Compte rendu
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Sans surprise, Zakaria Moumni est le premier à sonner
l’alarme. L’ancien champion de boxe, qui a été incarcéré et dit avoir
été torturé au Maroc, s’inquiète de l’impact d’un récent accord de
coopération judiciaire signé par la France et son pays d’origine. Le
compromis est censé permettre le retour au beau fixe des relations
diplomatiques entre Paris et Rabat, après un an de brouille déclenchée
par la demande d’audition par une juge d’instruction française du chef
des services de renseignement marocains, Abdellatif Hammouchi, à Paris
en février 2014.
A l’origine de ce « crime de lèse-majesté
diplomatique », trois plaintes de Marocains exilés en France, dont
Zakaria Moumni.Le nouveau dispositif, mis au point le 31 janvier
par les ministres de la justice des deux pays, prévoit que les plaintes
déposées en France seront désormais prioritairement renvoyées vers Rabat
ou clôturées, ce que dénoncent Zakaria Moumni et plusieurs
organisations de défense de droits de l’homme dont Amnesty
International, la Fédération internationale des ligues des droits de
l’homme (FIDH), la Ligue des droits de l’homme (LDH), l’Action des
chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) et Human Rights Watch.
« Moi, j’ai de la chance, j’ai pu saisir la justice française avant [cet accord], commentait l’ancien champion du monde, mardi 19 mai, lors d’une conférence de presse organisée par Amnesty International. A l’avenir, on pourrait ne plus avoir une enquête comme celle à laquelle j’ai eu droit ». Le nouveau dispositif, présenté à l’Assemblée nationale le 15 avril, devrait être adopté à une date encore incertaine. Avant le vote des députés français, la Commission nationale consultative des droits de l’homme doit rendre son avis jeudi 21 mai sur le texte de loi.
Pour l’ambassadeur du Maroc en France, Chakib Benmoussa, « il s’agit d’une coopération d’égal à égal de deux justices, qui doivent, toutes les deux, respecter les obligations des traités internationaux signés. Il n’y a pas de raison qu’un pays ait un droit de regard sur la justice de l’autre. » Une argumentation qui fait fi de la compétence universelle.
Les craintes des ONG sont d’autant plus vives qu’elles constatent que les actes de torture restent encore largement impunis au Maroc, en dépit des progrès constatés depuis les « années de plomb » – des années 1960 aux années 1980 – sous le règne d’Hassan II. Dans un rapport présenté mardi 19 mai, Amnesty International pointe la pratique encore courante de la torture et des mauvais traitements dans l’ensemble du royaume, même depuis l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI. Amnesty a examiné 173 cas de torture et autres mauvais traitements, ayant eu lieu entre 2010 et 2014 dans différentes régions du pays et contre tous types de personnes : militants politiques, étudiants de gauche ou islamistes, partisans de l’autodétermination au Sahara occidental, personnes soupçonnées de terrorisme et même suspects de droit commun.
L’organisation de défense des droits de l’homme souligne que les autorités enquêtent rarement lorsque des cas de torture sont signalés, favorisant ainsi une culture de l’impunité Pire, de plus en plus fréquemment, la justice marocaine poursuit les plaignants pour « fausse dénonciation » ou « dénonciation calomnieuse ».
Cette situation avait incité Zakaria Moumni à s’en remettre aux autorités judiciaires françaises, après dix-huit mois passés dans les prisons marocaines, suite à son arrestation en 2010. Condamné officiellement pour escroquerie, il considère avoir été poursuivi pour « pour atteinte à la sacralité » du roi, après avoir manifesté devant une de ses résidences en France. « J’ai été électrocuté, suspendu la tête en bas, tabassé à l’aide de barres en fer et de câbles, on m’empêchait de dormir, on me privait de nourriture », raconte-t-il à propos de son passage par le centre d’interrogatoires de Témara, connu pour être l’un des pires du royaume. Le 27 mars, au terme de son enquête préliminaire, le parquet de Paris a envoyé aux autorités judiciaires marocaines une « dénonciation officielle aux fins de poursuites » sur les faits allégués par M. Moumni, ce qui revient à demander à Rabat d’ouvrir une procédure judiciaire. « Cette décision est un signal d’alarme, elle est sortie au bon moment », commente Zakaria Moumni, pour qui le futur dispositif ne permettra plus ce genre d’initiative.
