LUTTER AU SAHARA
Du colonialisme vers
l’Indépendance du Sahara Occidental
Présenté par Marie-Jo Fressard, Solidmar, 24/5/2015
Je viens de finir de lire « Lutter au
Sahara ».
En le posant j’ai eu l’impression
d’avoir été battue. Je suis restée longtemps assise, sonnée, incapable de
penser à autre chose. Pourtant cette situation je la connais, à force d’en
publier jour après jour des articles sur
le blog solidmar.
Les 15 textes du livre, tous
remarquables et bien documentés, rendent encore plus présentes les souffrances
d’un peuple, les injustices inhumaines
qui lui sont infligées et surtout la
présentation honteusement mensongère qui en est faite. L’arrogante justification du roi pour parler de
« son » Sahara à la communauté internationale est insupportable. Pour
pouvoir piller, sans gêne aucune, les richesses de la terre et de la mer de ce
peuple. Et les vendre. Du vol !
Cette lecture nous fait
découvrir la noblesse de ce peuple
digne, cultivé, qui a le taux d’alphabétisation parmi les plus brillants
d’Afrique du Nord (et méprisé par le Maroc qui peine lourdement à dépasser les
50% !), pour qui l’égalité femmes/hommes n’est pas un effet d’annonce mais
une réalité vécue, ce peuple qui malgré les interminables années d’oppression
reste fidèle à son idéal de pacifisme.
Il faut lire ce livre. Les
différents textes sont indépendants les uns des autres, mais se complètent
parfaitement. Il est cependant important de commencer par la lecture des deux
premiers chapitres, de Denis Véricel
et Eduardo Galeano, qui plantent le décor.
Pour connaître les qualifications des auteurs,
se reporter à la page 273.
Au début de la lecture des quatre
textes sur la géopolitique du conflit,
Francesco Bastagli donne des
informations sur son passage à la MINURSO, ambiance glaciale, poids de la
surveillance marocaine et mol acharnement pour aboutir véritablement à
une solution pacifique par un référendum d’autodétermination.
Anna Théofilopoulou voit le Plan de Paix de James Backer sombrer.
Christopher Ross organise des rencontres Maroc-Polisario qui se déroulent
« dans une atmosphère d’engagement sérieux, de franchise et de respect
mutuel », ce qui sera déclaré année après année sans qu’il n’y ait aucune
avancée. De même pour les résolutions de l’ONU, qui n’aboutissent à aucun
résultat.
Lire l’article d’Olivier Quarante « Le rôle de la
France » qui voit dans l’amitié des deux pays une solidarité de pays
colonisateurs. La France oublie qu’elle est parfois encore qualifiée pays
des droits de l’Homme, son soutien au Maroc est indéfectible, même dans les
violations des droits de l’Homme les plus ignobles.
Pour Bill Fletcher Jr le conflit sahraoui est peu connu aux Etats-Unis,
qui, pourtant pourraient avoir le poids pour que cesse ce conflit.
Trois articles très intéressants
expliquent Le Maroc face au Sahara
Occidental.
Le spécialiste du Sahara
Occidental Jacob Mundy explique l’importance des colons envoyés au SO pour
gonfler le nombre potentiel d’électeurs en cas de référendum, et pour prêter
main forte aux forces de police du colonisateur. 100 000 Marocains sont ainsi
venus s’installer, attirés par de multiples avantages promis, une invasion appelée « seconde marche
verte ». Fixer le nombre de votants, natifs, faux natifs, colons… entre
bonne et mauvaise volonté, est une affaire très compliquée, et coute très cher
au Maroc, au détriment de ses nombreuses
régions délaissées.
Vincent Chapaux raconte comment se fabrique l’opinion publique à
coup de pseudo preuves historiques, en décidant que les Sahraouis souhaitent
être Marocains (quitte à les payer grassement pour renforcer leur amour de la
« patrie »), et prétend que l’opinion internationale souhaite la
solution marocaine, une « autonomie » qui ne serait que la poursuite
de la colonisation.
Ayad Ahram raconte « l’affaire » suscitée par un
pointillé sur une carte entre Maroc et Sahara Occidental, il y a une dizaine
d’années. Ancien président de l’Asdhom il a créé la Campagne de Parrainage de
prisonniers politiques marocains et sahraouis incarcérés au Maroc, dont le
nombre ne cesse d’augmenter.
Le chapitre suivant : Le Droit- Les ressources naturelles est
le nœud du problème sahraoui ! Sans ces richesses le roi du Maroc ne s’intéresserait certainement pas à cette
partie de son « cher peuple ».
Juan
Soroeta compare le conflit du Sahara Occidental à celui de la Palestine en
droit international.
Jeffrey Smith et Erik Hagen
décortiquent le rôle joué par ces fabuleuses richesses dans l’occupation de ce
pays au sud du Maroc, dont ne profite pas le peuple occupé qui refuse le
pillage : les phosphates de Boucraa et les ressources halieutiques au
large de leur terre. Mais « Le
poisson passe avant la paix », n’est-ce pas ?
Regards anthropologiques
Alice Wilson analyse le système d’élection très atypique dans le
camp de réfugiés.
L’anthropologue Tara Deubel démontre de manière
passionnante la vie coupée en deux des étudiants sahraouis : étudiants en
ville marocaine, reconnaissables à leurs tenues traditionnelles, la melhafa
pour les femmes, la der’aa pour les hommes, parfois discriminés, nostalgiques
de leur désert de l’autre côté du mur. Retourner chez eux, dans l’immensité du
désert est pour eux un vrai bonheur, le temps que durent les vacances. S’y
ajoutent quelques pages sur leur prise de conscience politique très précoce, en
raison du spectacle quotidien de la répression : tabassage, maisons
envahies et vandalisées…
L’anthropologue Sébastien Boulay nous apprend beaucoup sur la culture et la
poésie au Sahara Occidental. C’est souvent la vie quotidienne difficile et
malmenée et la situation politique qui inspirent les poètes.
En
guise de conclusion, Mohamed Mouloud Mohamed Fadel, Ministre
de la Jeunesse et des Sports, écrit un texte magnifique sur son souci pour la
jeunesse qui, en raison des conditions
difficiles et de l’absence totale de moyens ne peut accéder à une formation
« normale », jeunesse qui commence à perdre patience en pensant à la guerre.
Mais les Sahraouis se doivent de respecter le cessez-le-feu signé il y a 20
ans…
Comment, écrit le ministre, comprendre le
Maroc qui occupe leur terre et ne respecte pas le droit international ? Comment
comprendre l’ONU qui défend les droits de l’Homme partout et accepte que le
Maroc les viole ? C’est par une sorte cri désespéré qu’il se demande ce
que le peuple sahraoui pourrait faire pour trouver sa liberté. S’il existe un
moyen, le peuple est prêt à l’utiliser.