- Écrit par Salah Elayoubi, 7/8/2013
L'excès de tyrannie finit toujours par tuer la tyrannie ! Celle de
Mohammed VI n'échappe pas à ce postulat implacable. Son refus d'amender
le régime, son affairisme coupable, son accaparement de tous les
pouvoirs, son obstination à s'entourer de prédateurs, de tortionnaires
et d'incompétents, son refus de se séparer des corrompus qui
l'entourent, lui font dire à qui veut bien y croire, qu'il exerce une
monarchie exécutive, alors qu'il se trouve tout simplement à la tête
d'une dictature.
Salah Elayoubi
L'affaire
de la grâce le démontre clairement. A concentrer tous les pouvoirs, le
despote finit par n'en maitriser aucun et n'est, dès lors, plus à l'abri
du moindre faux-pas, de la moindre erreur ou peau de banane de son
entourage.
Déjà en 2000, Talsint
Personne n'a oublié l'image du roi, flanqué de tout ce que comptait
le pays comme courtisanerie, accourant à Talsint, parce que quelques
incompétents lui avaient fait miroiter le mirage d'un gisement de
pétrole. Un rêve inassouvi d'accrocher enfin à côté de son titre de «
Phosphato-monarque » celui tant convoité de « Pétro-monarque ».
«
Jusqu'à deux (2) milliards de barils, l'équivalent de 35 ans de la
consommation pétrolière du pays ! », péroraient les crieurs patentés,
dans les colonnes des quotidiens et aux micros des radios et
télévisions. En ce mois d'août 2000, Mohammed VI avait manqué une
première occasion d'écouter autre chose que les voix des sirènes qui lui
contaient fleurette, au lieu de se fier à celles des véritables
patriotes, comme Abraham Serfaty. A voir le roi tomber ainsi dans le
panneau, tous s'étaient mis à y croire, au point que le journal « Al
Ittihad » « éditorialisait », bien que désabusé :
« La nouvelle de la
découverte de pétrole et de gaz nous réjouit : elle va nous fournir
l'énergie de l'espoir et de l'optimisme. Cependant, ne nous berçons pas
d'illusions : les nombreuses richesses dont Dieu a gratifié ce peuple
ont été accaparées par une meute de prédateurs. Les Marocains ont-ils
jamais profité des carrières de sable, des ressources halieutiques, des
terres arables, des vastes plages et des forêts ? »
Le misérable fin de partie, en forme de pschitt, n'aura pas dissuadé,
loin s'en faut, le monarque de prêter l'oreille aux incompétents
notoires qui l'entourent, puisque quelques mois plus tard, le 11 juillet
2002, il récidivait avec la misérable opération de l'îlot Persil.
Une déculottée pour un îlot battu des vents
Au mépris des conseils de prudence de quelques uns, le pays
s'engageait dans une aventure qui aurait pu coûter au roi, rien moins
que son trône. En cause, un îlot perdu en Méditerranée, battu de tous
les vents et dont personne ne conteste la marocanité. Quelques troufions le prirent d'assaut, au mépris de la prudence la plus
élémentaire, pour d'obscures raisons aventuristes, que seul le palais
connaît. La réponse de l'Espagne ne s'est pas fait attendre.
Elle fut cinglante et eut lieu le 18 juillet, sous la forme d'une
offensive militaire en bonne et due forme, avec intervention, de pas
moins de vingt-huit (28) unités de commandos d'élites, héliportées par
six (6) appareils, avec appui tactique de la marine de guerre et de
l'aviation. Un joli prétexte à des manœuvres espagnoles, grandeur
réelle, aux frais du Maroc.
Mais, c'est moins la déculottée humiliante, infligée au régime
marocain, qui aura retenu l'attention du monde, que le silence
assourdissant du roi, l'ignorance crasse et le mépris souverain en
lesquels furent tenus le Premier Ministre marocain Abderrahmane
Youssoufi et son gouvernement d'alors. Tout le temps que les entretiens
ont duré, avant ce nouvel épisode de la « Reconquista » espagnole, notre
pays a fait la démonstration de l'indigence de sa diplomatie et de
l'amateurisme de ses dirigeants.
Les extraits de conversation entre
les rares officiels marocains qui ont osé prendre au téléphone les
représentants espagnols, sont accablants. C'est Ignacio Cembrero, qui
nous les raconte, quelques mois, après les événements :
José María
Aznar : « Ce que vous avez fait est un coup de force intolérable.
J'exige une explication et le retrait de vos forces ! »
Abderrahmane
Youssoufi : « J'ignore de quoi tu parles. Le gouvernement n'a rien
ordonné. Le fait, je le connais au même titre que toi, mais je n'ai pas
plus d'explications à te donner. »
José María Aznar : « L'affaire est
grave, et elle l'est d'autant plus, que vous êtes incapables de réagir.
J'exige, d'ici demain, une explication et une rectification. Si vous le
faites, nous oublierons l'incident. »
Dans des déclarations
ultérieures, Aznar, sarcastique, avouera à Cembrero, attendre, deux ans
plus tard, le coup de téléphone promis par Youssoufi.
