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samedi 10 août 2013

La rançon de la dictature




L'excès de tyrannie finit toujours par tuer la tyrannie ! Celle de Mohammed VI n'échappe pas à ce postulat implacable. Son refus d'amender le régime, son affairisme coupable, son accaparement de tous les pouvoirs, son obstination à s'entourer de prédateurs, de tortionnaires et d'incompétents, son refus de se séparer des corrompus qui l'entourent, lui font dire à qui veut bien y croire, qu'il exerce une monarchie exécutive, alors qu'il se trouve tout simplement à la tête d'une dictature.

Salah Elayoubi
L'affaire de la grâce le démontre clairement. A concentrer tous les pouvoirs, le despote finit par n'en maitriser aucun et n'est, dès lors, plus à l'abri du moindre faux-pas, de la moindre erreur ou peau de banane de son entourage. 
Déjà en 2000, Talsint
Personne n'a oublié l'image du roi, flanqué de tout ce que comptait le pays comme courtisanerie, accourant à Talsint, parce que quelques incompétents lui avaient fait miroiter le mirage d'un gisement de pétrole. Un rêve inassouvi d'accrocher enfin à côté de son titre de « Phosphato-monarque » celui tant convoité de « Pétro-monarque ».
« Jusqu'à deux (2) milliards de barils, l'équivalent de 35 ans de la consommation pétrolière du pays ! », péroraient les crieurs patentés, dans les colonnes des quotidiens et aux micros des radios et télévisions. En ce mois d'août 2000, Mohammed VI avait manqué une première occasion d'écouter autre chose que les voix des sirènes qui lui contaient fleurette, au lieu de se fier à celles des véritables patriotes, comme Abraham Serfaty. A voir le roi tomber ainsi dans le panneau, tous s'étaient mis à y croire, au point que le journal « Al Ittihad » « éditorialisait », bien que désabusé :
« La nouvelle de la découverte de pétrole et de gaz nous réjouit : elle va nous fournir l'énergie de l'espoir et de l'optimisme. Cependant, ne nous berçons pas d'illusions : les nombreuses richesses dont Dieu a gratifié ce peuple ont été accaparées par une meute de prédateurs. Les Marocains ont-ils jamais profité des carrières de sable, des ressources halieutiques, des terres arables, des vastes plages et des forêts ? »
Le misérable fin de partie, en forme de pschitt, n'aura pas dissuadé, loin s'en faut, le monarque de prêter l'oreille aux incompétents notoires qui l'entourent, puisque quelques mois plus tard, le 11 juillet 2002, il récidivait avec la misérable opération de l'îlot Persil.
Une déculottée pour un îlot battu des vents
Au mépris des conseils de prudence de quelques uns, le pays s'engageait dans une aventure qui aurait pu coûter au roi, rien moins que son trône. En cause, un îlot perdu en Méditerranée, battu de tous les vents et dont personne ne conteste la marocanité. Quelques troufions le prirent d'assaut, au mépris de la prudence la plus élémentaire, pour d'obscures raisons aventuristes, que seul le palais connaît. La réponse de l'Espagne ne s'est pas fait attendre.
Elle fut cinglante et eut lieu le 18 juillet, sous la forme d'une offensive militaire en bonne et due forme, avec intervention, de pas moins de vingt-huit (28) unités de commandos d'élites, héliportées par six (6) appareils, avec appui tactique de la marine de guerre et de l'aviation. Un joli prétexte à des manœuvres espagnoles, grandeur réelle, aux frais du Maroc.
Mais, c'est moins la déculottée humiliante, infligée au régime marocain, qui aura retenu l'attention du monde, que le silence assourdissant du roi, l'ignorance crasse et le mépris souverain en lesquels furent tenus le Premier Ministre marocain Abderrahmane Youssoufi et son gouvernement d'alors. Tout le temps que les entretiens ont duré, avant ce nouvel épisode de la « Reconquista » espagnole, notre pays a fait la démonstration de l'indigence de sa diplomatie et de l'amateurisme de ses dirigeants.
Les extraits de conversation entre les rares officiels marocains qui ont osé prendre au téléphone les représentants espagnols, sont accablants. C'est Ignacio Cembrero, qui nous les raconte, quelques mois, après les événements :
José María Aznar : « Ce que vous avez fait est un coup de force intolérable. J'exige une explication et le retrait de vos forces ! »
Abderrahmane Youssoufi : « J'ignore de quoi tu parles. Le gouvernement n'a rien ordonné. Le fait, je le connais au même titre que toi, mais je n'ai pas plus d'explications à te donner. »
José María Aznar : « L'affaire est grave, et elle l'est d'autant plus, que vous êtes incapables de réagir. J'exige, d'ici demain, une explication et une rectification. Si vous le faites, nous oublierons l'incident. »
Dans des déclarations ultérieures, Aznar, sarcastique, avouera à Cembrero, attendre, deux ans plus tard, le coup de téléphone promis par Youssoufi.
Et comme à chaque fois qu'une dictature est prise en défaut, ou la main dans le sac, ses thuriféraires ont recours au mensonge, comme lors de cet échange édifiant, entre Mohamed Benaïssa, Ministre des affaires étrangères et son homologue espagnol, Ana Palacio, lorsqu' après plusieurs tentatives infructueuses, celle-ci réussit enfin, à s'entretenir avec ce dernier :
