Plus qu’un pays de transit, le Maroc s’illustre de plus en plus comme une
terre d’accueil. Qu’en est-il de l'impact des réfugiés sur le royaume ?
A l’heure où des vies s’abîment dans les eaux méditerranéennes, les réfugiés
font presque quotidiennement les titres de la presse. Un sujet, devenu
leitmotiv, sur lequel certaines figures politiques occidentales en mal de
populisme surfent sans vergogne. Oubliant là qu’il s’agit d’un phénomène
complexe qui mérite d’être traité autrement : loin d’être un fardeau, les
réfugiés peuvent apporter beaucoup à leur terre d’accueil.
La semaine dernière, Yabiladi livrait le
témoignage d’une famille irakienne qui a trouvé refuge au Maroc dans les
années 2000. Aussi précaire soit leur situation, leur volonté de réussir ne
s’est pas éteinte. Le père est en recherche d’emploi depuis deux ans. Il se dit
capable de travailler dans n’importe quel domaine. Maryam, la mère,
racontait : «Je n’arrive pas à croire que ça fait presque vingt ans qu’on
est installés au Maroc, ce n’était pas du tout prévu.» Et pour cause, ce qui ne
devait être qu’un passage est devenu une résidence permanente.
«Les réfugiés peuvent amener de la richesse»
«Le Maroc reste un pays de transit. La population est habituée à voir des
gens qui transitent. Ça peut être des personnes qui mendient au feu rouge et
qui n’ont pas forcément envie de rester au Maroc, qui vivent dans la précarité
et subsistent grâce à de petits métiers en attendant d’aller en Europe, surtout
dans les villes comme Tanger, Oujda et Nador», explique à Yabiladi Jean-Paul
Cavalieri, représentant du Haut commissariat des Nations unies pour les
réfugiés (HCR) au Maroc.
«Or, de plus en plus de migrants ou réfugiés décident de rester au Maroc»,
ajoute-t-il, précisant que la nouvelle politique migratoire et d’asile offre
une véritable protection aux réfugiés. «Cette législation est due à une prise
de conscience politique. Le Maroc est devenu un pays de destination, il faut
donc agir dans ce sens-là», préconise-t-il.
«Les réfugiés sont mieux perçus, leur image est en train de changer :
on les retrouve désormais au travail, à l’école, à la mosquée, au sein du
voisinage», détaille Jean-Paul Cavalieri. «L’expérience positive du Maroc est
nourrie de celle des Marocains résidents à l’étranger qui reviennent avec des
souvenirs tantôt positifs, tantôt négatifs. Ils disent : ‘attention à ne pas
traiter les migrants comme nous avons été traités’, ou bien : ‘nous avons
bénéficié nous-mêmes d’aides en tant que migrants, il faut en faire de même
pour les réfugiés ou demandeurs d’asile’», poursuit le représentant du HCR.
D’autres raisons ont permis de faire du Maroc un pays d’accueil pour les
réfugiés : «Le royaume est un pays où différentes populations cohabitent
depuis longtemps, il est donc bien équipé pour appréhender ces situations. Dans
l’islam, dans le Coran, il existe toute une tradition d’accueil de l’étranger»,
soutient-il. «Il faut montrer que les réfugiés peuvent amener de la richesse.»
«Histoires sans visas»
Pour montrer la réalité de la vie des réfugiés, le HCR organise le 9 mars à
l’Ecole de gouvernance et d’économie de Rabat un projet de récits digitaux
intitulé «Histoires sans visas», qui met en lumière l’expérience de huit
réfugiés de divers horizons installés au Maroc. Lors d'une conférence de presse
du HCR, Jean-Paul Cavalieri lors d’une conférence de presse, déclarait :
«Dans un contexte mondial où l’image qui est donnée des
réfugiés est souvent négative, le premier objectif de cet évènement est
d’essayer de briser ces stéréotypes et de montrer les réfugiés pour ce qu’ils
sont, c’est-à-dire des gens qui ont des ressources, qui sont capables de les
exploiter pour devenir autonomes et contribuer positivement à la société qui
les accueille, en l’occurrence le Maroc.»
Le Maroc pourrait un jour servir d'exemple comme ce village de Calabre en Italie. Cette petite bourgade
qui était en train de dépérir suite à la désertion de ses habitants a survécu
grâce à sa politique d’accueil des réfugiés. Ces derniers ont permis de
dynamiser l’économie locale et redonner au village un souffle nouveau. Tout avait
commencé en 1998 avec la venue de 200 Kurdes en bateau ; les villageois
les avaient accueillis à bras ouverts. Depuis, cette politique généreuse s'est perpétuée pour les nouvelles vagues de réfugiés.
HCR au Maroc, en chiffres
Le HCR au Maroc a mandaté 6 874 personnes. 4 977 sont des réfugiés ou des
personnes en besoin de protection internationale, le reste étant demandeurs
d’asile. Le top 3 des nationalités en besoin de protection internationale
viennent de Syrie (3 420 personnes), du Yémen (493) et de Côte d’Ivoire (291).
Ensuite d’autres nationalités ont choisi le Maroc pour y trouver refuge :
République Démocratique du Congo (175), la Centrafrique (177) et l’Irak (138),
entre autres. Les demandeurs d’asile quant à eux viennent d’Afrique Subsaharienne :
Le Cameroun (450), la Côte d’Ivoire (276), la Guinée (219), la République
Démocratique du Congo (244), le Mali (138) et enfin la Centrafique (42).
Le HCR a besoin de financements. En 2016, l’organisation avait requis 6
millions de dollars pour couvrir ses opérations au Maroc. L’instance Onusienne
a quelques contributeurs direct pour couvrir ses dépenses : L’Union
Européenne (en particulier l’Italie avec 198 664 dollars), le Royaume Uni
contribue avec 190 000 dollars et enfin Monaco (160 135 dollars).
Zaïnab Aboulfaraj
Yabiladi.com
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