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lundi 7 mai 2012

Les courageux enfants d’Oukacha : d’un procès à un autre

 Par Larbi, comme une bouteille à la mer, 6/5/2012 
 
Hamza et Mouad

  Je me souviens de la première fois que j’ai mis les pieds à Oukacha, en septembre dernier. Le chauffeur de taxi donna le ton : non je ne connais pas Hay El Wifak… ah faut dire Oukacha…. c’est très loin et dangereux dans la nuit. Comme si ce quartier-là était à la marge, exclu de Casablanca et de la société. 

C’était quelques jours après la première interpellation de Mouad L7a9ed, ma première fois dans ce quartier. J’y reviendrai ensuite une bonne dizaine de fois pour d’autres manifs, car Oukacha , avec Sbata, est parmi les quartiers casablancais qui ont payé un lourd tribu lors de la contestation. 

Karim Boukhari, Directeur de Tel Quel Magazine, était parmi les premiers journalistes à s’intéresser à ce quartier périphérique de Casablanca. Il raconte : Les habitants de Hay Al Wifaq ont choisi de rebaptiser leur quartier “Oukacha”, du nom de la célèbre prison qui se trouve, pourtant, à l’autre bout de la ville. Pourquoi Oukacha ? Parce que, nous explique ce “Wifaqien”, “plusieurs jeunes multiplient les allers-retours entre la prison et le quartier”. 
 
 Nabil .... 
 Nabil dit ‘El khibrator’, une des figures emblématiques du quartier, raconte la trajectoire qu’ont empruntée plusieurs enfants du quartier passant de la drogue et la résignation, au militantisme et à la contestation. Hind Aissaoui Bennani a recueilli son histoire, et celle de son quartier, dans un excellent reportage audio de 6 minutes qui raconte mieux que quiconque la métamorphose des enfants du quartier : Fichier audio intégré Men 3okacha l'3okacha, By HindMouad ...


 Mouad By Maria Karim 
Je me souviens que la seule fois où j’ai été dans ce quartier sans manifester, c’était à l’occasion d’un diner organisé par la famille de Mouad qui venait d’être libéré après le premier procès. Mouad m’a gentiment prêté sa chambre, immortalisée par un reportage arte, et j’ai passé la nuit entre quatre murs joliment ornés de citations, de bouts de phrases et de paroles de chansons qui racontent un présent désenchanté et pessimiste et un avenir incertain . Mouad, sa famille et ses amis venaient de fermer la page d’un procès absurde et injuste intenté par une marionnette des services et qui a valu au rappeur marocain un séjour de 4 mois en prison. Il réfléchissait déjà à l’après, à reprendre son boulot et sortir son futur album, sa détermination étant restée intacte, il voulait continuer sur son chemin d’artiste engagé sans haine et sans concessions. 

 Mais voilà, le 29 mars dernier, le rappeur est à nouveau interpellé. Quelqu’un a décidé d’exhumer tout d’un coup une chanson qui date de plus de trois ans, et produite bien avant le printemps arabe, pour en faire une arme d’un crime imaginaire. On revient au point de départ, au théâtre de boulevard dans le palais de justice. Du Kafka à Ain Sbaa . Avec le sentiment déchirant qu’on peut accuser et condamner n’importe qui pour n’importe quoi, et que les meilleurs pénalistes du monde ne peuvent rien devant cette drôle de justice. Le pouvoir n’a jamais pardonné à Mouad son audace et sa combativité et profitant des lâchetés contemporaines, des élites et politiques, il a réenclenché sa machine à punir et à casser. Le procès de Mouad reprendra aujourd'hui Lundi 7 mai avec les plaidoiries de ses avocats après un interrogatoire qui a tourné à la farce. 
 
Hamza ... 
 Je me souviens de Hamza, ce môme du quartier de Mouad à peine à l’âge adulte. La première fois qu’on s’est parlé, il vendait un album de Mouad fait avec les moyens de bords, pour pouvoir faire des banderoles et des t-shirt de soutien à l’occasion du premier procès. Hamza deviendra très vite une des figures emblématiques de la coordination 20 février de Casablanca grâce à une créativité épatante qui a renouvelé les slogans chantés à l’occasion des marches Casablanca. On lui doit notamment « Magharba Sem3ou al Akhbar » et on l’entend ici mener les marcheurs à L’Mdina de Casa : http://youtu.be/cDzg4hPq87I
   Je me souviens de Hamza, fin mars dernier, sortant d’un poste de police à Hay Hassani. Je me souviens des traces des coups qui il a reçus parce que la police l’a passée à tabac pendant une bonne demi-heure avant de le relâcher. Comme ça, gratuitement. Par vengeance. En toute illégalité et impunité. La semaine dernière Hamza a fêté son dix-neuvième anniversaire … en prison. Lui aussi, la justice de vengeance a fini par le rattraper. Condamné à quatre mois de prison ferme pour « insulte faite à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions ». Du classique. Son frère aussi est condamné le même jour à six mois de prison ferme pour le même « crime ».
 Voici la mère de Hamza après la condamnation de ses fils. Digne dans la souffrance, courageuse dans l’épreuve, elle demande justice à ses enfants et à tous les enfants du pays 
 C’est l’histoire infiniment triste et infiniment douloureuse des enfants d’un quartier périphérique de Casablanca qui nous enseignent une leçon de courage, de détermination et de dignité, et payent leur liberté à prix fort. Une histoire qui contraste avec les lâchetés contemporaines d’intellectuels et hommes politiques sans courage et sans dignité aucune, qui se taisent et baissent les yeux et ne pipent pas mot face à l’acharnement dont sont victimes les braves enfants d’Oukacha.

 Groupe Facebook pour la libération de Mouad Groupe Facebook pour la libération de Hamza Page Facebook 3okacha family _

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