Par Thami Afailal,2/6/2014
L’un des premiers journalistes marocains, sinon le premier, à l’avoir
interviewé après qu’il soit devenu président de la république
tunisienne, vient d’être condamné au Maroc, sans d’ailleurs avoir été
informé de la date de son procès, mais cela ne semble pas déranger outre
mesure Moncef Marzouki.
Comme ne doit pas le déranger non plus que ce même journaliste, Ali Anouzla, soit poursuivi par la justice, en fait par le Palais royal, pour « apologie du terrorisme »,
pour, en réalité, avoir révélé que le roi, l’homme à qui Moncef
Marzouki a remis la plus haute distinction tunisienne, avait gracié un
pédophile espagnol condamné à trois décennies de prison pour avoir violé
une dizaine de petits marocains.
C’est ainsi. L’ancien dissident qui combattait la dictature de Ben
Ali est devenu aujourd’hui un supporter d’une dictature arabe. La
marocaine.
Apparemment, le fait que le Maroc ne soit pas un État de droit, que
la pratique de la torture, selon les récents rapports de l’ONU, soit une
constante, que des jeunes militants du Mouvement du 20 février
soient condamnés à la pelle pour faire taire leur élan et que
l’arbitraire le plus sauvage, comme le refus du wali de Rabat de
refuser, comme l’y oblige la loi, à remettre un récépissé de
constitution d’association à Freedom Now, ne semble pas émouvoir outre mesure notre ex-ami Moncef Marzouki.
Ne parlons pas des centaines de prisonniers politiques éparpillés un peu partout dans le royaume de « Sidi ».
On nous dira que le Marzouki président de la République ne doit pas
se comporter comme le Moncef dissident. Oui, mais, si Marzouki est là où
il est aujourd’hui c’est justement parce qu’il était un dissident et
qu’il y a eu cassure avec le passé. Cassure avec la dictature. Mais,
Moncef Marzouki le comprend-il ?
Les Tunisiens ont-ils un faible pour les régimes autoritaires ?
Sont-ils sensibles aux charmes de la matraque et du déni de justice ?
Comme a été affligeant pour nous autres marocains épris de liberté, de
voir à la télévision cette masse de députés tunisiens de l’Assemblée
constituante, dont nous connaissons personnellement certains éléments,
applaudir à tout va le discours du dictateur en babouches qui nous
gouverne, qui nous opprime et réprime, qui nous empêche de nous exprimer
librement au Maroc.
D’autant plus que le roi Mohamed VI, jusqu’à ce que la dictature de
Ben soit mise à terre, était son allié naturel. N’a-t-il pas, comme l’a
révélé le journal Le Monde, ordonné l’expulsion de Kamal
Jendoubi venu au Maroc à l’invitation de ses camarades marocains
quelques semaines seulement seulement avant la chute du dictateur ?
Nos amis tunisiens ont la mémoire courte. Maintenant qu’ils peuvent
se barbouiller entre eux sans l’oeil vigilant de Ben Ali, ils n’ont que
faire de la souffrance des autres peuples du Maghreb.
Nous n’oublierons pas cette trahison à l’esprit du sacrifice de Mohamed Bouazizi. Comme nous n’oublierons pas le geste symbolique, mais ô combien honorable, de Hamma Hammami
de refuser d’aller dîner avec le dictateur au nom de principes oubliés
par le maître des lieux du palais présidentiel : l’ex-dissident Moncef
Marzouki.
Thami Afailal
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire