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samedi 12 mai 2012

Quel drame, Maître Ramid, quel drame !

 Par Larbi 12/5/2012

 Trouver les mots, ce n’est pas si facile en ce moment. Le sentiment de ne plus avoir rien d’autre à commenter que des injustices encore plus criantes et révoltantes. Mouad L7a9ed avait un tort. Comme Hamza Haddi, comme Walid Bahmane, comme beaucoup d’autres jeunes. Et leur seul tort, est d’être nés dans un mauvais endroit du monde caractérisé par le déni de la pensée, l’inhumanité et l’absence de liberté. Je pèse mes mots.

 Au tribunal de Ain Sbeaa, la justice s’est transformée en un outil de vengeance, en un détestable support de la politique de la peur. La sentence d’un an de prison ferme prononcée aujourd’hui l’encontre de Mouad L7a9ed, après une lecture faite dans la clandestinité, est une honte et un déshonneur. 

Vous avez dit un jour, Cher Maître Mostapha Ramid, « Je présenterai ma démission si un seul citoyen marocain est touché dans sa dignité ». La vérité, et au vu des jugements en chaîne contre les activistes marocains, c’est que même si vous la présentiez, votre démission, cela ne changerait rien tant le mal a été fait. Vous avez souillé définitivement votre réputation, vous vous êtes jeté, vous-même, dans le déshonneur. 

Parce que vous avez laissé le ministère public continuer sur ses pratiques détestables, et vous aviez pourtant autorité pour le recadrer. 

Parce que vous vous êtes tu et vous avez détourné le regard quand tout le monde vous interpellait. Parce que dès le départ vous vous êtes comporté comme le chef des fonctionnaires de la justice et non comme Ministre de la Justice et des Libertés. C’est l’intitulé de votre fonction officielle, faudra vous le rappeler, vous avez tendance à l’oublier. 

Vous avez fait le choix, vous l’avocat respectable, d’intégrer un gouvernement sans pouvoirs alors que tous les militants sincères vous disaient de ne pas y aller jouer la figuration. Vous avez dit que vous auriez les moyens et l’autorité pour changer les choses. Aujourd’hui force est de constater que non seulement vous n’avez pas amorcé le moindre changement mais vous êtes transformé en à peine quelques mois en un élément de la machine à réprimer. Quel drame, Maître Ramid, quel drame ! 

Vous avez, en seulement quelques mois, fait la trajectoire empruntée par les militants de gauche au bout de dizaines d’années et qui se sont transformés, bien avant vous, en auxiliaires d’une politique répressive. Quel drame, Maître Ramid, quel drame ! 

Dans l’enceinte du tribunal d’Ain Sbeaa, les policiers se sont comportés comme des voyous, kidnappant la militante Maria Karim sans respect pour la dignité de la maison de la justice. Comment acceptez-vous ça, comment acceptez-vous qu’on interpelle des militants dans l’enceinte même du tribunal ? Avec vous, comme avec vos prédécesseurs, on n’est à l’abri nulle part, même dans les tribunaux ! 

 Au tribunal de Ain Sbeaa, l’avocat de la police s’est comporté en un minable, insultant l’intelligence des gens , vous utilisant vous et votre gouvernement comme une caution pour donner un semblant de normalité à un procès qui n’avait absolument rien de normal. A croire que c’est votre utilité : vous servez à justifier toutes les exactions, du moment que vous êtes ministre de la justice c’est que le plus aberrant des procès est un acte de justice. Voilà à quoi vous servez désormais : un blanc-seing au pouvoir dans son entreprise de répression. Ne vous y trompez pas ! 

Au tribunal de Ain Sbeaa, il y avait un accusé, que tout le monde savait innocent, mais que le pouvoir voulait condamner. Il y avait un dossier vide , une accusation qui ne résiste à aucun examen sérieux. Tout le monde savait que Mouad L7a9ed est innocent, que son procès n’est rien d’autre qu’un procès politique. Un procès surréaliste où le parquet lisait laborieusement et sans conviction un semblant de réquisitoire qu’on lui a écrit et où le juge gérait « les affaires courantes » s’impatientant devant le temps, pressé de lire enfin un jugement que tout le monde savait déjà écrit. Pourrais-je vous suggérer , Maître Ramid, de faire gagner à tout le monde en temps ce qu’il perdra en parodie de justice et de faire lire directement la sentence à l’ouverture. Ça serait au moins une réforme économisant l’argent du contribuable. 

Au tribunal de Ain Sbeaa, la police, à la fois partie civile et acteur de la procédure, a empêché les militants d’assister à des audiences qui sont pourtant publiques par le force de la loi dont vous êtes censé être le garant. Et vous n’avez pas pris une seule décision pour demander aux forces de l’ordre de respecter la chose la plus élémentaire : respecter la publicité des débats. Même ça, ce petit geste, vous y étiez incapable !

 Au tribunal de Ain Sbeaa, il y avait une dizaine d’avocats de la défense, de très bons avocats. ET vous connaissez certainement la situation, puisque vous-même vous vous y êtes retrouvé avant votre « recrutement », des avocats qui plaident avec la conviction que les meilleurs pénalistes du monde ne peuvent rien devant cette parodie de justice. Parce que justement ce n’est pas une affaire de droit ni de loi. Vous connaissez-bien la situation et ironie du sort vous vous retrouvez aujourd’hui du mauvais côté du prétoire. Quel drame, Maître Ramid, quel drame !

 Au tribunal de Ain Sbeaa, le juge n’a même pas eu le courage de lire le jugement en présence de Mouad et de sa défense, les yeux dans les yeux. Comme vous, quand vous choisissez de fuir le regard des administrés, préférant désormais les palais du royaume, le juge a choisi de fuir celui des militants lisant sa sentence en catimini, trois heures avant l’heure prévue. Il est vrai que le courage n’est pas une des qualités du système que vous défendiez désormais. 

Au tribunal de Ain Sbeaa, on a condamné pour la première fois de l’histoire du Maroc, un rappeur pour une chanson. Cette « première » ne se passait pas sous le règne de Hassan II, ni dans les années 80. Elle se passe aujourd’hui sous le règne de Mohammed VI dont vous êtes le ministre de la justice (et des libertés). Et pour cela vous allez certainement rentrer dans l’histoire par la petite porte. Et vous savez ce qui est le plus dramatique dans tout cela, Cher Maître Ramid ? Qu’un gars comme vous, arrive en quelques mois à se transformer d’un militant respecté à un auxiliaire d’une justice de vengeance, c’est que tout espoir de changement parait complétement vain. Vous en êtes la démonstration vivante et éloquente.

Desmond Tutu a dit un jour, «Si vous êtes neutres devant une situation d'injustice, c'est que vous avez choisi d'être du côté de l'oppresseur.». Et que dire dans votre cas, vous qui êtes censé être à la tête du ministère de la Justice (et des Libertés) ? Quel drame, Mostapha Ramid, quel drame ! 


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