m’ont dit : pourquoi tu
écris le poème blanc / et la terre noire ».
Cette
science cognitive « autrement », qu’est la poésie, fondée sur le «
sensible », en opérant une plongée dans les nouvelles lignes
directrices de tous les possibles, révèle l’humanité à elle-même. Mais
loin d’être le fruit d’une quelconque mystérieuse inspiration, le
poème, le plus court soit-il, nécessite, nous dit Darwish, des
centaines de livres à lire et une volumineuse mémoire documentaire. Le
poème a besoin lui aussi d’un savoir, d’une archéologie, d’une longue
recherche et d’une épaisse documentation scientifique. Ne s’agit-il pas
en somme d’une science à part entière ? Des études audacieuses le
disent aujourd’hui expressément : « la science d’aujourd’hui ne peut
plus se donner le droit de nier la pertinence et l’intérêt d’autres
points de vue, de refuser en particulier, d’entendre ceux des sciences
humaines, de la philosophie, de l’art » (Cf. Prigogine & Stengers, La Nouvelle Alliance (métamorphose
de la science)). Et faut-il évincer, au sein du concert des autres
savoirs, une véritable pensée théologique, pour ne parler que de la
théologie de libération, réfléchie, responsable et conséquente…et sans
doute pour réfuter le bricolage terroriste d’une croyance
magico-religieuse qui sévit contre les peuples musulmans actuellement ?
Je
me permets ici d’ajouter naturellement « l’esthétique verbale » pour
évoquer cette «poésie» palestinienne insoumise à la puissance barbare et
délétère. Le violent antagonisme entre le «sensible » et le
«rationnel», en s’inscrivant dans le giron de notre condition humaine
atrophiée, va ici prendre avec Mahmoud Darwish une forme décisive qui
oppose tragiquement « une victime victorieuse, hérissée de têtes
nucléaires » à « une victime dominée, hérissée de têtes poétiques» (Cf. La Palestine comme métaphore).
Notre
conscience moderne, ne sera-t-elle pas amenée, tôt ou tard, à opter,
comme le suggèrent nos immenses poètes, pour la culture et pour
promouvoir l’intelligence vive et libératrice. Riches, à la fois, du
«sensible» et du «rationnel», nous irons chanter les principes de
justice et revendiquer l’avènement de l’Etat de Droit où la pensée
poétique sera à portée de main de tous les citoyens. Nous aurons, ainsi,
jugulé l’abominable et attentatoire statut de « Sujets ».
A travers la poésie de Mahmoud Darwish, réfléchir autrement, devient immédiatement possible.
Mohammed Belmaïzi