Le Parti socialiste au pouvoir et le Parti populaire d'opposition de droite se sont mis d'accord pour limiter la compétence universelle de la justice espagnole pour les crimes de guerre et contre l'humanité, dans la droite ligne des promesses faites par le ministre Moratinos à son homologue israélien, suite à l'ouverture par l'Audiencia nacional d'une enquête contre contre 7 hauts responsables israéliens pour crimes de guerre commis à Gaza en 2002. Ainsi donc, l'Espagne revit ce qu'avait vécu la Belgique, qui, suite aux menaces US, avait réduit à néant la compétence unverselle de ses tribunaux en 2003. Mais tous les Espagnols ne sont pas d'accord.
Espagne : Un coup contre la justice universelle
par Javier Chinchón Álvarez, 22/5/2009. Traduit par Esteban G. et édité par Fausto Giudice, Tlaxcala Bien que ce ne soit pas ma profession, je proposerais de commencer cet article par les cinq questions de base du journaliste. Commençons par le « quoi ? », c'est-à-dire, pour préciser à quoi nous nous référons avec le terme de compétence universelle : la juridiction internationale qui prétend imposer ce principe se base exclusivement sur les caractéristiques particulières des crimes qui lui sont soumis (génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre, etc.), qui lèse, au-delà des victimes concrètes, la Communauté Internationale dans son ensemble. En conséquence, les poursuivre et les sanctionner constitue non seulement un engagement, mais également un intérêt partagé de tous les États ; et la légitimité de ces poursuites ne dépend pas des intérêts particuliers ultérieurs de chacun d'eux.
Je tiens à préciser que j'ai intentionnellement repris la définition non pas de défenseurs radicaux de la compétence universelle, mais littéralement les mots du Tribunal Constitutionnel. Qui menace cette interprétation de notre Haut Cour ? Initialement, le Parti Populaire, mais derrière lui, de manière significative, le Parti Socialiste. Comment s’y sont-ils pris ? En ajoutant un amendement inopiné dans le Projet de Loi de Réforme de la législation procédurière pour l'implantation du greffe, qui malgré ce qui a été dit, ne limite pas le principe de compétence universelle, mais le dynamite. Et il en est ainsi parce que, avec cette réforme, nous n’aurions plus affaire à un principe conçu pour la poursuite des crimes qui, par leurs caractéristiques, affectent toute la Communauté Internationale, mais on veut plutôt établir que nos tribunaux seraient compétents pour juger ces crimes seulement aux conditions suivantes. La première, que le présumé responsable soit en Espagne ; ce serait là, comme le Tribunal Constitutionnel lui-même l’a déjà indiqué, une restriction de fond qui s'avérerait contradictoire avec le fondement et les finalités inhérentes à la compétence universelle. En plus, que les victimes soient espagnoles ou qu’il existe « un certain lien de connexion significatif avec l'Espagne » ; dit en d'autres termes, on veut remplacer par magie le principe de compétence universelle par ce que l’on connaît comme le principe de personnalité passive et comme principe réel ou de protection. Sur ce chapitre, le Tribunal Constitutionnel nous a assuré qu’une telle exigence démontre clairement une finalité contraire à celle inspirée par l'institution, qui serait altérée jusqu'à rendre méconnaissable le principe de compétence universelle. Quand est-ce que tout ceci s'est produit ? Le 20 mai. Où ? À l’abri des résolutions approuvées après le débat sur l'état de la nation [aux Cortes, le parlement espagnol, NdR] ; c'est-à-dire, à l'ombre de la discussion sur les mesures pour combattre la crise économique.
Eh bien, pourquoi l’ont-ils fait ? Parce qu’on veut en finir avec ce que beaucoup considèrent comme une des plus grandes contributions juridiques de l'Espagne au droit international pénal, la lutte contre l'impunité, initiée à partir du procès ouvert contre Pinochet ? Je crains que la réponse soit plus décevante encore que la proposition de réforme elle-même. Pour le vérifier, jetons un coup d’œil en arrière. Le principe de compétence universelle, contenu dans l’ article 23 § 4, sans doute améliorable, de la Loi Organique du Pouvoir Judiciaire, a commencé à se matérialiser en Espagne suite à de graves faits commis au Chili, en Argentine et au Guatemala. À l’époque, pratiquement personne n'avait plaidé pour une réforme de cette disposition dans le sens où on le fait aujourd’hui , en dépit des protestations bigarrées de quelques représentants de ces États. À ces procès, d'autres se sont ajoutés dans lesquels les accusés étaient des ressortissants des USA, de la Chine, du Maroc ou d'Israël ; des procès qui n'ont pas été non plus au goût de certaines autorités de ces pays. Mais c’est à partir de là que l’engagement des autorités espagnoles dans la lutte contre l'impunité des présumés responsables des crimes les plus graves semble s’être s’étiolé.