Mohamed Benaissa: « Les autorités marocaines poursuivent des terroristes islamistes dans le détroit de Gibraltar, tout comme les Etats-Unis le font avec l'opération « Liberté Durable », en Afghanistan ! »
Ana Palacio qui a d'ores et déjà perdu tout respect pour son interlocuteur : « Ne me répétez plus jamais, ce que vous venez de me dire. Dites-moi des choses sérieuses. Si quelque chose de grave se passe à Perejil, dites-le nous, nous nous en chargerons ! »
Encore une affaire qui se dégonfle et qui éclabousse le Chef de l'Etat, d'un camouflet supplémentaire et le pays, d'une humiliation dont il se serait bien passé.
Aminatou Haidar, cette héroïne malgré elle
Je ne résiste pas, non plus, à l'envie de rappeler ce que fut l'affaire Aminatou Haidar, cette activiste sahraouie, décorée du « Prix du Courage civique » par la Train Fundation et que les sécuritaires ont poursuivi de leur assiduités, au point d'en faire l'héroïne des indépendantistes sahraouis.
Le 13 novembre 2009, alors qu'elle revient de New York, après y avoir reçu son prix, l'intéressée déclare sur sa fiche de police, résider au Sahara occidental et évite d'indiquer sa nationalité, dans la case réservée à cet effet. Interpellation, brutalités policières, garde à vue, audition par un procureur et expulsion du territoire vers Lanzarote, aux Îles Canaries, au motif que l'activiste aurait déchiré son passeport marocain et renoncé de son propre chef à sa nationalité. Purs mensonges. Hassan II avait eu recours au même subterfuge, pour se débarrasser d'Abraham Serfaty. Libéré sous la pression internationale, après dix-sept ans passés dans les geôles du régime, le Mandela marocain avait été expulsé du Maroc, au prétexte qu'il était de nationalité brésilienne.
A l'aéroport de Lanzarote, où elle entame une grève de la faim, Aminatou Haidar s'est glissée bien malgré elle, dans la carrure d'héroïne que lui ont confectionnée, les persécutions imbéciles des sécuritaires. Un mois plus tard, le 18 décembre 2009, sous la pression internationale et le lâchage de ses plus inconditionnels alliés, dont les Etats-Unis et la France, le Maroc fait une pitoyable marche arrière, après avoir épuisé son catalogue d'affabulations et de manœuvres dilatoires. Et la militante sahraouie de regagner le plus simplement du monde, son domicile de Laâyoune, auréolée d'une bravoure bien involontaire.
On aurait également pu évoquer, ici et maintenant, tant d'affaires qui ont jeté l'opprobre et la honte sur le pays, comme la torture à compte d'auteur, pratiquée à l'encontre de nos semblables, acheminés par les avions cargo, depuis l'Afghanistan, tel du bétail livré, pieds et poings liés, aux soins criminels de bouchers qui ne partagent plus rien avec le genre humain. Le roi pouvait-il ignorer les abominations que ces janissaires commettaient impunément, sur notre sol, au nom de la lutte contre le terrorisme ?
La comptine éculée du bon roi
« Les peuples qui ignorent leur histoire se condamnent à la revivre ! », disait Churchill. Autant se l'avouer, notre pays se trouve bien dans la situation de celui qui s'obstine à ignorer son histoire et qui la visite encore et encore, au gré d'insupportables recommencements. L'espace d'un instant fugace, nous avions espéré la fin de nos tourments, à la mort d'Hassan II. On se prendrait presque à regretter le défunt tyran, tant le Maroc semble naviguer à vue, d'improvisations en errements, de mensonges en travestissements de la réalité et d'exactions en forfaitures.
La prédation économique s'est accélérée, les prédateurs se sont multipliés. La corruption s'est généralisée à toutes les couches sociales et à toutes les professions. La magouille politique a atteint des sommets et le Maroc visite le fonds du classement de tous les indices. Autant de crimes et point de châtiments, parce que nous continuons de nous taire, d'un silence complice. Nous persistons à nous voiler la face, et à nous bercer de vieilles comptines éculées où il est question du bon roi et du vilain entourage.
Comme dans cette malheureuse affaire de grâce, l'Etat marocain a fait la démonstration de ses limites, et n'a désormais, plus rien d'autre à offrir que des coups de matraques, à ses détracteurs et des boucs émissaires, à la colère populaire légitime.
A de rares exceptions près, la classe politique, toutes tendances confondues, s'est claquemurée dans le silence du lâche quand elle n'a pas tout simplement, pris fait et cause, pour la grâce, sans aucune considération pour les victimes et leur famille. Des comportements indignes qui confortent le tyran dans sa tyrannie et l'incitent à persévérer dans son aveuglement.
Pourtant, hormis la répression policière, le limogeage des seconds couteaux ou encore l'emprisonnement des démocrates et la prédation économique, il y aurait tant à faire et qui, à défaut d'être entrepris, éloigne d'autant le Maroc du concert des véritables démocraties.
Il y aurait également tant de ces gestes à accomplir qui grandissent toujours, ceux qui les accomplissent. A commencer par le premier d'entre eux, celui de demander pardon, pour toutes les exactions, les crimes ou les erreurs du passé !

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