- Publié par Lakome 5/8/2013, 19:22
Le déclenchement de l'affaire DanielGate est le résultat de
la guerre larvée entre le cabinet royal et l'équipe Benkirane selon des
sources proches des autorités espagnoles. C'est Fouad Ali El Himma qui a
demandé à l'ambassadeur d'Espagne d'adresser les demandes de
transfèrements et de grâce directement au cabinet royal. C'est sous son
égide que la fusion des deux listes a permis à Daniel Galvan, inscrit
sur la liste des transfèrements, d'être gracié. Récit.
Le communiqué du cabinet royal en date du 30 juillet, qui met en
cause le roi d'Espagne Juan Carlos 1er en affirmant que c'est à sa
demande que les 48 prisonniers espagnols, et donc le pédophile Daniel
Galvan, avaient été graciés par le souverain marocain, a sans doute
contribué à délier les langues côté autorités espagnoles. C'est
effectivement de source proche de l'Etat espagnol que Lakome a appris
deux informations majeures qui mettent à mal la thèse du cabinet royal
et surtout, soulignent l'ambiance délétère entre le cabinet royal et le
gouvernement Benkirane.
La chaîne des événements qui va mener à la grâce de Daniel Galvan
commence avec la rencontre entre Juan Carlos et Abdelilah Benkirane le
17 juillet à Rabat. En visite officielle, Juan Carlos arrive chez le
chef du gouvernement avec une requête. Un prisonnier de 74 ans
diabétique et cardiaque condamné à 4 années de prison pour trafic de
drogue demande à purger sa peine en Espagne. La requête n'est pas si
exceptionnelle puisque les conventions signées entre les deux états
permettent aux citoyens d'un pays incarcéré dans l'autre pays, et
remplissant un certain nombre de conditions, de demander leur
transfèrement dans leur pays de nationalité pour y purger le reste de
leur peine. Jusque là rien d'exceptionnel.
Le 19 juillet alors que Juan Carlos vient juste de monter dans
l'avion qui va le ramener à Madrid, Abdelilah Benkirane, présent au coté
de Mohammed VI pour saluer le monarque espagnol, informe le chef de
l'Etat de la requête espagnole de transfèrement d'Antonio Garcia. Selon
une source proche du PJD, le souverain marocain lui signifie son accord
et lui demande même d'accélérer la procédure. Le premier ministre
contactera Mustapha Ramid, son ministre de la justice, pour lui demander
d'entamer la procédure et de prendre attache avec son vis à vis
espagnol.
L'appel du 20 Juillet
Ce sera un appel téléphonique de Fouad Ali El Himma à l'ambassadeur
d'Espagne, Alberto Navarro, qui accélérera les événements. Selon des
sources proches des autorités espagnoles, le samedi 20 juillet alors que
Juan Carlos avait à peine quitté le pays, un El Himma passablement
énervé signifie son courroux au diplomate, surpris. L'objet de l'ire
difficilement contenue du conseiller royal et plus proche collaborateur
du roi du Maroc, est cette requête de transfèrement d'un prisonnier
espagnol adressé non pas au Cabinet royal, mais, insulte des insultes,
au chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane. «Sa Majesté aussi peut régler ce genre de problème» s'entend dire l'ambassadeur.
Décontenancé, l'ambassadeur espagnol explique qu'en fait, la maison
royale a parfaitement respecté le protocole puisqu'il s'agit d'une
demande de transfèrement, légalement du ressort du ministère de la
justice marocain, et non pas d'une demande de grâce royale, auquel cas
elle aurait été adressée au cabinet royal.
Le conseiller marri n'en démord pas et insiste auprès du diplomate
pour que les listes des demandes de grâce et de transfèrements aussi
soient envoyées au cabinet royal. Les six consulats espagnols du
royaume seront mis à contribution pour compiler la liste de tous les
prisonniers de nationalité espagnole incarcérés au Maroc. Les services
de l'ambassade dresseront deux listes. La première de 30 individus
concernent les demandes de transfèrement, la deuxième composée de 18
individus concernent les demandes de grâce.
