Association
de Défense des Droits de l’Homme au Maroc
ASDHOM 79, rue
des Suisses 92000 Nanterre
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Point
hebdomadaire n°61 sur la campagne de parrainage des prisonniers d’opinion au
Maroc
Le campus universitaire Dhar El-Mahraz de Fès a connu récemment des
affrontements violents qui ont conduit malheureusement à la mort, le 25 avril
2014, du jeune étudiant Abderrahim
El-Hasnaoui. L’ASDHOM, tout en présentant ses condoléances à la
famille du défunt, condamne toute violence, d’où qu’elle vienne. L’université
doit rester un lieu de transmission du savoir et de la confrontation des idées
dans la paix et en toute sérénité. Et si nous revenons sur ces évènements
dramatiques, ce n’est certainement pas pour abonder dans la déferlante
médiatique et judiciaire qui leur a succédé pour montrer du doigt accusateur une
partie des antagonistes et son syndicat estudiantin l’UNEM.
Nous le faisons pour
poser des questions car il y a eu mort d’homme et nous exigeons de la justice,
si tant est qu’il y en ait une au Maroc, d’y répondre. L’atteinte à l’intégrité
physique et à la vie d’une personne est un crime qui doit être puni. La justice
doit être capable de déterminer et identifier en toute indépendance et équité à
qui profite le crime. Sinon, à la jeune victime Abderrahim El-Hasnaoui, elle ne
ferait qu’ajouter d’autres victimes d’une machine judiciaire qui se serait
emballée pour être utilisée à des fins non avouées. Nous craignons que cette
justice se laisse influencer par les sorties médiatisées et la participation du
chef du gouvernement marocain en personne et les larmes de son ministre de
l’Education nationale aux funérailles du défunt El-Hasnaoui. Une première au
Maroc. Avant lui, trois autres jeunes étudiants, Maâti Boumli, Benaissa Ait El-Jid
et Mohamed Fizazi,
assassinés aux universités d’Oujda et de Fès, n’ont pas eu droit à ce
traitement. Les deux premières victimes appartenaient au courant basiste de
l’UNEM d’obédience marxiste-léniniste.
Est-ce que le fait que la victime
El-Hasnaoui appartenait de son vivant à l’organisation « Renouveau
estudiantin », affiliée au PJD, parti islamiste au gouvernement depuis les
élections de 2011, y serait pour quelque chose ? Nous laissons à la justice le
soin de répondre à cette question et nous l’invitons à répondre à d’autres
questions que nous sommes d’ailleurs en droit de nous poser.
Un bref retour sur les événements
dramatiques de Fès s’impose.
Ces violences ont opposé le 24
avril 2014 les étudiants de l’UNEM-Fès, essentiellement de la Voie Démocratique
Basiste (Marxiste-léniniste), à ceux du Renouveau estudiantin (islamistes du
PJD) au moment où ces derniers se préparaient à accueillir une conférence sur le
dialogue entre les islamistes et la gauche marocaine. L’un des conférenciers et
animateurs de cette conférence n’est autre que Abdelali Hami-Eddine, à qui les
militants de l’UNEM reprochent d’être l’un des assassins de leur camarade
Benaissa Ait El-Jid. Son procès d’ailleurs court toujours. Pour alerter la
présidence de l’université de Fès et l’emmener à annuler l’évènement, ils ont
publié quelques jours avant un communiqué pour dire leur mécontentement de le
voir revenir sur le lieu du crime qui reste impuni. La présidence, consciente
des risques, n’a toutefois pas interdit la tenue de cette conférence,
contrairement à il y a quelques mois où, aidée par les autorités locales, avait
interdit une conférence sur le mouvement 20-Février, que devait organiser
l’UNEM-Fès, en invoquant « l’atteinte à l’ordre
public ».
Après les affrontements
condamnables, Abderrahim El-Hasnaoui, blessé gravement au pied, a été transporté
aux urgences de l’hôpital où il a subi une opération. Le communiqué des
médecins, publié le lendemain, et les examens médicaux indiquent que l’opération
a réussi, qu’aucun organe vital n’était touché et que son état de santé se
stabilisait. Qu’est-ce qui explique alors sa mort annoncée quelques heures
après ? On comprend dès lors que des médecins de Fès se sont offusqués, sous
couvert d’anonymat. Ils considèrent que cette affaire, politisée et entourée de
zones d’ombre, met en cause leur compétence et salit leur
image.
Les arrestations opérées
rapidement après les affrontements et avant la mort du défunt n’ont touché qu’un
groupe des antagonistes. Pourquoi pas l’autre ? Et pourquoi ces arrestations
pour violences, et qui vont être suivies d’accusation grave requalifiée de
« meurtre avec préméditation », ont touché des anciens prisonniers politiques de
l’UNEM-Fès qui n’étaient pas présents le jour des affrontements tel que Mohamed
Ghalout qui a coupé définitivement avec l’université de
Fès ?
Les opérations de police se sont
poursuivies au-delà de Fès, dans d’autres universités du pays, comme à
l’université de Marrakech, où un groupe de criminels non identifié s’est attaqué
aux militant(e)s de l’UNEM. C’est dans ce climat de peur et de terreur qui
rappelle ce nouveau phénomène étrange dit « Tcharmil », secouant la société
marocaine, que les ministres de l’Intérieur et de l’Education nationale ont
décidé mardi 6 mai d’autoriser les interventions policières au sein des
universités marocaines. Le « pompier pyromane » n’est-il pas en train de mettre
le pays à feu et à sang pour justifier ses interventions musclées et son
approche sécuritaire ?
