Par Aboubakr Chraïbi, enseignant et militant de l'AMDH, 4/11/2011 https://www.facebook.com/MAMFAKINCH.Official
Il y a un véritable problème avec l’islam. Il suffit d’évoquer l’un des pays « arabes » pour que ce problème surgisse immédiatement. Nous le constatons chaque jour dans la télévision, les journaux, sur Internet, dans les librairies et même dans les mouvements bien intentionnés qui appellent au dialogue Orient/Occident. Aucun espace médiatique n’est épargné. Et tout ce remue-ménage, curieusement, semble peu productif.
Cependant, soyons précis : ce n’est pas l’islam qui est en jeu dans les révolutions en cours dans le monde arabe, c’est la démocratie, ou plus exactement l’exigence de démocratie. Des démocrates tentent de chasser des autocrates. L’islam serait-il alors un autre ennemi terrible de la démocratie, caché tout juste derrière les tyrans et les dictateurs ? Personne ne semble avoir de réponse satisfaisante… Cependant, une chose semble sûre : ce n’est pas là la priorité.
Ce n’est pas la priorité parce que la démocratie de toutes les façons est constamment remise en cause, par diverses idéologies, et qu’il faut aller à l’essentiel, à ce qui lui fait aujourd’hui barrage. L’Histoire nous a appris que la démocratie peut elle-même être ennemie de la démocratie ! Sinon que sont alors les mouvements colonialistes? Ne sont-ils pas partis de pays réputés démocratiques pour transformer d’autres pays et les habitants de ces pays en régions et en citoyens de seconde zone ? N’ont-ils pas pratiqué la torture ? Il serait vain de vouloir supprimer tous les ennemis potentiels de la démocratie (la liste est sans fin) avant de vouloir s’attaquer à l’essentiel, au tyran en acte, à celui qui concentre effectivement tous les pouvoirs.
En admettant que derrière les tyrans il y a de terribles islamistes (et non pas simplement des partis islamiques, dont une petite minorité est extrémiste …), cela signifierait seulement qu’il n’y a pas un, mais deux problèmes à résoudre, successivement : le tyran puis les islamistes, dans cet ordre.
La question qui se pose parfois, dans un esprit conservateur, est : faut-il préserver le tyran pour nous protéger de plus grands malheurs ? En d’autres termes, faut-il confier à un despote la résolution du problème de l’extrémisme ou du terrorisme islamiste?
Non. Il ne faut pas lui faire confiance. D’abord, ce serait immoral de notre part, ce serait renier nos propres valeurs de justice et de solidarité que de laisser faire le tyran avec les méthodes médiévales inacceptables qu’il a utilisées jusqu’à ce jour. Ensuite, en admettant qu’un tyran ait la volonté de résoudre le problème (et non pas seulement de l’entretenir …), il ne le fera pas en faveur de la démocratie, mais en sa faveur, naturellement, renforçant son autorité, créant des lois liberticides : c’est ce qu’il s’est concrètement passé depuis le drame du 11 septembre. Le tyran établira les lois antidémocratiques qui finiront par mettre tous les opposants dans la même prison, anéantissant au passage, avec les islamistes, les démocrates.
Aujourd’hui, les partis islamiques reconnus se réclament rarement comme islamistes. Même si leurs référents idéologiques, généralement, datent du VIIe-IXe siècles, sont archaïques, sexistes et passéistes, autant d’ailleurs que les deux autres religions du Livre, ils portent cependant des valeurs morales fortes (en faveur de la justice, du partage, du bon usage des biens publics, contre la corruption, …).
Pourquoi ne pas leur faire confiance ? Et une marque certaine de cette confiance partagée possible est de ne pas les identifier à la tyrannie actuelle, mieux encore: de les défendre contre cette tyrannie (c’est l’attitude méritoire de l’AMDH, par exemple). S’ils prônent un islam modéré, ils peuvent être des interlocuteurs et, pourquoi pas, sous certaines conditions, des partenaires : c’est encore une question de confiance et d’efficacité, de reconnaissance aussi de notre diversité. C’est une réalité du terrain. Le mouvement du 20 février en porte les germes, car c’est un mouvement généreux. Être démocrate c’est accepter cette réalité et cette diversité en privilégiant les qualités morales et en y mettant les conditions pour échapper aux archaïsmes. C’est l’avenir commun qui est en jeu, contre encore et toujours la tyrannie.