Un bon exemple de cela a été la promesse au début de cette année de notre ministre des Affaires Etrangères à son homologue israélien, face aux procédures judiciaires engagées pour la mort de civils à Gaza en 2002 ; promesse qui révélait la primauté des « bonnes relations bilatérales » (sic) sur la poursuite de possibles criminels internationaux. Et c’est alors que l’on a commencé à ergoter publiquement sur l’opportunité de procéder à des « ajustements » législatifs de la compétence universelle. Ajustements qui reviennent aujourd’hui à éliminer d'un trait de plume ce principe gênant de notre législation.
Évidemment, dans ce cadre, ce n'est pas la première fois que nous pouvons voir, comment les pressions de certains États font plier la volonté de certains autres. Cela s'est déjà produit avec la législation belge sous les menaces des USA en 2003, mais le fait que ces bassesses ne soient pas exceptionnelles dans les relations Internationales ne devrait pas nous empêcher de les condamner et d’y résister. Je comprends bien que c’est plus spécialement celles de l'actuel exécutif, qui dans son récent Plan de Droits Humains se fixait comme objectif prioritaire « la lutte contre l'impunité ». Une curieuse manière de la combattre serait justement de rayer de la carte un de ses mécanismes le plus importants, le principe de compétence universelle ; mais si c’est de cela que nous devons discuter, au moins nous devons solliciter que le débat soit présenté dans ses termes justes. Je proposerais les suivants : Souhaitons-nous maintenir dans notre législation l’engagement pour la justice universelle et la sanction de ceux qui attentent à l'essence des valeurs de la Communauté Internationale, ou préférons-nous oublier ces questions et nous éviter les inconvénients bien connus qu’entraîne un tel engagement sur la scène de la Realpolitik ?
MANIFESTE
SOUTIEN À LA COMPÉTENCE UNIVERSELLE
Les organisations sociales, les groupes de solidarité, les ONG pour le développement et les associations des droits humains, ainsi que les personnes des milieux universitaires et juridique, ci-dessous
EXPRIMENT leur opposition à l’approbation par le Congrès des Députés de la résolution qui limite l’exercice de la compétence pénale universelle par les tribunaux espagnols et restreint leur action aux seuls présumés responsables se trouvant en Espagne ou aux seuls cas où les victimes sont de nationalité espagnole.
RAPPELLENT, une fois de plus, qu’en qualité de pays signataire des Conventions de Genève de 1949 sur le Droit International Humanitaire et du Premier Protocole Additionnel à ces dites conventions, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, l'Espagne a l'obligation de conserver intact dans sa législation le principe de compétence universelle pour juger les responsables d’actes de crimes de guerre. Pour cela nous considérons cette résolution comme un manque flagrant de respect des obligations conventionnelles assumées par l'État espagnol. Par rapport à d'autres crimes internationaux, comme les crimes contre l'humanité ou le génocide, caractérisés par le Droit International, l’approbation de cette résolution implique également un acte de complicité, dans la mesure où elle empêche de les juger. Et par conséquent, la décision entraînera également, en conséquence, une restriction évidente des droits des victimes.
DEMANDENT au gouvernement de ne plus poursuivre la réforme de l'article 23 § 4 de la Loi Organique du Pouvoir Judiciaire et que les poursuites actuellement en cours ne soient pas remises en cause. Nous croyons que le gouvernement espagnol est dans l'obligation de prioriser l'accomplissement de ses engagements internationaux et la défense des droits humains face à d’éventuels intérêts nationaux et à des pressions économiques ou politiques.
