Association
de Défense des Droits de l’Homme au Maroc
ASDHOM 79, rue
des Suisses 92000 Nanterre
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Point n°62 sur
la campagne de parrainage des prisonniers politiques et d’opinion au
Maroc
Avant d’aborder les nombreuses
arrestations et condamnations qu’a connues le Maroc au mois de mai, nous
voudrions saluer la mémoire de Christine
Daure-Serfaty, qui, quatre ans après le décès de son mari Abraham Serfaty, vient de s’éteindre le 28
mai 2014 à Paris. Les démocrates marocains, rassemblés le vendredi 30 mai en
région parisienne, lors d’une rencontre initiée par l’ASDHOM et dédiée à la
mémoire des militant(e)s de l’immigration marocaine, ont rendu un hommage
vibrant à cette femme qui a épousé la cause du peuple marocain. Une minute de
silence a été observée à sa mémoire et une délégation, composée de plusieurs
organisations marocaines, dont l’ASDHOM, s’est rendue le jeudi 5 juin à son
inhumation qui a eu lieu à la commune de Juvanzé dans l’Aube (10). Plusieurs
témoignages émouvants ont été prononcés dont notamment celui d’Afous, fils d’Akka, victime du bagne de Tazmamart, et celui de Laila Chahid, la représentante de la
Palestine en Europe, qui a bien
connu la défunte quand elle était au Maroc.
Nous vous ferons parvenir par la
suite le mot qui a été lu au nom de toutes les forces démocratiques de
l’immigration marocaine.
Le mois dernier était très dense
en informations provenant du Maroc relativement aux atteintes aux droits et aux
libertés, toutes aussi préoccupantes les unes que les autres. Celles qu’on va
traiter dans ce point rallongent, malheureusement encore plus, les listes déjà
établies par l’ASDHOM dans le cadre de sa campagne de parrainage lancée en
novembre 2012. (voir www.asdhom.org)
Groupe
20-Février à Casablanca : Après plusieurs reports, le
procès des onze manifestants et militants du 20-Février, arrêtés le 6 avril 2014
à Casablanca lors d’une manifestation intersyndicale, a eu finalement lieu le 21
mai. Les condamnations sont tombées et elles sont lourdes. Un an de prison ferme
pour Hamza Haddi, Youssef Bouhlal, Ghani Zaâmoun, Hamid Alla
et Abdellatif Sarsari.
Sis mois de prison ferme pour Hakim Sarroukh,
Mohamed Harrak, Mustapha Aârass et Ayoub Boudad. Deux mois avec une amende de
5000 Dirhams pour Amine Kabbabi
et Fouad El-Baz. Ces
deux derniers ont été libérés à l’issue du procès puisqu’ils avaient déjà purgé
leur peine en préventive. Les familles et les soutiens des prévenus n’ont pas
été autorisés à assister au procès. Les neufs prévenus, en détention, ont refusé
d’assister eux aussi tout en continuant leur grève de la faim pour protester
contre le traitement qui leur a été infligé. Seul Mohamed Harrak est allé dénoncer les
violences subies en montrant au juge les traces de passage à tabac. Les avocats
de la défense, Me Abderrahmane Ben
Amro et Me Mohamed El
Messaoudi, lui-même poursuivi dans une autre affaire pour outrage à
magistrat, ont dénoncé un procès politique et inéquitable où les droits de la
défense n’ont pas été respectés. Plusieurs rassemblements ont été organisés à
Casablanca et Rabat pour les soutenir et réclamer leur
libération.
Toujours à Casablanca, le jeune
rappeur Mouad Belghouat, alias Elhaqed, militant du mouvement 20-Février, a de
nouveau été arrêté le dimanche 18 mai alors qu’il s’apprêtait à assister, avec
son frère Hamza et ses amis, à un match de foot. La police n’a rien trouvé cette
fois-ci que de lui reprocher « la vente de tickets au marché noir ». Son petit
frère, embarqué avec lui au commissariat, a été relâché au bout d’un
interrogatoire surréaliste. Mouad, lui, a été retenu et sa garde à vue s’est vue
prolonger avant d’être présenté à un juge. Faut-il rappeler que ce n’est pas la
première fois que ce jeune rappeur soit confronté à ce genre d’épreuves. Mouad a
déjà été condamné à 4 mois de prison en 2011 pour « coups et blessures » et à un
an de prison en mars 2012 pour « outrage à la police ». Tout le monde sait que
c’est son rap qui dérange. Les autorités marocaines veulent lui faire payer
ensuite son implication active dans le mouvement 20-Février. Il n’y a pas
longtemps, une conférence de présentation de son nouveau album Walou » a été
interdite.
Groupe
UNEM-Meknès : Arrêtés le 17 décembre 2012,
les cinq étudiants, militants de l’UNEM (Mounir Ait Khafou, Hassan Koukou, Soufiane Sghéri,
Hassan Ahamouch et Mohamed Eloualki) ont vu, depuis, leur procès
reporter à plusieurs reprises. Ils viennent d’être fixés sur leur sort le 12 mai
2014. Si Mohamed Eloualki a écopé de six mois et a donc été libéré à l’issue du
procès puisqu’il en a passé deux ans de plus en préventive, les quatre autres
ont, eux, écopé de trois ans chacun. Ce groupe, parrainé par notre ami Gilles
Deloustal du sud de la France, a mené plusieurs grèves de la faim, plus ou moins
longues, pour alerter l’opinion sur son sort et l’injustice qui l’a
frappé.
