Par Chawqui lotfi, Mamfakinch,
Étrange pays et pauvre monarchie. Elle croit que la lutte des classes va s’arrêter parce que la violence de l’Etat suffira à anesthésier les contradictions sociales. Il y a des moments dans l’histoire où rien ne peut arrêter le peuple une fois qu’il se réveille. Et ce monarque et sa clique seront à leur tour balayés même s’ils mettent tous leurs chars et tortionnaires en avant et nous traitent comme des apaches. Un jour viendra…ce n’est pas une prophétie ni même une certitude absolue. Cette conviction ne relève pas de la foi. Disons seulement que lorsque la légitimité d’un pouvoir s’épuise, la répression ne suffit plus. Elle peut avorter des luttes, retarder l’insurrection sociale et démocratique, mais comme elle ne produit aucun consentement des opprimées, bien au contraire, elle contribue à faire de la braise un feu qui alimente d’autres braises … jusqu’à l’incendie. Pas forcément là où on l’attend. Pas forcément au moment où on l’attend. Le printemps arabe en est une illustration. Mais là n’est pas le sujet.
A Chlihat donc. Pays du sous-sol prolétaire même si là-bas les prolétaires ne vendent pas leur force de travail et ont les mains calleuses d’une terre qui ne les nourrit plus. Parce qu’au Maroc, il y a bien sur des exploités, des prolétaires mais il y aussi ceux qui n’ont rien, même pas des miettes et pour qui la survie commence le premier jour de la naissance. Appelons-les les dépossédés. Ceux qui ne possèdent plus rien pour vivre et parfois on ne sait pas si ils survivent ou meurent à petit ou grand feux. Peut-être que cela revient au même.
Les dépossédés donc et je n’invente rien. Marx a de belles pages sur les enclosures où il explique comment l’accumulation primitive du capital détruit dans la boue et les larmes l’économie agricole de subsistance, le droit coutumier et transforme les paysans en parias qui ne possèdent plus rien.
Chlihat donc. Mais il ne s’agit pas d’accumulation primitive. Dans ce patelin comme ils disent, la violence sociale de la mondialisation capitaliste règne. Puisque maintenant le pays est vendue gratis. Pas aux enchères, gratis. Une entreprise espagnole s’installe, prend les meilleures des terres, des milliers d’hectares pour l’équivalent d’un argent de poche dépensés en quelques soirées de « la hight ». La vie de centaines de personnes échangées contre un pourboire pour l’état client des multinationales. Cette société que l’on ne nommera pas car elle aurait pu être française, italienne, américaine, chinoise ou provenant du golfe persique n’accepte ni le droit syndical, ni le fait que les dépossédés expropriés puissent bénéficier d’un travail.
C’est ainsi que va le monde où nous vivons. Le profit et rien que le profit et de préférence le surprofit.. La carte sociale de l’accumulation du capital est ainsi faite : une machine à broyer, piller, surexploiter et surtout à exclure du jour au lendemain.
Un vieil auteur marxiste, que l’on soit d’accord ou pas avec lui, parlait de la loi du développement inégal et combiné.
Chlihat est cela : un douar ancré dans les relations rurales précapitalistes plongé dans le mode de la modernité marchande et capitaliste. Et ça donne 2500 âmes qui vivent dans la misère la plus noire, sans même le « luxe » des marchés de la prostitution, du tourisme, des transferts des RME ou l’inauguration d’un quelconque service par la fondation du « roi des pauvres ». Parce qu’à Chlihat on manque de tout même si l’entreprise ne manque de rien. Pas de services publics de base, d’accès à l’eau potable, de centres sanitaires, d’écoles publiques à proximité et de qualité, de centre de loisirs, de maison de jeunes, de revenus dignes.. Le temps s’écoule dans la survie informelle à peine allégée par des liens de solidarité communautaire. L’espace confond le jour et la nuit de la despérance sociale quand il n’y a plus d’ancrage à la terre et que le lendemain est un hasard au ventre creux.
