«Le Maroc est la dernière colonie française» est un constat que fait l’ancien ministre marocain de l’Intérieur Driss Basri à Nicolas Beau, journaliste au Canard Enchaîné. Venant d’un aussi haut responsable marocain, l’un des plus avancés dans la hiérarchie du Makhzen et bien au-dessus de toute la hiérarchie de façade qui masque son vrai pouvoir, ces propos ne peuvent qu’exprimer une réalité dont l’auteur a vécu tous les aspects. L’acharnement de la France officielle, à renforcer l’isolement de la cause d’un peuple et à entraver toutes les initiatives internationales qui vont dans le sens d’un dénouement légale et de droit, ne peut obéir à la seule logique diplomatique.
Et si c’était le régime français qui pousserait le Makhzen dans l’aventure coloniale ? La question est d’une pertinence que ne démentent ni les faits, ni l’arrogance de Nicolas Sarkozy, de son ministre des affaires étrangères, de son gouvernement et d’une grande partie de la classe politique française, dans le dossier du Sahara Occidental. La dernière scélératesse est rapportée par le journal Le Monde, qui nous informe que c’est la France qui a bloqué «le dossier des droits de l’homme» et qui a refusé que «le Conseil de sécurité de l’ONU élargisse le mandat des casques bleus» de la MINURSO.
Faisant d’elle la seule mission au monde qui ne soit pas investie des prérogatives de protection des populations civiles. Bien avant cela, c’est encore la France officielle qui s’est mise à remettre en cause, dans l’enceinte onusienne, les résolutions votées pour l’autodétermination du peuple sahraoui, au profit de sa mise sous tutelle de l’un des derniers systèmes féodaux, à travers la cynique proposition du «plan d’autonomie élargie».
Ces derniers jours, les casques bleus chargés de la surveillance de l’application du cessez-le-feu ont assisté impassibles à une violente répression de l’armée alaouite contre des milliers de civils sahraouis sans défense à Lâayoune. La mission des nations unies n’a même pas pu considérer ce crime comme une violation de ce cessez-le-feu qu’elle est censée garantir. Epinglé, le régime français a osé cet argument que la résolution 1920 a introduit «un appel aux parties à appliquer leurs engagements internationaux s’agissant de la dimension humaine de ce conflit». Plus cynique, on peut rarement trouver mieux.
Dans le domaine, on peut faire confiance aux sbires de sa «majesté». l’AFP rapporte qu’un ancien officier supérieur de l’armée marocaine a été condamné à 12 ans de prison au Maroc pour “atteinte à la sécurité extérieure de l’État”, après un procès arbitraire en novembre 2008, pour avoir simplement adressé une lettre “respectueuse” à son roi afin d’obtenir une amélioration du sort des pilotes marocains libérés après avoir été captifs du Front Polisario lors du conflit armé du Sahara occidental. Il louait “l’héroïsme des pilotes concernés, soulignant notamment que les avions de combat marocains de l’époque (les F5) n’étaient pas équipés de dispositifs anti-missiles, ce qui est notoire. Le régime français est bien au courant de cette affaire, mais il ferme les yeux, il fait «confiance» à son protégé. Le Makhzen a reçu le message en clair. Il pouvait y aller, le parrain veille sur son impunité dans le saint des saints de la décision mondiale, l’autre partie est désarmée pour partie et ligotée par la légalité pour l’autre. Le ministère de Bernard Kouchner appuie le premier argument par le fait que le rapport annuel du secrétaire général de l’ONU sur le Sahara Occidental «ne comporte pas d’appel spécifique à un mécanisme international» en matière de droits de l’Homme.
A son tour, François Fillon, le premier ministre français, est sans équivoque quand il parle du royaume chérifien. Il est lapidaire et éloquent, comme le veut l’attitude ouvertement la politique marocaine de son chef : «le Maroc est aussi stratégique pour la France que la France est stratégique pour le Maroc. Nous ne pouvons pas vivre l’un sans l’autre et nous ne le voulons pas». Et encore, la relation entre les deux pays si «elle était à son meilleur niveau», « n’avait pas atteint son pic». On doit s’attendre à une montée en cadence.
Un cuisant échec a été enregistré avec l’impossibilité de faire inscrire le Maroc dans un processus d’intégration à l’Europe, quand ce «privilège» est refusé à la Turquie. A l’intérieur du royaume, les voix qui peuvent s’exprimer, les moins hostiles à la monarchie, s’inquiètent : «Cela fait 35 ans que le Maroc est saigné à blanc par le problème du Sahara. Des budgets énormes, qu’on pourrait utiliser ailleurs, sont alloués au soutien de cette région. Les denrées alimentaires essentielles y sont gratuites, ou presque, à tel point qu’elles remontent vers le nord pour y être vendues dans les villes du “Dakhil”».
Ou encore : «Cette politique du bâton et de la carotte instaurée par H2 ne marche plus. En fait, elle n’a jamais marché. Elle ne sert qu’à enrichir les notables sahraouis et les cadres du Polisario qui s’allient au Maroc… les Sahraouis du Maroc et ceux des camps (comme tous les autres marocains d’ailleurs) ont surtout besoin de démocratie et de libertés (individuelles, d’expression, etc.)». C’est ce qu’on peut lire en dehors d’une presse sous contrôle. Sur le plan économique, les investissements français représentent près de 50% des investissements directs étrangers à destination du Maroc qui est la première destination de ces investissements en Afrique et au Moyen-Orient. Comble de l’hypocrisie, l’Union Pour la Méditerranée (UPM), projet perclus de tares à sa naissance et initié par Sarkozy, a pour ambition de «transformer l’espace méditerranéen en région de «paix et de prospérité», sur les cadavres des Palestiniens, des Libanais et, on le sait mieux depuis peu, des Sahraouis. Sur l’autel d’une ambition qui veut que s’aménage une profondeur stratégique en Afrique et un espace méditerranéen assujetti aux appétits du capital français et de ses alliés.
Avec cette cécité politique qui empêche de voir, donc de comprendre, qu’aucun pouvoir du sud de la Méditerranée, hormis sûrement Israël et le Maroc, ne peut oser s’engager dans une telle ignominie et sous le patronage d’une personnalité aussi inepte.
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