Association
de Défense des Droits de l’Homme au Maroc
ASDHOM 79, rue
des Suisses 92000 Nanterre
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Point
hebdomadaire n°32 sur la campagne de parrainage des prisonniers politiques au
Maroc
Point
spécial
Un nom a retenu, la semaine
dernière, l’attention de l’opinion et des défenseurs des droits de l’Homme au
Maroc. Il s’agit de Daniel Vina Galvan, un Espagnol de 63 ans, condamné par la
justice marocaine à 30 ans de réclusion criminelle en septembre 2011. Non, ce
prisonnier ne fait pas partie des listes de parrainés dans le cadre de la
campagne de parrainage de l’ASDHOM, et pour cause. Il n’est nullement victime de
violations de droits. Au contraire, c’est un pédophile notoire qui a abusé de
onze filles et garçons marocains, tous mineurs, âgés de 5 à 15 ans*. Il purgeait
sa peine à la prison centrale de Kenitra (à 30 km de Rabat), ville de ses
forfaits morbides. Cette affaire scandaleuse a provoqué lors de son arrestation
l’émoi et l’indignation de la société civile marocaine. La presse s’en était
saisie aussi. Les associations marocaines des droits de l’Homme, qui avaient
chargé des avocats pour défendre les onze victimes et leurs familles, avaient
applaudi l’annonce de sa condamnation, considérée, pour une fois, comme une
victoire de la justice marocaine.
22 mois après sa condamnation, le
pédophile Daniel Vina Galvan va être gracié par le chef de l’État marocain à
l’occasion de la fête de son intronisation et après deux jours de la visite du
monarque espagnol. Mais c’était sans compter avec la vigilance des défenseurs
des droits de l’Homme au Maroc. Cette grâce royale est vécue comme un affront à
la justice rendue aux victimes et leurs familles lors du procès. Les épris de
justice, citoyennes et citoyens acteurs de la société civile marocaine
(Artistes, intellectuels, journalistes, associatifs, syndicalistes, défenseurs
des droits de l’Homme, etc.) se sont mobilisés pour dénoncer cette grâce et
témoigner leur solidarité avec les victimes de Daniel Galvan. Des rassemblements
pacifiques ont été organisés dans tout le pays à partir du vendredi 2 août 2013
pour dire le refus de cette grâce. Et au lieu d’écouter leurs doléances, si
légitimes, les autorités marocaines ont préféré les réprimer et les disperser
dans la violence faisant plusieurs blessé-e-s. À Tétouan dans le nord du Maroc,
le rassemblement a été dispersé à coup de matraques électriques, une première, a
signalé le communiqué de la section locale de l’AMDH qui déplore plusieurs
blessés et arrestations parmi les militant-e-s.
Cette scandaleuse grâce royale
montre, une fois de plus, qu’au moment où on accorde la liberté et la
« clémence » aux dangereux criminels de tous poils, on n’hésite pas à envoyer la
matraque à leurs victimes et aux défenseurs des droits de l’Homme qui les
soutiennent. Les prisons marocaines regorgent de victimes pour le simple fait
d’avoir exprimé une opinion. Plusieurs d’entre elles entament des grèves de la
faim en risquant leur vie. Les associations des droits de l’Homme, dont
l’ASDHOM, ne cessent de réclamer leur libération en menant des campagnes de
sensibilisation telle leur parrainage lancé par notre association en novembre
2011 (quelques 210 cas recensés). Si on excepte quelques libérations obtenues de
haute lutte et après une longue pression internationale (cas du champion Zakaria
Moumni, du colonel Kaddour Terhzaz ou encore quelques prisonniers politiques à
l’occasion du déclenchement du mouvement 20-Février), la plupart des prisonniers
politiques et d’opinion continue de subir indifférence et réprimandes de la part
de l’administration pénitentiaire. Leurs conditions de détention, tout comme
celles des prisonniers de droit commun, sont humiliantes, très dégradées et
inhumaines.
Hafid Ben
Hachem, l’ex-délégué général de
l’Administration pénitentiaire, à qui le pouvoir a fait porter la responsabilité
de cette honteuse grâce en le révoquant, est l’un des responsables de cette
situation dans les prisons marocaines. Même le Conseil National des Droits de
l’Homme (CNDH) de Driss El-Yazami,
nommé par le roi du Maroc, l’avait déjà épinglé dans un rapport un peu osé sur
la gestion des prisons et les conditions de détention. Ce même conseil brille
étonnamment, tout comme le gouvernement, le parlement et les partis politiques
domestiqués, par leur silence assourdissant sur cette grâce que tout le monde
considère comme un deuxième viol des victimes et une atteinte à la dignité des
citoyen-ne-s marocains. Seul le PAM, le parti de l’ami du roi, Ali El-Hima,
s’est fendu d’un communiqué à quelques heures avant la publication de celui du
palais royal, reprenant étonnamment les mêmes formulations à quelques mots près.
