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dimanche 25 octobre 2009

Il a joué dans le film Ali Zaoua et mis en prison à Essaouira : Assila, l'acteur et le récidiviste

Soumis par toma le mer, 2009-10-21
C'est l'histoire de milliers d'enfants marocains qui rejettent toute attache avec leur milieu social d'origine. Des enfants qui extériorisent leur malaise de façon violente et agressive. Des êtres désorganisés, avec une forte envie de détruire tout ce qui symbolise leur origine sociale. Des esprits mutilés, en conflit permanent avec eux-mêmes, en perte de repères et qui ont hâte de quitter la société qui les a rejetés, pour retrouver celle de la prison. L'histoire de S-A n'est pas un simple fait divers, une affaire judiciaire comme celles qui sont traitées au quotidien dans les commissariats et tribunaux du Royaume. Elle témoigne du danger permanent qui guette 400.000 enfants abandonnés, et 240.000 autres vagabonds à la merci du froid, de l'exclusion, des abus sexuels, des intoxications alimentaires, des maladies et de la délinquance.
Il y a deux semaines, le jeune S.A connu à Essaouira depuis son jeune âge sous le nom d'Assila, a été appréhendé par les éléments de la P.J pour vols, agressions à l'arme blanche, séquestration et viol et constitution d'une bande criminelle. Ce jeune récidiviste qui venait juste d'être relâché à la suite d'une grâce Royale alors qu'il purgeait une peine de trois ans pour vol et agressions, n'a pas nié les faits reprochés. Au contraire, il a tout de suite reconnu ses forfaits, et dévoilé l'identité des membres de sa bande criminelle composée de trois autres garçons et trois filles dont l'une demeure toujours en état de fuite. Durant plusieurs semaines, le nom d'Assila alimentait toutes les conversations à Essaouira. Il a réussi à semer la terreur dans les moindres recoins de l'ancienne médina de la paisible Essaouira : vol de couteaux et d'armes blanches, agressions de citoyens inoffensifs, hommes et femmes, comportement agressif et violent à l'encontre de citoyens terrorisés. Des méfaits qui attestent, d'après certains officiers de la P J, d'une évolution de sa criminalité et l’expression d'un profond ressentiment envers la société. Le jeune homme de 23 ans qui a fait l'expérience de l'incarcération depuis son jeune âge, n'éprouve plus de peur des services de sécurité. Pis, il a visiblement tout fait pour reprendre le chemin de la prison. « On n'aura pas ma peau cette fois, c'est fini; personne ne pourra plus me tromper, j'ai passé les trois quarts de ma vie en prison, plus rien ne compte pour moi », a-t-il répondu en réaction à l'intervention de l'un de ses ex-amis qui essayait de le raisonner. « Assila voit rouge, il vit sans repères ni valeurs, j'ai senti en lui de forts sentiments de rancune et d'agressivité; sa criminalité a pris le dessus de l'image de l'enfant abandonné qui a goûté à l'injustice de ses parents », nous a affirmé un aucien ami d'Assila, visiblement touché par ces derniers rebondissements. « Il voulait à tout prix, et le plus vite possible retourner en prison. Il frappait en plein jour, sans aucune peur ou hésitation. L'amour de la vie et le penchant naturel des êtres humains vers la liberté sont actuellement enfouis dans son attachement au petit monde qu'il a réussi à créer en prison. Il avait l'air d'un étranger, qui ne se sentait jamais chez lui. Bref, il avait hâte de retrouver ses compagnons de cellule avec qui il partage un monde dont il détient les secrets … », nous a déclaré une source sécuritaire. Assila est désormais un numéro de matricule entre autres, dans une prison avec des criminels avec qui il continue à nourrir sa haine qui ne cesse de grandir d’une condamnation à l'autre. C'est l'image d'une grave problématique sociale, psychologique et malheureusement sécuritaire. Le parcours tragique d'un enfant délaissé, de plusieurs milliers d'enfants abandonnés, stigmatisés, qui se sont fixés sur leur drame, qu'on avait mal aidés et accompagnés pour qu'ils puissent gérer au mieux leurs troubles et sentiments de rancœur. Enfant délaissé par ses parents, il a été adopté par une famille à Essaouira qui a tout fait, dans les limites de ses moyens, pour lui apporter le réconfort dont il avait besoin.
A l'âge de 10 ans, c'était le choc dans la vie d'Assila, il avait appris qu'il n'était que le fils adoptif et qu'il avait été abandonné par ses parents… Après, ce fut la fuite en avant, un parcours vertigineux que personne n'avait réussi à freiner, redresser et corriger. Il avait tout d'abord commencé par bouder l'école des l'âge de dix ans, la rue était devenue son refuge où il pouvait extérioriser ses sentiments d’enfant rebelle, contre toute fausse autorité parentale ou sociale. Petit à petit, c'était la drogue, et puis la délinquance. Même les efforts déployés par les assistants sociaux de l'Association Bayti durant plusieurs années, n'ont pas pu révéler le bon côté d'Assila. Le vagabondage était devenu pour lui un mode de vie. Dans la rue il a côtoyé des compagnons avec qui il a partagé ses frustrations, ses sentiments de rancune envers ses parents, et son penchant vers la criminalité. « Assila ne cessait de rentrer et sortir du centre correctionnel d'Essaouira, il était, dès son jeune âge, complice de criminels dans plusieurs affaires de vols, agressions et cambriolage; mais à chaque fois, il profitait de son statut de mineur pour échapper à la prison et prendre la fuite du centre pour y retourner après quelques mois », nous a déclaré une source sécuritaire.
A 13 ans, il fut choisi pour participer au film « Ali Zaoua » réalisé par Nabil Ayouch, une reproduction réaliste et choquante du vécu d'une enfance abandonnée qui a pris le chemin du vagabondage avec ses dangers et paradoxes. Certes, Assila avait peut-être la chance d’une réintégration sociale par le biais de l'art, mais personne ne savait quelles étaient les limites des opportunités, et de l'accompagnement matériel, psychologique et social déployé pour faire aboutir cette expérience qui a échoué à Essaouira, là où elle a relativement réussi à Casa. Les années passent et se ressemblent pour Assila. L'enfant mineur avait mûri, et la délinquance s'était muée en vraie criminalité. A 23 ans, il a rompu avec tout ce qui symbolisait son vécu d'enfance, pour construire un monde impitoyable, détaché de toutes les valeurs sociales. C'est le prix payé par notre société au quotidien faute de méthodes et moyens efficients pour résoudre du moins atténuer les effets de cette problématique sociale à multiples facettes. Les causes de l'abandon ne se limitent pas seulement au « premier péché », car il y a des orphelins, des enfants issus de familles nécessiteuses et les problèmes du divorce et de la prostitution. C'est un phénomène qui menace la stabilité de la société, mais ce sont surtout ces enfants qui payent le tribut des problèmes économiques et sociaux. De centaines de milliers d'enfants, entre 4 et 18 ans, meublent actuellement les rues des villes, errant en permanence sous de faux noms. De ce fait, il n'est pas évident de les contrôler, ni de suivre de près. Les efforts déployés par l'Etat et la société civile paralysée faute de moyens financiers, doivent toucher l'éducatif et le psychologique surtout, car ce sont les esprits de ces enfants privés de vie familiale qui ont le plus besoin de nourriture pour ne pas dépérir dans une ruelle comme un Ali Zaoua, ou moisir en prison comme un Assila.
(photos du film Ali Zaoua)

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