Le coordinateur de la lutte antiterroriste au département d’Etat américain a rejeté les accusations du gouvernement marocain présentant le Front Polisario comme une organisation terroriste. Déjà confronté à la pression exercée par l’opinion publique internationale, Rabat doit aujourd’hui faire face aux critiques venant de l’intérieur même du royaume.
Par Tarek Hafid - Alger (Le Soir),20/11/2010
Le gouvernement marocain tente depuis quelques années de présenter le Front Polisario comme une organisation terroriste affiliée à Al- Qaïda. Une théorie relancée avec force suite à l’assaut donné par les forces de l’ordre contre les populations sahraouies installées au sein du camp de l’Indépendance.
Mais ces arguments ont été littéralement démentis par le coordinateur de la lutte antiterroriste au département d’Etat américain lors d’une conférence de presse animée mercredi dernier à Washington. «Nous n’avons aucune preuve, ni des raisons stratégiques pour soutenir les sous-entendus de Rabat pour justifier la violence et la répression à El-Ayoun, capitale occupée du Sahara occidental (…). Nous sommes toujours préoccupés par la possibilité d’extension des opérations d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), mais franchement je ne vois pas d’évolution dans ce domaine. Nous n'avons pas la preuve que cela puisse se passer», a déclaré l’ambassadeur spécial Daniel Benjamin en réponse à la question d’un journaliste espagnol sur la montée de la violence dans les territoires sahraouis occupés et une éventuelle relation avec le terrorisme.
La réponse est claire : la thèse marocaine faisant du Front Polisario un groupe terroriste est nulle est non avenue. En fait, cet acharnement est totalement illogique puisque le gouvernement marocain est engagé dans un processus de négociations avec le gouvernement sahraoui. Cela signifierait que le Maroc négocie avec une organisation terroriste en territoire américain (Manhasset) et sous l’égide de l’ONU ! Cette réaction dénote de l’incapacité du Makhzen à gérer la crise actuelle suite la vague de répression qui s’est abattue contre les populations civiles des territoires occupés.
Human Rights Watch, organisation non gouvernementale de protection des droits humains, a dénoncé mercredi les «tortures brutales » perpétrées par les forces de l’ordre marocaines. «Plusieurs Sahraouis arrêtés à El-Ayoun ont été torturés jusqu’à perdre conscience (…) nous parlons de cas graves de torture (…) nous étions obligés d’interviewer la majorité de ceux que nous avons visités dans leur maison, parce qu’ils ne peuvent pas bouger, ni marcher, pour cause de gravité des lésions», a déclaré Peter Bouckaert, l’envoyé spécial d’Human Rights Watch au Sahara occidental. «Les abus continuent actuellement», a insisté Peter Bouckaert
Rabat tente de dissimuler les atrocités que continuent de subir les populations civiles sahraouies en maintenant l’interdiction d’entrer dans les territoires occupés imposée aux nombreux journalistes occidentaux. Mais voilà, des voix discordantes commencent à s’élever à l’intérieur même de ces territoires. C’est le cas précisément de la députée du PPS (Parti du progrès et du socialisme) Guejmoula Bent Abbi. Ancienne membre de la direction du Front Polisario, passée au Maroc depuis une vingtaine d’années, elle multiplie les déclarations dans les médias occidentaux. Selon elle, «les forces de l’ordre marocaines pénètrent dans les maisons des familles sahraouies et arrêtent tous les hommes de plus de 12 ans». Mettant en doute toutes les versions imposées par le Makhzen, Guejmoula Bent Abbi assure qu’il existe un grand nombre de disparus.
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