Par Salah Elayoubi, 12/5/2012
C’est l’histoire d’un ouvrier qui rêvait tellement de démocratie qu’il s’est mis à le chanter.
Il l’a chanté avec tellement de talent et de conviction qu’il a réussi à fédérer autour de lui, des milliers de ses semblables, épris de liberté.
Alors « Ils » décidèrent de le faire taire !
C’est là, résumée dans sa réalité la plus crue, la tragédie de Mouad Belghouat. Tout le reste relève de l’anecdote, du mensonge ou du complot.
Un an de silence ferme. C’est la peine pour avoir chanté haut et fort ce qu'une majorité de citoyens de ce pays pense et murmure tout bas.
Le verdict interpelle sur le fond, par sa dureté, bien qu'il n'ait échappé à personne, que l'heure était à la répression, depuis l'arrivée de la nouvelle équipe gouvernementale aux commandes.
La sentence interpelle surtout sur sa forme. Prévu à seize heures, le prononcé du jugement a été avancé, prenant de court le comité de soutien. Prévenu et avocats ayant refusé de siéger, pour protester contre les conditions dans lesquelles se déroule le procès.
Précipitation suspecte, pour un tribunal qui avait, jusque là, pris le temps au temps.
Une peine infligée dans des conditions à nulle autre comparable. Tant de moyens, tant de policiers, tant de magistrats, tant d’intrigues et tant de manigances, pour, au final, susurrer ce verdict, à l’abri des oreilles concernées, histoire de ne pas rameuter les sympathisants du militant.
La justice marocaine nous avait habitués à toutes sortes de turpitudes et de comportements déviants.
On savait nos magistrats majoritairement retors. Ceux qui ont sévi en cet après-midi, frappé du sceau de l’infamie, évoluent en équipe nationale des vicieux.
Un verdict subreptice, presque en secret. « En loucedé » même, tant ce terme emprunté aux voyous sied, à merveille à la situation. Car tout dans la genèse de cette affaire, comme, dans les autres, ourdies de toutes pièces contre les militants du « Vingt février », nous renvoie à un comportement de voyous, agissant en bande et sur commande, aux antipodes de toute justice, et complotant quelques mauvais coups contre leurs contemporains.
En règle générale, la justice se prononce, s’administre et passe dans la sérénité. Celle dont il était question ce vendredi 11 mai, était tout, sauf sereine. Il s'agissait d'une justice furtive et précipitée. Ni vu, ni connu, je te condamne !
Ce qui a été conduit, à ce jour, relève d’une forfaiture grimée en justice. Il ne s’agissait, ni plus, ni moins, que de punir Mouad d’avoir eu tant de courage, d’audace et de dignité, pendant ce procès qui déshonore, une fois de plus, notre pays.
L’attitude du rappeur a renvoyé ces juges d’un autre âge, de l’autre côté du miroir, face à leur propre compromission avec la dictature. Il était à chacune de ses comparutions, fidèle à son image: résolu et déterminé ! Une leçon qu’apprécient rarement les absolutistes accoutumés à ne lire dans les yeux de leurs vis-à-vis que terreur ou servilité.
La veille de ce verdict, Mohamed VI, entouré d’un aréopage de « Marcheurs à reculons », toujours les mêmes, acquis à la cause de la dictature, a promis une énième réforme de la justice. Un pur chef-d’œuvre de cynisme et d'hypocrisie, destiné à leurrer la communauté internationale sur les intentions liberticides immuables du régime marocain et faire oublier la répression sauvage du printemps marocain, les assassinats des militants, les procès à la chaîne et les verdicts injustes.
Voilà que l'antre de l’injustice et de l'absolutisme prétend se préoccuper de redonner, d’une main, de l’indépendance à un département, après l’avoir verrouillé à y placer ses suppôts, des années durant.
Qui serait tenté d'avaler pareille couleuvre ?
La tragédie de Mouad marque une pause momentanée. Le rappeur a regagné sa cellule , le temps de comparaître en appel.
Dans le plus beau pays du monde, la tyrannie a repris ses droits. La bêtise des absolutistes aussi, en attendant que le souffle de la liberté ne vienne mettre fin à cette malheureuse parenthèse de l’histoire contemporaine du Maroc.