Nous restons vigilants et nous
mettons en garde les autorités marocaines contre cette escalade de violence et
contre toute tentative de son exploitation pour venir à bout de tout mouvement
de protestation populaire et pacifique. Assimiler les militant(e)s de l’UNEM, du
mouvement 20-Février, du mouvement des diplômés chômeurs et les défenseurs des
droits de l’Homme à de vulgaires criminels n’est pas acceptable. Nous refusons
qu’ils soient victimes de procès non équitables, montés de toutes pièces, où ils
sont généralement accusés à tort de « violences à l’encontre d’agents de l’Etat,
rassemblements armés et non autorisés, destruction de biens publics,
désobéissance, etc. »
L’ASDHOM continuera donc à
défendre ces victimes d’atteinte aux droits qu’elle considère comme des
prisonniers d’opinion en les proposant au parrainage dans le cadre de sa
campagne de solidarité internationale lancée en 2012 (voir le site www.asdhom.org).
Nous consacrons le reste de ce
point aux récentes arrestations et condamnations qui témoignent de la volonté
des autorités marocaines de s’attaquer aux droits les plus
élémentaires.
Groupe
UNEM-Fès : Suite aux affrontements
violents du 24 avril 2014, sujet principal de ce point, plusieurs arrestations
et enlèvements, suivis de procès avec de lourdes accusations, vont toucher les
seuls militants de l’UNEM-Fès appartenant au courant la Voie Démocratique
Basiste. Au total, 9 militants ont été arrêtés et placés à la prison
locale Ain Kadous, portant ainsi le nombre de prisonniers de l’UNEM-Fès
à 21. Il s’agit de Mohamed Ghalout, Omar Taybi, Mohamed Janati, Abderrazak
Aârab, Belkacem Benâzza, Oussama Zantar, Abdennabi Chaoul, Yacine Lamsih et
Zakaria Manhich. Brahim Lahboubi et la sœur de Yacine Lamsih sont poursuivis en
liberté. A ceux-là s’ajoutent les douze (voir point précédent), déjà condamnés à
4 mois de prison ferme, et qui mènent une grève de la faim d’une semaine à
partir du 29 avril pour dénoncer leurs conditions de détention et affirmer leur
attachement à l’UNEM qui se bat contre la réforme qui prévoit, entre autres,
l’instauration des droits d’inscription (2000 DH).
Groupe
Ouarzazate-Microcrédits : Le 26 avril, la caravane
internationale de solidarité avec les victimes des dérives du microcrédit a été
interdite de passer la nuit à l’hôtel de Rich sur ordre des autorités locales.
La journaliste Anaëlle Verzaux de France Inter était sur place. Nous vous
invitons à écouter son reportage diffusé dans le cadre de l’émission « Là-bas si
j’y suis » : http://www.franceinter.fr/emission-la-bas-si-jy-suis-microcredit-comment-se-faire-des-perles-avec-la-sueur-des-pauvres
http://www.franceinter.fr/emission-la-bas-si-jy-suis-microcredit-comment-se-faire-des-perles-avec-la-sueur-des-pauvres-2
http://www.franceinter.fr/emission-la-bas-si-jy-suis-microcredit-comment-se-faire-des-perles-avec-la-sueur-des-pauvres-2
Par ailleurs et s’agissant des
procès intentés aux syndicalistes de Ouarzazate, trois d’entre eux ont été
condamnés le 6 mai par la Cour d’appel de Ouarzazate, après avoir annulé la
décision de première instance, à des peines allant de 6 mois à un an de prison
ferme. Omar Oubouhou, secrétaire général régional de la CDT et Nasri Bouslham,
trésorier du même syndicat, ont écopé de 6 mois et une amende. Tandis que Hamid
Majdi, le secrétaire adjoint, a, lui, écopé d’un an de prison ferme. Rappelons
que Hamid Majdi avait déjà été innocenté dans un autre procès à Marrakech pour
« trafic de drogue ». Il figure toujours dans nos listes de parrainés.
L’acharnement jusqu’au bout !
Groupe
Berchid-AMDH : Hind Bharti et Mohamed Dyan,
deux membres de la section Berchid de l’AMDH ont été condamné(e)s le 28 avril
2014 à de la prison ferme après leur soutien aux victimes d’expulsion de leurs
maisons. 3 mois pour Hind, mère d’un enfant, et 4 mois pour Mohamed, en plus
d’une amende de 1000 Dh chacun.
Groupe
Sahraouis-Guelmim-Laâyoune : Le juge d’instruction près la
Cour d’appel d’Agadir a décidé le 2 mai de placer le défenseur des droits de
l’Homme sahraoui, Abdelkhalek Markhi, en prison sans désigner laquelle à sa
famille. Il est poursuivi depuis le 29 avril 2014 pour les mêmes chefs
d’accusation que les six de Guelmim qui avaient manifesté leur soutien aux
militants d’Assa après le démantèlement du campement Tizimi en septembre 2013.
Leur procès à eux a été reporté du 29 avril au 26 mai
2014.
A Laâyoune, le tribunal a
condamné, le 7 mai 2014, le prisonnier politique sahraoui, Abdeslam Loumadi, à
10 mois de prison ferme dans un procès inéquitable devant quelques observateurs
espagnols.
Pour clore ce point sur une note
optimiste, l’ASDHOM félicite le prisonnier politique Abdelhalim Bakkali de recouvrer enfin sa
liberté après deux ans de prison ferme, passés entre la prison d’Al-Hoceima et
celle de Tanger. Ses camarades de l’ANDCM et du mouvement 20-Février de Béni
Bouayach s’apprêtent à fêter son retour parmi eux les 12 et 13
mai.
Bureau exécutif de
l’ASDHOM
Paris, le 9 mai 2014