Cette proximité pose le problème de l’exercice du pouvoir au Maroc.
S’il est vrai que Hafid Ben Hachem
est responsable, il ne mérite pas qu’un simple limogeage. Il doit répondre
devant une justice impartiale de tous ses actes. Et il n’est pas le seul
concerné dans ce cas-là. Il ne doit pas être le « fusible » dans cette affaire.
Tout le monde sait que la commission des grâces est composée de plusieurs autres
responsables, allant des membres du gouvernement jusqu’à celui qui appose en
dernier lieu sa signature. Ce limogeage ne doit pas absoudre le chef de l’État
de toute responsabilité. En signant ces grâces sans s’enquérir du contenu, il a
remis en liberté au moins un dangereux criminel. C’est une faute politique grave
et qui, dans un État de droit, ne se serait pas passée sans conséquences pour
ses auteurs.
Indignée et scandalisée, l’ASDHOM
qui est solidaire des enfants victimes de Daniel Galvan et de leurs familles, se
joint au mouvement de protestation populaire pour dire sa ferme condamnation des
actes du pédophile, de sa grâce et pour réclamer :
-
Des excuses et demande officielle
de pardon de la part du chef de l’État marocain aux victimes, à leurs familles
et au peuple marocain dont la dignité a été
souillée ;
-
Une vraie commission d’enquête
impartiale pour déterminer toutes les responsabilités dans cette
affaire ;
-
La mise en œuvre de la révision
nécessaire de la procédure des grâces en garantissant son équité et surtout sa
transparence et pour mettre fin à l’impunité dont jouissent jusqu’à maintenant
des criminels ;
-
Une commission d’enquête sur les
exactions et la répression féroce qui ont accompagné les rassemblements
pacifiques de dénonciation. Les membres des forces de l’ordre et leurs
commanditaires doivent être poursuivis pour violences et exactions contre les
manifestants qu’ils sont censés protégés ;
-
La libération de tous les
prisonniers politiques et d’opinion, les vraies victimes de la répression, et
l’arrêt des poursuites contre les militants, les défenseurs des droits de
l’Homme et les journalistes indépendants qui ne courbent pas
l’échine ;
Sans ce minima d’initiatives
politiques, on ne saura parler de volonté de dépassement de cette crise et de
réhabilitation de la dignité du peuple marocain.
L’ASDHOM reprendra en septembre
prochain ses points hebdomadaires sur sa campagne de parrainage des prisonniers
politiques au Maroc. Ce mois de septembre s’annonce déjà chaud avec pas moins de
trois procès à connotation politique :
-
Le procès de l’UNEM à Meknès qui a
été reporté du 22 juillet au 23 septembre
2013. Hassan Koukou, Soufiane
Sghéri, Mounir Aït Khafou, Mohamed Eloualki et Hassan Ahmouch avaient
entamé à la prison Toulal 2 une grève de la
faim de plus de 110 jours (depuis le 11 mars) pour alerter sur leurs
conditions de détention et réclamer la tenue rapide d’un procès
équitable.
-
Le procès intenté à l’avocat
Me Mohamed El-Massaoudi le
20 septembre 2013 devant la Cour
d’appel de Casablanca pour « manque de respect dû aux magistrats et perturbation
du déroulement de l’audience ». Me El-Massaoudi s’était mis debout, par manque
de place, du côté du procureur du roi lors d’un procès tenu en 2011 pour
défendre le groupe « Tamek et ses camarades
sahraouis » qui s’était rendu en octobre 2009 dans les camps
sahraouis de Tindouf en Algérie. Ce groupe était accusé d’ «atteinte à la sureté
intérieure de l’État marocain ».
-
Les poursuites judiciaires
continuent contre le journaliste Ali Anouzla, directeur du site d’information
Lakome.com, convoqué par le procureur du roi de Fès pour la publication d’un
article jugé relatant des « faits inexacts de nature à troubler l’ordre
public ». Tout le monde sait que les vraies raisons de ses déboires avec la
justice sont ailleurs.
-
L’arrestation (enlèvement de chez
sa famille à Séfrou), le 2 août 2013, du militant de l’UNEM Brahim Elbachir,
suivie le lendemain par l’enlèvement de son lieu de travail à Fès du militant du
20-Février Mohamed Adli, un ancien prisonnier politique qui avait purgé un an
d’emprisonnement à Ain Kadous.
Très bonnes vacances à toutes et à
tous
Pour le bureau
exécutif
Ayad
Ahram
Président de
l’ASDHOM
Paris, le 5 août 2013
* Selon d'autres sources ces enfants auraient eu entre 2 et 14 ans lors du premier viol (ndlr)
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