Par l'ACAT, 23/9/2011
Risque d'extradition dangereuse
Intervenir avant le 30 septembre
Situation
Dans un courrier envoyé au Comité contre la torture le 9 septembre 2011, le Maroc a annoncé son intention de ne pas respecter la première décision rendue par le Comité à l'encontre du royaume chérifien depuis que ce dernier a reconnu la compétence du Comité pour examiner les plaintes déposées contre lui par des individus victimes de torture ou exposés à un risque de torture.
Le Maroc a ainsi décidé d'extrader vers l'Algérie Djamel Ktiti, ressortissant français, arrêté à Tanger par la police marocaine, le 14 août 2009, sur la base d'un mandat d'arrêt international lancé par la justice algérienne, le 19 avril 2009.
Le 7 octobre 2009, la Cour suprême marocaine avait rendu un arrêt autorisant l'extradition de M. Ktiti vers l'Algérie, arrêt confirmé en appel six mois plus tard.
D'après les informations obtenues par l'ACAT-France, au moins l'un des autres prévenus poursuivis dans cette affaire a été soumis à plusieurs formes de tortures et de mauvais traitements pendant sa garde à vue en Algérie. C'est pourquoi en avril 2010, l'ACAT-France a saisi le Comité contre la torture des Nations unies pour que ce dernier demande aux autorités marocaines de ne pas extrader M. Ktiti en raison du risque sérieux de torture qu'il encourt en Algérie.
Le 26 mai 2011, après plus d'un an de procédure, le Comité contre la torture a rendu une décision définitive dans laquelle il reconnaît le risque de torture encouru par Djamel Ktiti en cas d'extradition vers l'Algérie et conclut que le Maroc violerait l'article 3 de la Convention contre la torture si le requérant était extradé vers l'Algérie. Le Comité ajoute que M. Ktiti étant en détention depuis 21 mois, alors qu'aucune charge ne semble peser à son encontre au Maroc, le Maroc est tenu de le libérer ou de le juger si des charges étaient portées contre lui.
Malgré la décision explicite du Comité et en violation de la Convention contre la torture, le Maroc déclare aujourd'hui vouloir procéder à l'extradition de Djamel Ktiti. Au-delà du risque de torture encouru par le détenu, l'extradition de ce dernier vers l'Algérie serait d'autant plus grave que, ce faisant, le Maroc affirmerait son mépris pour ses engagements internationaux en matière de droits de l'homme.
Nous vous appelons à intervenir immédiatement auprès des autorités marocaines pour les inciter à affirmer leur respect des droits de l'homme en mettant en œuvre la décision du Comité contre la torture concernant Djamel Ktiti.
Rappel des faits
Le 14 août 2009, Djamel Ktiti, ressortissant français, a été arrêté à Tanger par la police marocaine, à la demande d'Interpol, en application d'un mandat d'arrêt international lancé par la justice algérienne, le 19 avril 2009. Suite à son arrestation, M. Ktiti a été placé en garde à vue jusqu'au 15 août 2009, puis déféré devant le Procureur du Roi du tribunal de première instance de Tanger qui l'a informé du motif de son arrestation, à savoir la publication, par l'Algérie, du mandat d'arrêt international.
Le 7 octobre 2009, la Cour suprême marocaine a rendu l'arrêt n°913/1, autorisant l'extradition de M. Ktiti vers l'Algérie. La Cour a confirmé cette décision, le 7 avril 2010, suite à l'appel interjeté par l'avocat de M. Ktiti.
D'après les informations recueillies par le consulat de France en Algérie, auprès du ministère de la Justice algérien, un tribunal algérien a jugé M. Ktiti par contumace et l'a condamné, le 28 janvier 2010, à la réclusion criminelle à perpétuité pour trafic de drogue, sur la base des aveux obtenus sous la torture d'un de ses complices présumés.
D'après les informations communiquées à l'ACAT-France, au moins l'un des autres prévenus poursuivis dans cette affaire a été soumis à plusieurs formes de torture et de mauvais traitements pendant sa garde à vue en Algérie. L'ACAT-France et la famille de M. Ktiti craignent que ce dernier soit, lui aussi, torturé en cas d'extradition vers l'Algérie. C'est pourquoi nous avons saisi le Comité contre la torture des Nations unies qui a pris, le 19 avril 2010, une mesure provisoire de protection enjoignant aux autorités marocaines de surseoir à l'extradition de M. Ktiti en attendant que le Comité ait examiné le dossier.
Le Maroc a ainsi sursis à l'extradition et le Comité a rendu sa décision définitive le 26 mai 2011. Le Comité n'ayant pas de pouvoir de police, il doit s'en remettre à la bonne volonté des États pour la mise en œuvre de ses décisions. Bien plus que le Maroc, c'est avant tout l'Algérie qui est montrée du doigt dans cette décision, en raison de ses pratiques tortionnaires. Ce faisant, le Comité confirme une jurisprudence établie qui place la préservation de l'intégrité physique et psychologique de l'individu au-dessus de toute obligation qui pourrait lui incomber, comme celle de comparaître en justice. Ce type de décision a une vertu pédagogique qui vise à faire comprendre aux États que la justice est un principe indivisible qui oblige autant les dirigeants que les citoyens, la police que les détenus.