Ici les moustiques parait-il ont plus de droits que les habitants. Ceux-là ne méritent rien et qui sont-ils d’abord pour exiger et s’inviter par leurs revendications à la table des puissants ?
Le Maroc donc, pas celui de mon peuple mais des prédateurs, ont voulu que du sous-sol ne germe aucune racine. Qu’un paysan soit et reste dans leur imaginaire fataliste, patient, silencieux, bon à courber l’échine. Qu’il puisse lutter et revendiquer est de l’ordre du blasphème qui ne pardonne pas. On veut bien pour le décor démocratique que des voix s’élèvent dans des colloques pour questionner « les avancées et reculs de la transition démocratique », que la presse de temps à autre s’offre le luxe de questionner les attentes des Marocains, qu’elle aborde dans un langage policée les sujets tabous, que les opposants démocrates saisissent l’ONU ou écrivent des pétitions, qu’on fasse des manifs comme une promenade de dimanche , qu’on autorise une presse d’extrême gauche qui n’est lue par personne mais que les dépossédés se révoltent, même pour des revendications élémentaires, il y a une ligne rouge qui ne peut être franchie.
Le pouvoir est ainsi. Une histoire génétique sans doute. Les campagnes doivent rester un sanctuaire de la paix sociale.
Des milliers de chiens de gardes habillés comme des robocop et une panoplie de moyens d’intervention : des balles à caoutchoucs, du gaz lacrymaux à vol d’hélicoptère, des camions à eau, de la matraque à n’en plus finir et tout y passe. L’allure d’une expédition punitive surarmée face à une population terrorisée mais qui résiste parce qu’il ne lui reste que sa dignité. Cette flamme qui perdra le pouvoir parce que la dignité est tout ce qui nous reste quand on n’a plus rien.
Pourquoi cette armada ? y a-t-il un foyer de guérilla en gestation ? Les paysans de Chlihat font partie de l’armée secrète de libération nationale ? Des secteurs de la voie démocratique basiste ont recruté pour la guerre populaire prolongée ? Les trotskystes se sont rappelés le vieux adage maoïste de l’encerclement des villes par les campagnes à défaut de ne pas prendre la citadelle prolétaire de casa ? Le M20F a fondé une cellule insurrectionnelle préparant une manif des paysans de la région autour du sel mot d’ordre valable : « le peuple veut la chute du régime » ? rien de tout ça à moins qu’al nahj s’est dit qu’il fallait créer une section de l’amdh . Non ce n’est même pas sûr. A moins que ce soit le Polisario qui ait décidé de s’expatrier dans le nord, tirant le bilan de la nécessaire unité du peuple marocain et sahraoui contre le despotisme.
Je plaisante évidemment et pourtant…pourquoi un tel déploiement de forces ?
Pour deux raisons essentielles : montrer la fidélité du pouvoir aux intérêts du capitalisme international dans son œuvre de recolonisation économique et se préparer à la guerre civile qui vient en faisant de chaque conflit social un laboratoire des nouvelles techniques de la répression qui seront nécessaire pour mater la révolte des dépossédés et des exploités. Il oublie juste une chose : que même l’appareil de répression le plus sophistiqué, le plus impitoyable ne suffira pas quand tous les rivières deviendront des torrents, des torrents des fleuves et les fleuves un océan de révolte. Et quand il tombera chlihat et tout le Maroc n’appartiendront plus aux prédateurs quel qu’ils soient.
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http://badiltawri.wordpress.com/2012/06/29/chlihat-et-linsurrection-qui-vient-maroc/r le sujet :
https://www.mamfakinch.com/chlihate-un-village-marocain-rebelle-cadenasse-et-pille-par-les-forces-de-lordre/http://badiltawri.wordpress.com/2012/06/29/chlihat-et-linsurrection-qui-vient-maroc/r
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