SIGNATAIRES :
ACAT - Catalunya/España (Acció dels Cristians per l' Abolició de la Tortura), ACSUR - Las Segovias, Al Quds Málaga, Alberto Arce, director de documentales y activista por Palestina, Alberto San Juan Guijarro, actor, Alfons Aragoneses, investigador y profesor en la Universidad Pompeu Fabra, Alliance for Freedom and Dignity de España, Antonio Fernández Tomás, catedrático de Derecho Internacional Público en la UCLM, Asociación Andaluza por la Solidaridad y por la Paz – ASPA, Asociación Cultura, Paz y Solidaridad Haydée Santamaría, Asociación de Solidaridad de los trabajadores y trabajadoras de los países empobrecidos, Sotermun, Asociación Elcàlam - Comité de defensa de los derechos humanos en el Magreb, Asociación Española para el Derecho Internacional de los Derechos Humanos - AEDIDH, Asociación Hispano Palestina Jerusalén, Asociación para las Naciones Unidas en España - ANUE, Asociación Paz con Dignidad, Asociación Pro Derechos humanos de España - APDHE, Associació Catalana per la Defensa dels Drets Humans, Associació Catalana per la Pau, Associacio Cultura, Pau i Solidaritat Haydée Santamaría de Catalunya, ATTAC España, Boti García Rodrigo (activista LGTB), Carlo Frabetti. Escritor, matemático y guionista, Carlos Fernández Liria. Profesor de la Universidad Complutense de Madrid, Carlos Taibo, Profesor de la Universidad Autónoma de Madrid, Carmen Pérez González, Profesora de Derecho Internacional Público, Univ. Carlos III Madrid, Carmen Ruiz Bravo, Arabista y Catedrática jubilada de la UAM, Comisión Española de Ayuda al refugiado - CEAR, Comité de Solidaridad con la Causa Árabe - CSCA, Consell de la Joventut de Barcelona, Ecologistas en acción, Elisa Garzón, actriz, Federación de Asociaciones para la Promoción y la Defensa de los Derechos Humanos-España, Fernando Álvarez Uría, sociólogo Profesor de la Universidad Complutense, Ferran Izquierdo Brichs. Profesor de Relaciones Internacionales, Universidad Autónoma de Barcelona, Foro Ciudadano de la Región de Murcia, Francisco Jarauta, Filósofo, François Houtart, Profesor Emérito Universidad de Lovaina, Bélgica, Fundación IEPALA, Fundación Mundubat, Grupo de ONG por Palestina, Ignacio Álvarez Ossorio, Profesor del Área de Estudios árabes e islámicos, Universidad de Alicante, Iniciativa per Catalunya -Verds, Institut de Drets Humans de Catalunya, Instituto de Estudios sobre Conflictos y Acción Humanitaria IECAH, International Jewish Antizionist Network - IJAN, Izquierda Anticapitalista, Izquierda Unida - IU, Jaime Pastor Verdú profesor de Ciencia Política de la UNED, Javier Chinchón Álvarez, Profesor de Derecho Internacional y Relaciones Internacionales. Universitat Illes Balears, Javier Corcuera Andrino (director de cine), Joan Josep Nuet, Senador de IU por Catalunya, Jorge Montes (historiador), José Manuel Martín Medem, periodista, Josefa Martín Ramírez, Juan Carlos Madrid, regidor de teatro, Juan Diego Botto, actor, Julia Varela, socióloga, Profesora de la Universidad Complutense, Justicia y Paz, Laura Camargo Fernández (Profesora Universitat de les Illes Balears), Lidia Fernández Montes, Lidón Soriano Segarra (Profesora Universidad Camilo José Cela. Madrid), Lucía Álvarez, actriz, Lucia Mazarrasa Alvear, activista y trabajadora del sector de Salud, Luz Gómez García, profesora de Estudios Árabes e islámicos de la Universidad Autónoma de Madrid, Mairena Solidaria de Sevilla, Manuel Muriel, Margalida Capellà, (Profesora de Derecho Internacional Público en la Universitat de les Illes Balears), Maria Jesús Miranda López (Esker Alternatiboa), Maria Jose Lera, Profesora Titular Universidad de Sevilla, premio Clara Campoamor 2009, Mercè Adrové, Miquel Àngel Llauger, Diputado por el Parlament de les Illes Balears, Movimiento por la Paz - MPDL, Mujeres por la Paz y Acción Solidaria con Palestina, Najaty S. Jabary, Palestinarekin Elkartasuna, Pamplona - Iruña, Partido Comunista de España - PCE, Pedro Martínez Montavez, Catedrático Emérito de la Universidad Autónoma de Madrid, Pepa Terrón, periodista, Pierre Galand, Presidente del European Co-ordinating Committee of NGOs on the Question of Palestine - ECCP, Pilar Bardem, actriz, Pilar Salamanca, Plataforma de Solidaridad con Palestina de Sevilla, Plataforma Solidaria con Palestina - Valladolid, Rafael Escudero Alday, Profesor Titular de Derecho, Universidad Carlos III de Madrid, Red de Jóvenes Palestinos, Rosa Regás, Escritora, Santiago Alba Rico, escritor y filósofo, Servei Civil Internacional - Catalunya, Sodepau, Sodepaz - Valladolid, Sodepaz, Taula per Palestina, Illes Balears, Teresa Aranguren, periodista, Unión Sindical Obrera - USO, Willy Meyer Pleite, eurodiputado de Izquierda Unida, Xarxa d'Enllaç amb Palestina.
Envoyer vos signatures à palestina@acsur.org