Vous pouvez retrouver l'appel urgent à l'adresse suivante :
Agir
Vous pouvez télécharger la lettre à l'adresse suivante :
Vous pouvez envoyer la lettre ci-jointe (et ci-dessous) au Roi du Maroc :
Sa Majesté le Roi Mohammed VI Ibn Al Hassan
Roi du Maroc
Palais Royal
Rabat
MAROC
Fax : 212 537 76 85 15
Adressez une copie de votre lettre :
- au ministre marocain de la Justice (timbrée à 0,87 €) :
M. Mohamed Taib Naciri
Ministère de la Justice
Place Mamounia
Rabat
MAROC
Fax : 00212.537.72.37.10 / 212 537 73 47 25
- à l'Ambassade du Maroc en France :
5 Rue Le Tasse - 75116 Paris
Fax : 01 45 20 22 58 / e-mail : info@amb-maroc.fr
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Sa Majesté le Roi Mohammed VI Ibn Al Hassan
Roi du Maroc
Palais Royal
Rabat
MAROC
Majesté,
Sur la base d’informations communiquées par l’ACAT-France, je souhaite attirer votre attention sur la situation de Djamel Ktiti, ressortissant français détenu à la prison de Salé depuis son arrestation, le 14 août 2009, sur la base d’un mandat d’arrêt international lancé par la justice algérienne.
D’après les informations recueillies par l’ACAT-France, au moins l’un des autres prévenus poursuivis dans la même affaire que M. Ktiti a été torturé pendant sa garde à vue en Algérie. C’est pourquoi en avril 2010, l’ACAT-France a saisi le Comité contre la torture des Nations unies. Le 26 mai 2011, ce dernier a rendu une décision définitive dans laquelle il conclut que le Maroc violerait l’article 3 de la Convention contre la torture si le requérant était extradé vers l’Algérie. Le Comité ajoute que M. Ktiti doit être libéré si aucune charge n’est portée contre lui au Maroc.
Dans un courrier envoyé au Comité contre la torture le 9 septembre 2011, le Maroc a annoncé son intention de ne pas respecter la décision du Comité et de procéder à l’extradition de Djamel Ktiti. Une telle extradition constituerait une violation grave des engagements internationaux du Maroc en matière de droits de l’homme.
Jusqu’à présent, les autorités marocaines ont respecté leurs engagements vis-à-vis du Comité contre la torture en acceptant de surseoir à l’extradition de Djamel Ktiti. Je vous demanderais de bien vouloir à présent mettre en œuvre les recommandations formulées dans la décision du Comité en :
· annulant la décision d’extradition de M. Ktiti vers l’Algérie ;
· libérant M. Ktiti, détenu depuis plus de deux ans, dans la mesure où il ne fait l’objet d’aucune poursuite au Maroc.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Majesté, l’expression de mes salutations distinguées.
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Action ASDHOM : Lettre ouverte au ministre marocain de la Justice à propos de Djamel Ktiti qui risque d'être extradé par le Maroc vers l'Algérie
Monsieur Mohamed Taib Naciri
Ministre de la Justice
Place Mamounia
Rabat MAROC
Monsieur le Ministre,
Alertée par l’ACAT-France, l’Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM) vous fait part de sa préoccupation quant à la situation de M. Djamel Ktiti, ressortissant français détenu à la prison de Salé depuis son arrestation, le 14 août 2009, suite à un mandat d’arrêt international lancé par la justice algérienne.
D’après les informations recueillies par l’ACAT-France, au moins un des prévenus poursuivis dans la même affaire que M. Ktiti a été torturé pendant sa garde à vue en Algérie. C’est pourquoi en avril 2010, l’ACAT-France a saisi le Comité contre la torture des Nations Unies. Le 26 mai 2011, ce dernier a rendu une décision définitive dans laquelle il conclut que le Maroc violerait l’article 3 de la Convention contre la torture si M. Ktiti venait à être extradé vers l’Algérie. Le Comité ajoute que M. Ktiti doit être libéré si aucune charge n’était portée contre lui au Maroc.
Dans un courrier envoyé au Comité contre la torture le 9 septembre 2011, le Maroc a annoncé son intention de ne pas respecter la décision du Comité et de procéder à l’extradition de M. Djamel Ktiti. Une telle extradition constituerait une violation grave des engagements internationaux du Maroc en matière de droits de l’Homme et précisément de l’article 3 de la Convention contre la torture qui stipule qu’ « aucun État partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. »
Nous nous permettons de vous rappeler, Monsieur le ministre, que le Maroc est non seulement partie à la Convention contre la torture, adoptée le 10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987, mais il est également représenté à titre individuel au Comité contre la torture par Mme Essadia Belmir qui occupe le poste de vice-présidente depuis le 26 avril 2010.
Les autorités marocaines ont, jusqu’à présent, accepté de surseoir à l’extradition de M. Djamel Ktiti. L’ASDHOM vous demande de bien vouloir à présent mettre en œuvre les recommandations formulées par le Comité en :
· annulant la décision d’extradition de M. Ktiti vers l’Algérie ;
· libérant M. Ktiti, détenu depuis plus de deux ans, dans la mesure où il ne fait l’objet d’aucune poursuite au Maroc.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous vous prions d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de nos salutations distinguées.
Paris, le 23 septembre 2011
Bureau Exécutif de l’ASDHOM