Par Philippe Savoye, Centre d’information Inter-peuples, (CIIP) Grenoble, 30/10/2009
Photos Pauline et Marie Frison
Bien sûr, le Sahara Occidental n’est plus sous les feux de l’actualité depuis que la guerre ouverte s’est transformée en situation larvée, dans une totale impasse. Le peuple Sahraoui est oublié au milieu de ce désert aride où la vie est un combat de tous les instants. Pendant ce temps ses ressources sont pillées par le Maroc au mépris des résolutions de l’ONU...
Un peu d’histoire
La conférence de Berlin qui s’est tenue en 1884 et 1885, dont l’acte final est signé par treize pays européens et les États-unis, fut la base fondatrice d’une Afrique colonisée, découpée et partagée entre les Occidentaux. L’actuel Sahara Occidental fut placé sous protectorat espagnol qui devint le Sahara espagnol en 1924, administré indépendamment des territoires appelés "Maroc espagnol". Depuis 1963, le Sahara Occidental figure parmi les territoires "non autonomes" selon l’ONU, qui deux années plus tard, prend position pour que ce territoire soit décolonisé.
A partir de 1970, le peuple Sahraoui entame une guerre de libération contre l’occupation espagnole. Le conflit entre le Maroc et l’Algérie sur le tracé de leur frontière et les revendications mauritaniennes sur une partie du territoire rendirent la situation complexe, avant qu’un accord unifie un front anti-espagnol. Le 14 novembre 1975, les accords de Madrid officialisent le retrait de l’Espagne et le partage du territoire : le Maroc obtient les deux tiers nord et ouest et la Mauritanie le tiers sud et est. Les Sahraouis et l’Algérie sont exclus des négociations.
D’une occupation espagnole, à une occupation marocaine...
Au lendemain du départ des soldats espagnols, le 27 février 1976, la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) est proclamée par le Front Polisario. Une guerre ouverte se déclare entre "les forces d’occupation" marocaines et mauritaniennes et le Front Polisario. La "marche verte" marocaine, l’invasion armée, l’usage du napalm, du phosphore blanc entraînent l’exil de dizaines de milliers de Sahraouis vers les camps de Tindouf en Algérie.
En 1979, la Mauritanie se retire des territoires occupés et dans les années suivantes, le Maroc érige progressivement un mur de 2 400 kilomètres (et déploie des champs de mines) qui coupe le Sahara Occidental en deux : les deux tiers du pays sont annexés par le Maroc et le tiers oriental est sous contrôle du Front Polisario.
En 1982, la RASD est admise au sein de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine)1, ce qui entraîne le retrait du Maroc, deux années plus tard.
Sous l’égide de l’ONU, un cessez-le-feu est conclu en 1991 entre le Maroc et le Front Polisario, sur la base de l’organisation d’un référendum d’autodétermination : indépendance ou intégration au Maroc.
Afin de permettre l’organisation de ce référendum, la résolution 690 du 29 avril 1991 crée la Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara Occidental (MINURSO).
Outre "l’organisation d’un référendum libre et équitable et en proclamer les résultats"2 (qui initialement devait se dérouler en janvier 92), la Minurso se voit confier notamment la surveillance du cessez-le-feu, la réduction des troupes marocaines sur ce territoire, l’aide à la libération des prisonniers politiques, la réduction des menaces de mines, etc. Aujourd’hui, dix-huit ans plus tard le référendum est toujours lettre morte !
La situation actuelle
Si le Maroc estime que le Sahara Occidental fait historiquement partie de son territoire, l’ONU considère cette occupation comme la dernière question coloniale restant en Afrique. Plus de cent résolutions appellent à l’autodétermination et, en 2006 dans son rapport, Kofi Annan (secrétaire général des Nations Unies à l’époque) précise qu’aucun pays membre de l’ONU ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental. Le peuple Sahraoui a proclamé sa République en exil, reconnue par une centaine d’États, Mohamed Abdelaziz en est le président et sa capitale provisoire est Bir Lehlou. Le gouvernement et les ministères sahraouis gèrent les camps de réfugiés où les femmes sont particulièrement actives.
Le déploiement de la Minurso, sous commandement chinois et composée de près de 500 militaires et observateurs, est autorisé jusqu’au 30 avril 2010
Des réunions plus ou moins informelles ont lieu sous l’égide de l’ONU entre le Maroc et le Front Polisario (comme cet été en Autriche) sans qu’une avancée soit perceptible. D’ailleurs, au printemps dernier Ban Ki Moon reconnaissait que les conditions d'une reprise des pourparlers sur l'avenir du Sahara Occidental ne sont pas réunies tant les positions sont éloignées. Aujourd’hui, le Maroc propose un plan de large autonomie sous sa souveraineté (illégal au regard du droit international) et le Front Polisario un référendum avec trois options : le rattachement au Maroc, l’indépendance ou l’autonomie sous souveraineté marocaine.
