- Écrit par Ahmed Benseddik, 5/8/2013
La première réaction officielle du cabinet royal au scandale de
DanielGate mérite qu'on s'arrête un instant sur le vocabulaire utilisé.
En effet, le premier communiqué du Cabinet royal diffusé samedi soir annonce que : "pour toutes ces considérations, Sa Majesté le Roi a décidé, dès qu'il
a été informé des éléments du dossier, qu'une enquête approfondie soit
diligentée en vue de déterminer les responsabilités et les points de
défaillance qui ont pu mener à cette regrettable libération".
Arrêtons-nous un instant sur la préposition « dès que » qui signifie : tout de suite après et sans attendre. Il y a une notion de célérité.
Nous avons deux hypothèses possibles :
1- l'hypothèse A : le Cabinet royal est de bonne foi dans son utilisation de l'expression "dès que".
2- l'hypothèse B : le Cabinet royal est de mauvaise foi lorsqu'il utilise cette expression.
Dans le premier cas, c'est-à-dire, dans l'hypothèse de la bonne foi, il existe encore deux situations possibles :
1.2. Soit le roi n'a été informé des éléments du
dossier que l'après midi du samedi 3 août où il a rapidement pris la
décision de diligenter une enquête, de sorte que le communiqué a dû être
diffusé dans la foulée et annoncé par la MAP et la télévision
officielle le soir vers 22H00. Cela signifierait que le roi n'a pas
demandé à être informé tout au long des quatre jours précédents –
mercredi, jeudi, vendredi, samedi- malgré le tollé médiatique national
et international et en dépit des manifestations et de la répression
féroce par les forces de l'ordre. Cela voudrait dire aussi que le roi du
Maroc n'est pas au courant de la réaction du Palais royal espagnol qui
remonte à jeudi matin. Est-ce concevable ? Que font les services
diplomatiques Marocains et le staff du cabinet royal alors ? Pourquoi
n'ont-ils pas informé le roi, premier concerné, de ces développements
graves ? Est-ce de l'incompétence ? Ce scénario parait surréaliste ou du
moins très peu probable mais fortement condamnable si les choses se
sont produites ainsi.
Selon les termes du communiqué, le roi a pris
une décision dès qu'il a pris connaissance de l'affaire...Pourquoi
a-t-il attendu tout ce temps avant de demander les éléments d'une
affaire largement relayée par l'ensemble des médias ?
1.2. Soit que le roi n'a pas attendu quatre jours et
a rapidement été mis au courant, - par exemple jeudi ou même vendredi-
ce qui est le plus plausible. Mais si nous croyons à la sincérité du "dès que",
cela veut dire que le roi a demandé de diligenter une enquête
immédiatement et sans attendre. Dans ce cas, une grande question se pose
: pourquoi le Cabinet royal a-t-il omis de communiquer tout de suite
ces décisions à l'opinion publique et surtout au ministre de la Justice
qui, de son côté, a publié vendredi un communiqué qui contredit
complètement les termes du communiqué royal. Il va plus loin en évoquant
les intérêts supérieurs de la nation pour justifier la grâce royale
accordée au pédophile Espagnol. Ces contradictions réfutent la
possibilité d'une telle hypothèse sur le plan logique pur.
Nous sommes ainsi forcés d'admettre que l'hypothèse A, dans ces deux
cas de figures 1.1 et 1.2, conduit à des conclusions absurdes. De ce
fait, il reste à nous focaliser sur l'hypothèse B selon laquelle
l'expression "dès que" manque de crédibilité et de
sincérité. Le roi aurait donc bien été informé, depuis son
déclenchement, du scandale médiatique qui s'est progressivement
transformé en crise politique, sans qu'il ne prenne aucune décision dans
les premiers jours. Il a attendu tout ce temps avant d'ordonner
l'ouverture d'une enquête.
Le scénario le plus probable est que cette décision a été dictée par
la pression extérieure et intérieure sous l'influence de la mobilisation
populaire, le déclenchement de plusieurs manifestations et la
multiplication des voix qui se sont élevées pour dénoncer cet énorme
scandale moral. Le roi a alors bien réfléchi avec son équipe de
conseillers, et comme il refuse de s'excuser, alors que le fait de
demander pardon est un signe de noblesse et de grandeur, ils se sont
tous mis d'accord sur l'actuelle version du communiqué en espérant y
trouver une porte de sortie à la crise, ne serait-ce que de manière
temporaire. La diffusion d'un deuxième communiqué le lendemain,
annonçant que le roi a retiré cette désastreuse grâce, est le signe
d'une fébrilité et d'une absence de stratégie réfléchie.
Ainsi, le terme « dès que » utilisé par les
rédacteurs du communiqué du cabinet royal, relève du mensonge. Un
mensonge misérable qui cherche à cacher la triste vérité : D'une part,
le roi s'obstine à refuser d'assumer ses responsabilités. D'autre part,
le cabinet royal est un foyer d'incompétents.
Le communiqué confirme que le roi a signé la grâce sans avoir eu
connaissance des moindres détails du dossier. Mais alors, durant ces 14
années de règne, combien de décisions similaires ont reçu l'aval ou la
signature du roi alors qu'elles ont eu des conséquences catastrophiques
ou provoqué des drames ? De combien d'enquêtes avons-nous besoin pour
déterminer les responsabilités ?
Le même jour de la grâce de la honte, le roi a décoré Malcolm
Hoenlein du Wissam Alaoui de l'Ordre du Grand Officier à l'occasion de
la fête du Trône. L'homme, est une figure emblématique du lobby sioniste
pro-israélien, puisqu'il est vice président de la toute puissante Conférence des présidents des grandes organisations juives des Etats-Unis et l'un des symboles du sionisme mondial. Il a reçu en Israel la décoration Guardian Of Zion.
Le roi, président du comité Al Quds ne le savait-il pas non plus ?
Va-t-il aussi déclencher une enquête pour savoir qui a glissé son nom
sur la liste des personnalités à décorer ?
Il semble que les rédacteurs de ce triste communiqué continuent de mépriser les Marocains dès qu'occasion se présente et persistent à croire que les citoyens de ce pays sont des imbéciles qui avalent des couleuvres dès qu'elles leur sont servies par les médias officiels.
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