__________________6/3/2016
À l’occasion du 8 mars, journée internationale des
femmes, le Parti communiste révolutionnaire joint sa voix aux militantes
et militants du mouvement démocratique au Maroc pour exiger la
libération de Wafaa Charaf, emprisonnée depuis bien tôt deux ans pour un
délit d’opinion. Voici le texte d’un communiqué accompagné d’un appel à
l’action, diffusé par ses supporters:
Transformer une victime en coupable. Voilà l’un des lugubres tours de
passe-passe dont le pouvoir marocain a le secret. Militante de la
défense des droits humains, Wafaa Charaf en fait la cruelle expérience
derrière la haute enceinte blanche de la prison de Tanger. Cette jeune
femme de 28 ans est embastillée depuis le 9 juillet 2014, date à
laquelle elle a été arrêtée et placée en détention préventive après
avoir déposé plainte contre X pour enlèvement et séquestration.
Les faits remontent au 27 avril de la même année. Très liée au monde
ouvrier de ce port africain aux portes de l’Europe, Wafaa Charaf
participait ce jour-là à un rassemblement de soutien aux ouvriers de la
multinationale Greif (le numéro un mondial de l’emballage industriel),
licenciés après la création d’une section syndicale. Un affront, au cœur
de cette zone franche qui permet aux entreprises locales ou
occidentales d’empocher des cadeaux fiscaux tout en disposant d’une
main-d’œuvre bon marché, privée des droits les plus élémentaires. À
l’issue de ce rassemblement, la militante était embarquée par des
inconnus qui l’ont brutalisée, questionnée sur ses activités, avant de
l’abandonner couverte de blessures au bord d’une route, en pleine nuit, à
une quinzaine de kilomètres de la ville.
Ce scénario de mauvais polar porte la signature des méthodes
policières régulièrement dénoncées par l’Association marocaine des
droits humains (AMDH) dont Wafaa Charaf est membre. L’enquête ouverte
par la plainte de la jeune femme n’aura d’ailleurs pas pour objet
d’identifier ses agresseurs, bien au contraire. C’est finalement elle
qui sera poursuivie pour «mensonges et diffamation», maintes fois
convoquée, avant d’être incarcérée et condamnée, en appel, à deux ans de
prison ferme et à une lourde amende.
«C’est une affaire politique. Ce qui est reproché à Wafaa, ce sont
ses engagements contre les violations des droits humains. Ici, les
patrons se comportent de la pire des manières à l’intérieur des usines»,
s’emporte Aboubakr El Khamlichi, le président de Chabaka, un réseau
fédérant les associations de défense des droits des migrants et des
ouvriers. Ce vieux militant au regard clair et franc est secoué de
tremblements, stigmates des sévices endurés durant son long séjour en
prison, dans les années 1980. Jugé en même temps que Wafaa Charaf en
première instance pour «complicité de fausses déclarations», il a
finalement été relaxé.
Tête couverte d’un voile bleu, Fatima Khayati est l’une de ces
ouvrières de Greif aux côtés desquelles luttait Wafaa Charaf. «Elle
était notre plus précieux soutien, notre porte-voix. Payés 2 300 dirhams
(environ 200 euros), nous étions méprisés, maltraités. Nous voulions
simplement faire respecter nos droits, améliorer nos conditions de
travail. Mais lorsque nous nous sommes syndiqués, la réaction des
patrons a été sauvage», relate-t-elle. «C’est une multinationale
puissante, il est difficile de s’y attaquer. Wafaa s’est montrée
solidaire de notre lutte de bout en bout», acquiesce une autre ouvrière
licenciée, Khadija Amaouche.
Comme la plupart de leurs collègues mis à la porte, elles n’ont
toujours pas retrouvé de travail. Implantée dans une cinquantaine de
pays, la multinationale, dont le siège se trouve dans l’Ohio
(États-Unis), a réalisé au troisième trimestre 2014 un chiffre
d’affaires de plus d’un milliard de dollars. Insuffisant, selon son PDG,
David B. Fischer, qui a alors promis de «continuer à réaliser les plans
de façon agressive pour renforcer le portefeuille d’affaires» du géant
de l’emballage industriel.
Zone de non-droit pour les travailleurs, la zone franche de Tanger
est un paradis pour les entreprises en quête du profit maximum. Wafaa
Charaf est surtout coupable, aux yeux de ses procureurs, de s’être
attaquée au tabou de la condition ouvrière dans ces limbes de
l’industrie, à une quinzaine de kilomètres des côtes européennes. «La
nature de ce régime est antidémocratique. La pression est permanente sur
tous ceux qui dénoncent les violations des droits humains. Mais elle
est plus forte encore sur ceux qui dénoncent la collusion entre le
régime et le patronat pour bafouer les droits des ouvriers», assure
Ahmed Sekkaki, responsable de la Voie démocratique, le parti
progressiste auquel appartient Wafaa. Avec le mouvement du 20 février
qui a ébranlé de façon inédite, en 2011, la monarchie marocaine, des
peurs se sont dissipées, des voix se sont déliées. Mais le Makhzen reste
intraitable pour les militants de la liberté, du progrès social et de
la démocratie.
«La répression s’est accrue de façon très sévère. Il n’est pas rare
que des traitements inhumains et dégradants soient infligés aux
militants, dans les commissariats ou en prison, directement ou
indirectement, par la manipulation de codétenus», relate Najib Sekkaki,
le président de l’AMDH à Tanger. Du fond de sa prison, Wafaa Charaf
garde un moral d’acier. Chaque mobilisation pour sa libération lui donne
cœur et courage. Par-delà les murailles, ses pensées s’envolent
toujours vers les sans-droits qui, dehors, sont eux aussi privés de
liberté.
(Informations tirées du journal L’Humanité)
Exigez la libération de Wafaa Charaf!
ÉCRIVEZ UNE LETTRE DE PROTESTATION À:
Habiba ZEMMOURI, consule générale du Maroc à Montréal
2192, boul. René-Lévesque Ouest, Montréal (Qc) H3H 1R6
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