RABAT, 31mai 2014 (SPS)-
La Haut-Commissaire des
Nations-Unies aux droits de l’homme, Mme Navi Pillay a exhorté, jeudi à
Rabat, les autorités marocaines à ouvrir des enquêtes immédiates sur
"les allégations de torture" contre les auteurs de mauvais traitements
et à exclure "les éléments de preuve obtenus sous la contrainte".
"Les allégations de torture doivent immédiatement faire l’objet
d’enquêtes sans exception, et les éléments de preuves obtenus sous la
contrainte doivent être exclus, comme exigé explicitement par les lois
internationales et marocaines",a déclaré Mme Pillay lors d’une
conférence de presse à l’issue de sa visite de quatre jours au Maroc.
Elle a estimé que "le cas des 21 prisonniers de Gdeim Izik en est un exemple, qui a besoin d’une enquête approfondie".
Pour rappel, le Tribunal militaire de Rabat avait condamné, en février
2013, des activistes sahraouis dit "groupe Gdeim Izik" à des peines
allant de 20 ans de prison à la perpétuité pour "atteinte à la sécurité
intérieure et extérieure de l’État, formation d’une bande criminelle et
atteinte aux fonctionnaires publics dans le cadre de l’exercice de leur
fonction".
Ils avaient été arrêtés, en novembre 2010, lors du démantèlement du camp
de quelque 3.000 tentes installées à El Ayoun où des Sahraouis y ont
élu domicile pour de "défendre leurs droits politiques, économiques et
sociaux".
Tout en exhortant les autorités à adopter rapidement le plan national
pour la démocratie et les droits de l’homme établi par le Conseil
national des droits de l’homme (CNDH), Mme Pillay a considéré que
"beaucoup de travail reste encore à faire pour engendrer la culture du
respect des droits de l’homme dans toutes les institutions de l’Etat, au
Maroc et au Sahara occidental, notamment parmi les officiers de
justice, les agents d’application de la loi, du personnel pénitentiaire
et des fonctionnaires de l’administration aux niveaux national, régional
et local.
Selon elle, "les habitudes et les pratiques traditionnelles néfastes ne
peuvent jamais justifier les violations des droits de l’homme et ne
devraient pas l’emporter sur le droit international ni sur la
constitution et les lois marocaines".
Dans ce contexte, elle a rappelé que "le rapporteur spécial sur la
torture,qui a visité le Maroc et le Sahara occidental en 2012, ainsi que
le Groupe de travail sur la détention arbitraire, qui l’a visité en
décembre 2013, ont tous les deux, exprimé leur inquiétude à propos de
l’utilisation de la torture et de mauvais traitements ainsi que la
recevabilité par les tribunaux des aveux extraits sous la torture".
Évoquant les manifestations au Maroc qui "ont lieu régulièrement, sans
incident", Mme Pillay a, néanmoins évoqué "des cas où les agents
d’application de la loi auraient utilisé une force excessive contre des
manifestations pacifiques"tels que les incidents survenus le 2 aout 2013 à Rabat où "les coups
de la police auraient été pris en vidéo", considérant que "cela doit
faire l’objet d’une enquête approfondie".
Elle a, en outre, noté que "des allégations graves ont également été
formulées concernant la violence contre les migrants subsahariens par
les forces de l’ordre marocaines", affirmant que celles-ci "doivent être
soigneusement examinées et les autorités devraient veiller au respect
des droits fondamentaux des migrants subsahariens, des réfugiés et des
demandeurs d’asile".
Abordant la question de la liberté d’expression, elle a affirmé qu'"il
est regrettable d’entendre que des journalistes et les blogueurs sont
visés ou se voient imposer des amendes, le retrait de l’enregistrement
et même l’emprisonnement sur la base d’accusations forgées de toutes pièces pour avoir examiné des question sensibles".
"Le cas d’Ali Anouzla est un exemple de l’application de la législation
anti-terroriste trop large pour pénaliser la liberté d’expression",
a-t-elle dit.
Arrêté en septembre 2013, le journaliste directeur du journal
électronique Lakome (version arabophone) est poursuivi depuis le 25
octobre 2013, en état de liberté provisoire, pour "assistance à des
criminels ayant commis des actes de terrorisme", " fourniture de moyens
pour la commission d’actes terroristes"et "apologie de crimes
terroristes".
Il avait été interpellé après la diffusion par son site d’une vidéo
attribuée à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui appelle au jihad et
fustige la monarchie marocaine.
A la suite de son arrestation, un comité national de solidarité, composé
de militants des droits de l’homme, des journalistes, d’avocats et de
membres de la société civile a été constitué pour demander l’abandon des
charges retenues contre lui.
Il s'agit de la première visite de Mme Pillay au Maroc, depuis sa prise
de fonctions en 2008 à la tête de cette institution onusienne.
(SPS)088/700/090
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