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Il y a dix ans.. ( 2006 - 2007, extrait du livre Guantanamo chez nous ? Luk Vervaet, Editions Antidote, www.antidote.be )
"... Le même genre de « violence particulière », cette fois
contre « un détenu dangereux », a été exposé lors du procès de Farid Bouhammad
contre la prison de Ittre.
Les faits datent de décembre 2007 et ont été jugés en
janvier 2014 (116) .
Le 6 décembre 2007, Farid Bamouhammad est transféré de la
prison d’Andenne à la prison d’Ittre par une brigade spécialisée de la police
fédérale, GOTTS, qui s’occupe du transfert « de détenus extrêmement dangereux
». A son arrivée à la prison, la brigade signale que le détenu est calme et
coopérant.
En principe la brigade GOTTS conduit le détenu jusque dans
sa cellule. Mais ici, c’est un comité d’accueil de gardiens qui reprend le
détenu, pour faire clairement comprendre à ce détenu dangereux qui fait la loi
dans la prison. Leur premier mot d’accueil est qu’il ne recevra pas son tabac
tout de suite, mais plus tard. Quelques secondes plus tard, Farid est plaqué et
maintenu au sol. Il est amené jusqu’à sa cellule par quatre gardiens, deux lui
tenant les jambes et deux autres les bras. Raison ? « Un comportement menaçant
du détenu », « il s’est approché d’un agent qui s’est senti menacé », « un
comportement qui laissait croire qu’il allait passer à l’acte », « dans le
regard de Farid, il y avait un risque de passage à l’acte ». Et puis, il y a «
les antécédents spécifiques qui lui sont propres ». La suite est hallucinante.
Le personnel se sentant menacé, le directeur prend à l’encontre de Farid « une
mesure de sécurité particulière (selon la loi de 2007 sur les recours à des
mesures de coercition directe) prévoyant le placement en cellule sécurisée, une
observation toutes les demi-heures de jour et de nuit et le fait que tout
mouvement hors cellule se ferait menotté et entravé ».
Ce qui se cache derrière
ces mots est ceci : « Farid Bamouhammad est placé en cellule nue, non chauffée,
dans les minutes qui ont suivi son arrivée à la prison d’Ittre, et des entraves
lui ont été posées. Suivant les photographies qui sont versées au dossier et la
description qui en est faite par les enquêteurs, lesdites entraves sont
constituées de deux paires de menottes métalliques (une paire placée aux poignets
et la seconde aux chevilles) reliées entre elles par une chaîne métallique, les
anneaux des menottes sont reliés entre eux par une chaîne de 30 centimètres et
les deux paires de menottes sont reliées entre elles par une chaîne de 80
centimètres. Farid est resté ainsi entravé du 6 décembre 2007, date de son
arrivée à la prison d’Ittre, jusqu’au 16 décembre 2007, date de son transfert
vers un autre établissement pénitentiaire » . Enchaîné de telle manière,
le détenu est blessé aux chevilles par des menottes trop serrées. Il a tout
simplement été empêché de se laver, de pouvoir s’essuyer lorsqu’il allait aux
toilettes : « ce qui », dit la Cour, « paraît vraisemblable eu égard à la
description qui en a été faite ». Un ancien directeur de prison vient confirmer
devant le tribunal que les entraves photographiées par les enquêteurs
correspondaient à celles pouvant être utilisées dans toutes les prisons belges.
La Cour a condamné les responsables et auteurs du traitement infligé à Farid,
mais le ministère public a interjeté appel.
On se souvient que le ministère de la Justice, en réaction
aux lettres d’ Ashraf Sekkaki, a nié sur tous les tons l’existence de telles
pratiques dans les sections de sécurité particulière et individuelle : « Jamais
un détenu ne doit se promener avec des menottes aux mains et aux pieds ». Tout
en laissant la porte ouverte à leur utilisation : « L’utilisation de menottes
aux mains et aux chevilles est strictement réglementée et est toujours motivée
par une décision individuelle. Ces décisions sont enregistrées et consultables.
L’utilisation de ces restrictions est extrêmement rare, son utilisation est
limitée aux transferts vers la section et lorsqu’il est placé dans la cellule de
punition. Pour des raisons de sécurité et pour la sécurité du personnel, qui,
lui aussi, a droit à la protection contre des crises d’agressivité, elles peuvent
être utilisées à l’intérieur de la section et strictement limitées à la durée
d’un déplacement.
Bien sûr, elles sont également utilisées par les forces de
police pendant le transfert d’un prisonnier.
Les services de police sécurisent le transport d’un détenu
et doivent prendre les mesures nécessaires. Il semble logique que ce soient les
services de police qui décident, sur base de la dangerosité (d’évasion) du
détenu en question ». C’est un texte qui mérite réflexion.
Ce que Farid Bamouhammad a vécu rappelle les circonstances
de la mort de Faycal Chaaban, 25 ans, à la prison de Forest le 24 septembre 2006.
Multirécidiviste, incarcéré pour vol, il était considéré comme « très agité »,
et avait reçu plusieurs doses de neuroleptiques. Il avait été retrouvé mort le
lendemain. Avec ce détail, rapporté par la presse : « Faycal Chaaban avait été retrouvé
mort dans sa cellule, torse nu et allongé sur le dos, pieds et mains liés » (117)
.
L’expérience de Farid vécue à Ittre montre comment la
permission d’utiliser « des menottes et entraves aux pieds et aux mains » au
nom de la sécurité - fût-ce par « décision réglementée, motivée, enregistrée et
consultable » - peut être comprise comme une permission officielle d’infliger
les traitements décrits plus haut, sans raison et ce pendant une période de dix
jours..."
(116).Toutes les citations viennent du Tribunal correctionnel
de Nivelles, 3ème chambre en audience publique du lundi 13 janvier 2014
(117).
http://www.lacapitale.be/343326/article/regions/bruxelles/actualite/2012-03-07/bruxelles-le-proces-de-deux-medecins-de-la-prison-de-forest-remis-a-septem