Ainsi, les bombes pleurent à nouveau sur Gaza.
Tsahal s'est remise au travail. L'aviation, la marine, l'infanterie de
l'un des Etats militairement les plus puissants au monde, s'allient pour
liquider le peuple de Gaza.
Comme dans un jeu de massacre, on enferme
des êtres humains dans une boîte et on tire au hasard. Oh, bien sûr, tes
chefs prétendent viser les combattants, "les terroristes", comme ils
les appellent. Et ils finissent par en tuer un ou deux pour quelques
dizaines de femmes et d'enfants morts avec eux. C'est ce que tes chefs
nomment des dommages collatéraux. Ils tuent des innocents, le
regrettent, promettent qu'ils vont enquêter et finissent par nous dire
qu'il n'y a pas de guerre propre et que seule la victoire finale compte.
Les terroristes sont morts. Ton Etat est sauf.
La vie peut reprendre
son cours. Tu retourneras faire tes courses au supermarché du coin de ta
rue, faire ton jogging sur la plage, tu iras rejoindre tes amis en
discothèque, défiler à la Gay Pride, tu retourneras étudier, bâtir ton
avenir. Tu retourneras oublier. Oublier que de l'autre côté du terminal
d'Erez, sont parqués des hommes, des femmes et des enfants auxquels ton
Etat a ôté leur avenir et tout espoir en l'humanité.
On t'a appris
à les haïr, à ne voir en eux que des sauvages qui veulent te tuer,
violer tes femmes et jeter tes enfants à la mer. Depuis que tu es né, on
t'a appris qu'ils n'ont rien à faire sur cette terre, la terre de tes
ancêtres sur laquelle tu es le seul à avoir un droit légitime et
historique. On t'a appris à oublier leur histoire, à glorifier, inventer
et mythifier la tienne. On t'a appris qu'un bon arabe est un arabe
mort. On t'a appris à coloniser, à humilier, à ignorer, à te mentir à
toi-même, à combattre, à avoir peur. Comment pourrais-tu les aimer alors
qu'on ne t'a appris que la haine ?
Tu
trouves de l'amour parmi les tiens, ta communauté, ceux qui ont le même
sang que toi, récitent les mêmes prières, ont le même complexe de
supériorité et la même faculté à nier l'existence de l'Autre. Avec eux,
tu vas dans les meilleures écoles, tu fais l'armée, tu voyages, tu
travailles, tu vis, tu meurs. C'est ce que ton Etat a de mieux à
t'offrir. Les valeurs universelles héritées des Lumières telles que la
fraternité avec son prochain, l'acceptation des différences, la
tolérance, attendront des temps meilleurs... Ton avenir est tout tracé.
Tu es né sur cette terre, tu mourras sur cette terre. Le reste importe
peu. Tu peux être en guerre contre tous tes voisins, tu peux déclencher
la haine des justes du monde entier, ce n'est pas grave. L'humanité a
tort et toi tu as raison.
Tes dirigeants réclament avec force la
reconnaissance de ton Etat comme Etat juif, au mépris de la diversité
culturelle et religieuse qui le compose. Et cet Etat juif tient debout.
Il est en sécurité derrière ses frontières, son mur de béton. Il
continue à prier ses prophètes pour que ça dure toujours. Il continue à
éduquer ses enfants comme il l'entend. Il continue à être au dessus des
lois internationales, à faire ce qu'il veut quand il le décide. Il
continue à s'imposer au monde lâche, à mépriser les instances
internationales, les chefs d'états, les peuples. Ton Etat juif a oublié
la morale. Mais ce n'est pas grave, il survit. Et, après tout, que vient
faire la morale dans l'histoire que cet Etat-là est en train d'écrire ?
Peuple
d'Israël, j'aimerais essayer de te convaincre que tu te trompes, passer
des heures, des jours, une vie à cela, s'il le faut. J'aimerais te dire
que je suis allé à Gaza et que le cœur de ses habitants n'est pas plein
de haine. Il est plein de vie et il bat aussi vite et aussi fort que le
tien. J'aimerais pouvoir te prouver qu'il n'existe aucune mère
palestinienne heureuse de voir son enfant mourir en martyr. Que la vie
palestinienne a la même valeur que la tienne. Et c'est cette vie que ton
armée assassine en ton nom.
Peuple d'Israël, j'aimerais te dire qu'on te ment.
Depuis
que tu es né, ton gouvernement te ment en te faisant croire que tu peux
vivre en sécurité, entouré d'ennemis. Tes médias te mentent en te
faisant croire que tu peux acheter la paix sans contrepartie. Tes
manuels scolaires te mentent en te disant que cette terre était vide
avant l'arrivée de tes ancêtres, que l'identité palestinienne a été
inventée. J'aimerais te dire que tu n'auras jamais la paix en continuant
à coloniser, à bombarder, à occuper. J'aimerais te dire que tu n'es
plus une victime depuis longtemps, que tu es devenu le bourreau et que
le monde commence à te haïr à nouveau pour cela. J'aimerais te dire que
tu es en train de creuser ta tombe. J'aimerais te dire que tu te meurs
lentement, en perdant tout ton humanisme.
Tu penses que tu as des
amis. Tu n'as pas d'amis, tu n'as que des soutiens. De vrais amis
auraient osé te dire tes vérités. Et ces soutiens, quand ils n'auront
plus besoin de toi, qu'ils cesseront de croire que tu es ce rempart du
monde libre contre la barbarie, quand leurs intérêts seront ailleurs,
arrêteront de te soutenir et tu seras seul face à tes crimes.
Tu
penses que tu réussiras à te débarrasser des Palestiniens en les
parquant dans des Bantoustans, mais tu te trompes. Ils te hanteront,
hanteront tes enfants et tes petits-enfants tant que justice ne leur
sera pas rendue. Une chaine de solidarité s'est créée à travers le
monde, qui a compris depuis longtemps ton besoin légitime de vivre en
sécurité, mais qui n'accepte plus que tu commettes des crimes
aveuglément pour y parvenir, que pour un enfant juif tué, trois cent
Palestiniens soient assassinés par ton armée.
Ton histoire
récente te protège mais cela ne durera pas éternellement. Tu te crois
meilleur que tes voisins car tu as édicté les règles d'une pseudo
démocratie, taillée sur mesure ? Dans le cœur des justes, sache-le, tu
es déjà au ban des nations.
Beaucoup de civilisations ont disparu
car elles n'ont pas su se regarder. Fort heureusement, il existe parmi
les tiens des femmes et des hommes justes, pleins de courage pour crier
l'injustice et refuser que ces crimes soient commis en leur nom.
Entends-les.
Il est temps que tu arrêtes de croire aux histoires
qu'on t'invente, temps que tu arrêtes de penser que c'est le diable qui
gouverne le cœur des Palestiniens. Temps que tu te poses cette question :
si l'on pratiquait sur toi de telles punitions collectives, un tel
nettoyage ethnique, tu ferais quoi ? Tu voterais pour qui ? Arrête de
chercher des justifications à tes actes, il n'y en n'a plus.
Alors,
peuple d'Israël, lève-toi ! Combats la haine qu'ils ont insufflée dans
ton cœur, combats le mensonge, combats la folie qui s'est emparée de tes
dirigeants, combats tes peurs, combats le monstre qui est entré en toi.
Et n'oublie jamais ; le vrai courage n'est pas d'aller en guerre tuer
des innocents. Le vrai courage est de faire taire les armes et de signer
une paix juste.