Groupe
Islamistes-Belliraj : Amnesty International mène de
2014 à 2016 une campagne intitulée « Stop torture ». Parmi les cinq pays sur
lesquels elle se focalise, figure le Maroc avec le cas d’Ali Aarrass que Me Alima Boumediene-Thierry
parraine dans le cadre de la campagne lancée par l’ASDHOM en 2012. Amnesty
International s’appuie sur les rapports établis par le Rapporteur spécial de
l’ONU Juan Mendez et par le Groupe de travail de l’ONU sur la détention
arbitraire. Rappelons que ce dernier avait demandé la libération immédiate d’Ali
Aarrass qui purge une peine d’emprisonnement de quinze ans à la prison de Salé,
depuis son extradition en 2010 par l’Espagne alors qu’il avait été innocenté par
le juge Baltasar des faits de
terrorisme qu’on lui reproche.
Groupe Libertés
d’expression-Journalistes-Syndicalistes : L’audition
du journaliste Ali Anouzla qui
devait avoir lieu le 20 mai a été reportée à une date non communiquée. Raison
invoquée : le juge est parti pour quelques jours de vacances ! Le comité
national de soutien qui avait appelé à un sit-in, a condamné ce nouveau report
injustifié et dénoncé le maintien des poursuites contre Ali Anouzla pour
« incitation au terrorisme » ainsi que le blocage continu du site électronique
Lakome.com dont il est le directeur en chef.
Le journaliste Mustapha El-Hasnaoui, condamné en juillet
2013 à trois ans de prison pour des délits liés au « terrorisme », observe
depuis le vendredi 16 mai une grève de la faim illimitée pour protester contre
ses conditions de détention à la prison centrale de
Kénitra.
Le militant syndicaliste Hamid Majdi, ex-secrétaire adjoint du
syndicat CDT à Ouarzazate et secrétaire général du PSU à Kalaât Sraghna, n’a pas
fini d’avoir des déboires avec la justice marocaine. Après avoir été condamné,
le 6 mai 2014, à un an de prison ferme et à une amende de 500 dirhams, il a été
de nouveau convoqué à comparaitre devant le tribunal de 1ère instance
d’Ouarzazate, le 22 mai, pour entre autres « entrave à al liberté de travail,
insultes, etc. » sur la base du fameux article liberticide 288 du code
pénal.
Groupe
Sahraouis-Guelmim-Ait Melloul : Après plusieurs reports, la
Cour d’appel d’Agadir a finalement condamné, le 15 mai 2014, les trois
prisonniers politiques sahraouis Mohamed
Khalfoun, Youssef Attar et Azouz Cheikhi à 4 mois de prison ferme.
Les trois ont donc été libérés à l’issue de ce procès étant donné qu’ils avaient
déjà passé 6 mois et demi de préventive à la prison d’Ait Melloul. Leur
arrestation était liée aux manifestations qu’a connues la ville de Zak après le
démantèlement du campement Tizimi et les protestations à Assa en septembre
2013.
Le 27 mai, ce sont six autres
prisonniers politiques sahraouis qui ont, eux, été condamnés par la même Cour
d’appel à des peines allant d’un an à trois ans de prison ferme. Mohamed Ghazouani (3 ans), Mohamed lamine Attar et Mohamed Hamou (un
an et six mois), ainsi que Mohamed Hasnaoui,
Hiba Chouiâr et Moussa Malki (un an) ont tous été arrêtés à Guelmim
en septembre 2013 en lien avec les mêmes évènements d’Assa. Placés en détention
préventive à la prison d’Inzgane puis d’Ait Melloul, leur procès a été reporté à
plusieurs reprises.
Avant eux, c’était au tour du
jeune prisonnier politique Abdallah
Boukayoud d’être condamné, le 23 mai 2014, par cette même Cour
d’appel, à quatre ans de prison ferme après avoir été placé en détention
préventive à la prison d’Ait Melloul depuis 7 mois. Abdallah s’est présenté à la
cour en étant en grève de la faim, entamée le 20 mai, pour protester contre les
mauvais traitements dont il a fait l’objet. Il a été arrêté entre Laâyoune et
Smara pour avoir participé aux manifestations à Guelmim après la mort en
septembre 2013 à Assa du jeune sahraoui Rachid
Echine.
Toujours en lien avec ces
évènements, une autre victime sahraouie fait les frais de la justice marocaine.
Il s’agit de Kaiss El-Hiba qui vu
sa peine augmenter, le 26 mai 2014, par la Cour d’appel d’Agadir d’un an à 5 ans
de prison ferme.
La prison d’Ait Melloul, qui
abrite également le défenseur sahraoui des droits de l’Homme Yahya Mohamed Hafed Izza, connait un
mouvement de grève de la faim pour protester sur les conditions désastreuses de
détention. L’AMDH a interpellé dernièrement les autorités marocaines sur la
dangerosité de cette prison qui a enregistré plusieurs morts parmi les
prisonniers de droit commun.
D’autres informations aussi
préoccupantes nous sont parvenues de Fès où des militants de l’UNEM-Fès font face à des procès politiques.
Nous y reviendrons au prochain point sur cette campagne de
parrainage.
Nous ne pouvons par contre clore
ce point sans signaler et dénoncer l’arrestation, le jeudi 5 juin, de plusieurs ouvriers de la
société « Moulins de la cote » à
Salé lorsqu’ils ont voulu
manifester pour réclamer l’application d’un jugement rendu en leur faveur en
2002 et qui exigeait de leur employeur le paiement des indemnités pour un
licenciement abusif.
Deux de leurs soutiens, les
syndicalistes et défenseurs des droits de l’Homme Naima Naim, Abdallah Laftansa et Ben Mchich, ont, eux,
été libérés après l’interrogatoire au commissariat. Nous revenons dans le
prochain point sur le développement de cette
affaire.
Bureau exécutif de
l’ASDHOM
Paris, le 7 juin
2014