Fusion des listes
Notre source affirme que les autorités espagnoles ont été surprises
en prenant connaissance de la décision du cabinet royal marocain.
D'abord ce ne sont pas deux listes qui sont annoncées mais une seule.
Une liste unique qui annonce la grâce de la totalité des 48 noms
contenus dans les deux listes initiales, y compris donc les demandeurs
de transfèrement.
Parmi les prisonniers graciés quelques noms embarrassent les Espagnols, c'est notamment le cas d'un certain Antonio Garcia Ancio,
fils d'Antonio Garcia Vidriel en faveur duquel Juan Carlos avait
intercédé. Le fils était considéré comme le principal accusé dans
l'opération de transport de 9 tonnes de hashish et avait été condamné à
10 années de prison. Une grosse prise lâchée dans la nature.
Ironie de l'histoire, le fils que les espagnols ne voulaient
absolument pas voir libéré a été gracié alors que le père lui doit
attendre la fin de la procédure de demande de transfèrement, qui peut
durer jusqu'à un mois.
Et puis il y a ce monstre pédophile de Daniel Galvan.
Mais les autorités espagnoles ne sont pas plus inquiètes que cela :
elles pensent que l'histoire passera sous les radars de l'opinion
publique. Après tout, c'est le Maroc et les décisions du roi ne se
discutent pas. C'est lorsque l'opinion publique marocaine s'avérera
moins docile que prévu et que la monarchie marocaine s'empêtrera dans
ses contradictions pour expliquer sa décision, qu'ils appréhenderont
l'ampleur du désastre.
Le ministère de la Justice avait prévenu le cabinet royal
Pourquoi les listes ont-elles été fusionnées ? Est ce par erreur ? Et
si c'est une erreur, n'est ce pas le cabinet royal et plus précisément
Fouad Ali El Himma qui en est le premier responsable, puisque c'est lui,
peut être à la demande du roi, qui a appelé l'ambassadeur espagnol pour
lui demander de s'adresser au palais en pareilles circonstances ?
Et si ce n'était pas une erreur. Ce pourrait-il que le cabinet royal
ait voulu démontrer sa supériorité institutionnelle vis à vis du
gouvernement ? Faire preuve de munificence en graciant tout le monde
sans prendre en considération l'avertissement du ministère de la
justice ? Cet avertissement donné lorsque la décision d'exécuter est
redescendue du cabinet royal a été confirmé à Lakome par un proche de
Mustapha Ramid, malgré le démenti public de ce dernier.
Daniel Galvan, l'inconnue
Le passé nébuleux du pédophile espagnol d'origine irakienne complique
cette affaire d'Etat. Son avocat a affirmé à Lakome que son client
prétendait avoir travaillé pour les services Irakiens. Des sources
proches de la diplomatie espagnole ont assuré à Lakome que sa maîtrise
de la langue espagnole était anormalement approximative pour quelqu'un
qui prétendait avoir travaillé pendant de nombreuses années dans un
milieu universitaire espagnol. Les recherches de Lakome dans la base de
données du bulletin officiel espagnol n'ont pu trouver trace de la
publication de sa naturalisation comme l'exige la loi. Les versions de
la nature de son travail à l'université de Murcia se multiplient, toutes
différentes les unes des autres. Tout cela entoure le personnage d'un
halo de mystère.
D'un autre côté, l'information selon laquelle sa grâce avait été
demandée par les services espagnols est sortie du palais à Rabat.
Rapportée par Lakome, cette information avait-elle pour but de dédouaner
un Cabinet royal aux abois ? L'opinion publique accepte mieux la
version de la grâce octroyée dans le cadre de l'intérêt supérieur de la
nation, comme l'a d'ailleurs affirmé le ministre de la justice dans son
communiqué (qui a depuis été retiré du site du ministère), que celle
d'une querelle infantile entre le cabinet royal et l'équipe Benkirane,
qui a dérapé avec les conséquences que l'on connait maintenant.
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