Les tensions demeurent. Les Sahraouis de la zone occupée, où sont présents pas moins de 160 000 militaires marocains, font l’objet d’une répression permanente, sanglante et il ne se passe pas une semaine qu’ils subissent tortures, arrestations, emprisonnements... Le 29 août dernier, Leila Hmatou Amaidan sportive sahraouie de haut niveau, a été victime d’une tentative d’assassinat ; mi-septembre, des Sahraouis réclamant pacifiquement l’autodétermination et la fin de l’occupation dans les villes de El Aaiun, Smara et Boujdour, subirent de violentes répressions, etc.
Aujourd’hui, environ 165 000 réfugiés vivent toujours dans les camps de réfugiés, non loin de Tindouf, dans le désert proche de la frontière algérienne. Dans cette zone très désertique, cette population nomade survit grâce à l’aide alimentaire fournit par l’ONU. Selon une étude de Medicos del Mundo (2008), 19 % des enfants des camps souffrent de malnutrition. Géré par le secrétariat Jeunesse et Sport de la RASD et grâce à une large solidarité internationale, une dizaine de milliers d’enfants bénéficient chaque été de l’opération "vacances en paix" à l’étranger.
Quels enjeux ?
De nombreux gouvernements, à commencer par celui de la France, usent d’un double langage en prétendant soutenir les efforts de l’ONU... mais bénéficient des relations d’affaires avec les territoires occupés par le Maroc. En mai dernier, la France s’oppose à ce que la MINURSO soit investie de la surveillance des droits de l’Homme... ce qui n’aurait pas manqué de déplaire à son "grand ami" le Maroc.
Le Sahara Occidental possède des gisements de phosphate et des ressources halieutiques parmi les plus riches du monde. S’y ajoute la possibilité de trouver du pétrole et du gaz dans les eaux territoriales.
Si l’aide multilatérale annuelle s’élève à 50 millions de dollars, le Maroc gagne 1 500 milliards de dollars sur les exportations de phosphate provenant du territoire occupé4. Les réserves du Sahara Occidental sont les secondes au monde après celles... du Maroc. Des voix s’élèvent face à ce vol qui ne dit pas son nom. Ainsi face à la mobilisation populaire, en 2005 le fonds de pension de l’État norvégien a vendu ses parts de la compagnie américaine Kerr-McGee qui exploite certaines mines, pour des raisons éthiques !
Grâce à la richesse halieutique au large du Sahara Occidental plus de 100 000 Marocains travaillent dans l'industrie de la pêche, principalement autour des ports de Dakhla et El Aaiun ; une grande majorité sont venus dans le territoire depuis l'occupation. Par ailleurs le Maroc vend des permis à des pays étrangers. L’Union Européenne et la Russie en sont les premiers bénéficiaires. L’accord signé en février 2007 entre l’UE et le Maroc stipule que 119 bateaux européens pourront pêcher dans les eaux marocaines et du Sahara Occidental. En échange, l’Union versera au Maroc, 36 millions € par an.
Le Maroc mène des explorations pétrolières au Sahara Occidental, à la fois en mer et à terre, malgré le fait que l’ONU ait déclaré cette situation illégale comme l’écrit Hans Corell, sous secrétaire général de l’ONU pour les Affaires Légales : « si des activités de prospection et d’exploitation devaient être entreprises au mépris des intérêts et de la volonté du peuple du Sahara occidental, elles contreviendraient aux principes de droit international applicables aux activités touchant aux ressources minérales des territoires non autonomes. »
Il est bien évident, qu’au-delà de la dimension historique de l’occupation, l’aspect économique prime sur toute autre considération. Le droit onusien est bafoué, avec la complicité des "maîtres du monde", depuis près de 35 ans, un peuple se morfond dans des camps ou violenté sur son propre sol occupé, mais à part cela... tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !
1/ Devenue "Union Africaine" en 2002 lors du congrès de Durban. Composée de 53 membres, le Maroc est l’unique pays du continent à ne pas y adhérer
2/ Site de la Minurso
3/ Résolution S/RES/1871 du Conseil de sécurité en date du 30 avril 2009
4/ Western Sahara Resource Watch (www.wsrw.org/files/)
Sources :
*n°181, Nouvelles du Monde, CIIP
Connaissez-vous l’association "APSO" ?
Amis du Peuple du Sahara occidental,
dont le but est (extrait de ses statuts) :
« De faire connaître et reconnaître le peuple du Sahara occidental, son histoire, sa culture, sa vie, son territoire et ses ressources... auprès de l’opinion française et internationale.
De soutenir les Sahraouis dans les difficultés matérielles quotidiennes et dans la lutte pacifique vers la résolution du problème de décolonisation de leur pays.
Par l’organisation d’un réseau et d’échanges, de partenariats interculturels, sportifs, pédagogiques, intellectuels... autour de l’information, des arts, cultures, traditions, sciences, de la prévention ... »
Axes 2009/2010 :
Création, coordination, financement d’une équipe de prévention des risques liés aux mines.
Création d’un centre culturel français dans les campements.
Évènement sportif international de haut niveau.
Vigilance et réaction sur l’actualité des droits de l’homme et du pillage des ressources.
Par ailleurs, l’association Solidarité Enfants Sahraouis accueille des enfants durant les vacances. (solensahr@yahoo.fr)