Et comme à chaque fois qu'une dictature est prise en défaut, ou la
main dans le sac, ses thuriféraires ont recours au mensonge, comme lors
de cet échange édifiant, entre Mohamed Benaïssa, Ministre des affaires
étrangères et son homologue espagnol, Ana Palacio, lorsqu' après
plusieurs tentatives infructueuses, celle-ci réussit enfin, à
s'entretenir avec ce dernier :
Mohamed Benaissa: « Les autorités
marocaines poursuivent des terroristes islamistes dans le détroit de
Gibraltar, tout comme les Etats-Unis le font avec l'opération « Liberté
Durable », en Afghanistan ! »
Ana Palacio qui a d'ores et déjà perdu
tout respect pour son interlocuteur : « Ne me répétez plus jamais, ce
que vous venez de me dire. Dites-moi des choses sérieuses. Si quelque
chose de grave se passe à Perejil, dites-le nous, nous nous en
chargerons ! »
Encore une affaire qui se dégonfle et qui éclabousse le Chef de
l'Etat, d'un camouflet supplémentaire et le pays, d'une humiliation dont
il se serait bien passé.
Aminatou Haidar, cette héroïne malgré elle
Je ne résiste pas, non plus, à l'envie de rappeler ce que fut
l'affaire Aminatou Haidar, cette activiste sahraouie, décorée du « Prix
du Courage civique » par la Train Fundation et que les sécuritaires ont
poursuivi de leur assiduités, au point d'en faire l'héroïne des
indépendantistes sahraouis.
Le 13 novembre 2009, alors qu'elle revient de New York, après y avoir
reçu son prix, l'intéressée déclare sur sa fiche de police, résider au
Sahara occidental et évite d'indiquer sa nationalité, dans la case
réservée à cet effet. Interpellation, brutalités policières, garde à
vue, audition par un procureur et expulsion du territoire vers
Lanzarote, aux Îles Canaries, au motif que l'activiste aurait déchiré
son passeport marocain et renoncé de son propre chef à sa nationalité.
Purs mensonges. Hassan II avait eu recours au même subterfuge, pour se
débarrasser d'Abraham Serfaty. Libéré sous la pression internationale,
après dix-sept ans passés dans les geôles du régime, le Mandela marocain
avait été expulsé du Maroc, au prétexte qu'il était de nationalité
brésilienne.
A l'aéroport de Lanzarote, où elle entame une grève de
la faim, Aminatou Haidar s'est glissée bien malgré elle, dans la carrure
d'héroïne que lui ont confectionnée, les persécutions imbéciles des
sécuritaires. Un mois plus tard, le 18 décembre 2009, sous la pression
internationale et le lâchage de ses plus inconditionnels alliés, dont
les Etats-Unis et la France, le Maroc fait une pitoyable marche arrière,
après avoir épuisé son catalogue d'affabulations et de manœuvres
dilatoires. Et la militante sahraouie de regagner le plus simplement du
monde, son domicile de Laâyoune, auréolée d'une bravoure bien
involontaire.
On aurait également pu évoquer, ici et maintenant, tant d'affaires
qui ont jeté l'opprobre et la honte sur le pays, comme la torture à
compte d'auteur, pratiquée à l'encontre de nos semblables, acheminés par
les avions cargo, depuis l'Afghanistan, tel du bétail livré, pieds et
poings liés, aux soins criminels de bouchers qui ne partagent plus rien
avec le genre humain. Le roi pouvait-il ignorer les abominations que ces
janissaires commettaient impunément, sur notre sol, au nom de la lutte
contre le terrorisme ?
La comptine éculée du bon roi
« Les peuples qui ignorent leur histoire se condamnent à la revivre !
», disait Churchill. Autant se l'avouer, notre pays se trouve bien dans
la situation de celui qui s'obstine à ignorer son histoire et qui la
visite encore et encore, au gré d'insupportables recommencements.
L'espace d'un instant fugace, nous avions espéré la fin de nos
tourments, à la mort d'Hassan II. On se prendrait presque à regretter le
défunt tyran, tant le Maroc semble naviguer à vue, d'improvisations en
errements, de mensonges en travestissements de la réalité et d'exactions
en forfaitures.
La prédation économique s'est accélérée, les prédateurs se sont
multipliés. La corruption s'est généralisée à toutes les couches
sociales et à toutes les professions. La magouille politique a atteint
des sommets et le Maroc visite le fonds du classement de tous les
indices. Autant de crimes et point de châtiments, parce que nous
continuons de nous taire, d'un silence complice. Nous persistons à nous
voiler la face, et à nous bercer de vieilles comptines éculées où il est
question du bon roi et du vilain entourage.
Comme dans cette malheureuse affaire de grâce, l'Etat marocain a fait
la démonstration de ses limites, et n'a désormais, plus rien d'autre à
offrir que des coups de matraques, à ses détracteurs et des boucs
émissaires, à la colère populaire légitime.
A de rares exceptions
près, la classe politique, toutes tendances confondues, s'est
claquemurée dans le silence du lâche quand elle n'a pas tout simplement,
pris fait et cause, pour la grâce, sans aucune considération pour les
victimes et leur famille. Des comportements indignes qui confortent le
tyran dans sa tyrannie et l'incitent à persévérer dans son aveuglement.
Pourtant, hormis la répression policière, le limogeage des seconds
couteaux ou encore l'emprisonnement des démocrates et la prédation
économique, il y aurait tant à faire et qui, à défaut d'être entrepris,
éloigne d'autant le Maroc du concert des véritables démocraties.
Il y aurait également tant de ces gestes à accomplir qui grandissent
toujours, ceux qui les accomplissent. A commencer par le premier d'entre
eux, celui de demander pardon, pour toutes les exactions, les crimes ou
les erreurs du passé !