« Moi, j’ai de la chance, j’ai pu saisir la justice française avant [cet accord], commentait l’ancien champion du monde, mardi 19 mai, lors d’une conférence de presse organisée par Amnesty International. A l’avenir, on pourrait ne plus avoir une enquête comme celle à laquelle j’ai eu droit ». Le nouveau dispositif, présenté à l’Assemblée nationale le 15 avril, devrait être adopté à une date encore incertaine. Avant le vote des députés français, la Commission nationale consultative des droits de l’homme doit rendre son avis jeudi 21 mai sur le texte de loi.
Un accord judiciaire contesté
Le Syndicat de la magistrature (classé à gauche) a dénoncé « l’abandon des intérêts des victimes à la raison d’État d’un pays “ami de la France” ». « La France est en train de tuer le principe de compétence universelle, comme les Etats-Unis l’avaient fait avec les accords bilatéraux d’immunité », s’insurge Aymeric Elluin, directeur de la campagne « Armement et impunité » d’Amnesty International. Il redoute que ce texte « particulièrement mal écrit, et sujet à interprétation », permette que les affaires politiquement sensibles soient enterrées par le royaume.Pour l’ambassadeur du Maroc en France, Chakib Benmoussa, « il s’agit d’une coopération d’égal à égal de deux justices, qui doivent, toutes les deux, respecter les obligations des traités internationaux signés. Il n’y a pas de raison qu’un pays ait un droit de regard sur la justice de l’autre. » Une argumentation qui fait fi de la compétence universelle.
Les craintes des ONG sont d’autant plus vives qu’elles constatent que les actes de torture restent encore largement impunis au Maroc, en dépit des progrès constatés depuis les « années de plomb » – des années 1960 aux années 1980 – sous le règne d’Hassan II. Dans un rapport présenté mardi 19 mai, Amnesty International pointe la pratique encore courante de la torture et des mauvais traitements dans l’ensemble du royaume, même depuis l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI. Amnesty a examiné 173 cas de torture et autres mauvais traitements, ayant eu lieu entre 2010 et 2014 dans différentes régions du pays et contre tous types de personnes : militants politiques, étudiants de gauche ou islamistes, partisans de l’autodétermination au Sahara occidental, personnes soupçonnées de terrorisme et même suspects de droit commun.
La culture de l’impunité
« Le Maroc a signé beaucoup de traités, il a fait des progrès. On sent que le basculement est engagé, mais qu’il a besoin d’un coup de pouce », explique Agathe Battistoni, chargée de la campagne pour Amnesty France. Dans une réponse préliminaire au rapport, le royaume s’étonnait d’avoir été désigné parmi les cinq pays – avec l’Ouzbékistan, le Nigeria, les Philippines et le Mexique – sur lesquels l’ONG se concentre dans sa campagne contre la torture. « Le Maroc n’est pas contre un regard extérieur, ajoute Chakib Benmoussa, cela peut être constructif, mais dans ce cas, le rapport est à charge et nie les efforts des dernières années et les projets en cours ». Le diplomate marocain critique les méthodes « manquant de recul » d’Amnesty.L’organisation de défense des droits de l’homme souligne que les autorités enquêtent rarement lorsque des cas de torture sont signalés, favorisant ainsi une culture de l’impunité Pire, de plus en plus fréquemment, la justice marocaine poursuit les plaignants pour « fausse dénonciation » ou « dénonciation calomnieuse ».
Cette situation avait incité Zakaria Moumni à s’en remettre aux autorités judiciaires françaises, après dix-huit mois passés dans les prisons marocaines, suite à son arrestation en 2010. Condamné officiellement pour escroquerie, il considère avoir été poursuivi pour « pour atteinte à la sacralité » du roi, après avoir manifesté devant une de ses résidences en France. « J’ai été électrocuté, suspendu la tête en bas, tabassé à l’aide de barres en fer et de câbles, on m’empêchait de dormir, on me privait de nourriture », raconte-t-il à propos de son passage par le centre d’interrogatoires de Témara, connu pour être l’un des pires du royaume. Le 27 mars, au terme de son enquête préliminaire, le parquet de Paris a envoyé aux autorités judiciaires marocaines une « dénonciation officielle aux fins de poursuites » sur les faits allégués par M. Moumni, ce qui revient à demander à Rabat d’ouvrir une procédure judiciaire. « Cette décision est un signal d’alarme, elle est sortie au bon moment », commente Zakaria Moumni, pour qui le futur dispositif ne permettra plus ce genre d’initiative.
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