A Son Excellence,
Mme. Navi PILLAY,
Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de
l’Homme
Objet : État des lieux des droits humains
des citoyens/es, communautés et
populations autochtones
amazighs (berbères) au royaume du Maroc
Excellence,
Nous avons l’honneur de vous souhaiter la
bienvenue à notre région de Tamazgha (Afrique du Nord) et nous profitons de
votre présence au Maroc pour attirer votre attention sur les violations des
droits humains en ce qui concerne les citoyens et communautés amazighes,
(populations autochtones), en vous demandant de vous pencher sur cette question
avec le gouvernement et les autorités marocaines.
Sachez qu’avec l’avènement de nouveau roi
Mohamed VI en 1999, un si grand espoir était ouvert lorsqu’ il a pris
l’initiative de la création de l’instance Équité et Réconciliation, inspiré
justement de l’exemple de votre pays d’origine qu’est l’Afrique du Sud, pour se
pencher sur les graves violations des droits humains des années de plomb, sous
le règne de défunt dictateur Hassan II.
La dite instance a permis à certaines
victimes de s’exprimer et de les récompenser par certaines maigres compensations
financières, mais elle n’a jamais osé aborder le crime contre l’humanité commis
à l’encontre des populations amazighes civiles de la région du Rif durant les
années 58-59, ni encore moins éclaircir les nombreux assassinats politiques
commis à l’encontre des membres de l’armée de libération dont le chef Abbas
Mesaâdi, ou des chercheurs amazighs comme le linguiste Boujemaâ El
Habbaz…Les responsables des dits crimes ne se sont jamais inquiétés d’être
traduit devant les tribunaux jusqu’à nos jours.
Tout à fait le contraire de ce qui s’est
passé en Afrique du Sud où les populations autochtones ont accédées au
pouvoir, comme un moyen de réconciliation nationale, les citoyens amazighs, qui
comprennent la majorité de la population marocaine et qui comptent parmi eux le
plus grand nombre des victimes de ces années de plomb, sont privés d’accès au
centre du pouvoir, -à l'exception de ceux qui falsifient leur généalogie et ceux
qui montrent un certain mépris envers les autochtones-, et sont condamnés à
vivre aux marges et à se cantonner dans les régions périphériques et
montagnards…privés du droit de création des formations politiques autochtones,
comme c'était le cas de l’interdiction du Parti Démocrate Amazigh Marocains
(PDAM), alors qu’on autorise la création des dizaines de partis politiques sur
les bases exclusives de l’idéologie arabo-musulmane…
Excellence,
Même si la réforme de la Constitution
marocaine du 1 juillet 2011, après les événements des jeunes du 20 Février,
reconnaît définitivement l’identité amazighe et le caractère officiel de la
langue amazighe, malheureusement les autorités marocaines continuent à pratiquer
une politique d’apartheid anti-amazigh, qui s’est aggravée par l’accession au
pouvoir d’un parti islamiste, en l’occurrence le Parti de la Justice et de
Développement (PJD).
Cette politique de discrimination
institutionnalisée s’affiche par ces faits suivants :
-
les nouvelles cartes d’identité nationale
des citoyens amazighs, écrites exclusivement en arabe et en français, comportent
la lettre « z » de la première écriture africaine qu’est le tifinagh, invisible
à l’œil nu mais détectable en la soumettant à une dense lumière.
-
Aux citoyens qui se croient d’origine
d’Arabie et de lignages religieux connu sous le nom de « shurfa », s’adjugeant
des généalogies proche-orientales « Arabes », détiennent des cartes où on
exprime aux autorités de leur faciliter leurs taches administratives, au
détriment des citoyens courants !
-
Même au sein du propre palais royal, toute
personne qui manifeste son amazighité risque par être discriminé et écarté,
comme s’est passé avec l’ancien porte-parole du roi, M. Hassan
Aourid.
-
Le ministre amazigh des Affaires
Extérieures Dr. Saaeddine El Othmani, qui avait proposé le
changement du nom de dénomination raciste de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) en
Union du Grand Maghreb, a été rapidement évincé lors de dernier remaniement
gouvernemental.
-
Le gouvernement marocain continue à
maintenir à son poste M. Ahmed Lahlimi Alami, au Haut
Commissaire au Plan, et il le charge de diriger l’opération de nouveau
recensement de la population en septembre prochain, sachant qu’il est mis en
cause par le rapport de la Cour des Comptes, dans le détournement des fonds
publics, et en plus et du fait de son appartenance idéologique à une formation
politique arabiste, il a falsifié délibérément le nombre des Amazighs, en les
réduisant à un chiffre dérisoire de 28,4 % de la population lors de recensement
de 2004!
-
Les autorisations de circulation des
moyens de transport (taxis, camions, bus…) ainsi que les permis d’exploitation
des gisements miniers et des richesses halieutiques sont souvent octroyés et
réservés prioritairement aux proches des cercles de pouvoir qui partagent les
mêmes supposées généalogies religieuses et proche-orientales!
-
Pour accéder à un poste de responsabilité,
les candidats Amazighs sont soumis à une certaine enquête détaillée des services
de la police politique comme l’a dénoncé l’actuel ministre de l’Enseignement
supérieur Dr. Lahcen Daoudi…
Excellence,
Même si, en tant que militants et
démocrates pacifistes Amazighs, nous avons réussi à arracher quelques
revendications comme la création de l’Institut Royal de la Culture Amazighe
(IRCAM) et la Télévision Tamazight (TV8), la première vient d’être
incompréhensiblement amputée des membres de son conseil d’administration et la
deuxième ne compte plus avec un budget conséquent, ni avec des moyens humains ni
une direction autonome !
Mais en ce qui concerne les engagements de l’État marocain suite aux revendications du Mouvement de la jeunesse du vingt
février 2011 et du mouvement amazigh, notamment la reconnaissance, dans la
Constitution du 1 juillet 2011, de l’Amazighe en tant que langue officielle pour
tous les marocains, celle-ci est restée de façon abjecte une lettre morte, déjà
depuis bientôt trois ans. Et en dépit du temps écoulé, les principes
constitutionnels qui devaient être traduits sous forme de loi organique, de
décrets, arrêtés et circulaires d’applications du caractère officiel de la
langue africaine et autochtone qu’est l’amazighe, le gouvernement ne manifeste
aucune volonté politique et continue à œuvrer à :
- Interdiction de l’utilisation de
l’amazighe, à l’écrit et à l’oral, au sein des différentes institutions de
l’Etat marocain, dont le parlement avec les cas des députés Mme. Fatima
Chahou (Tabaamrant)et de M. Abdellatif Ouammou ;
- Absence de la langue amazighe et de son
écriture dans les nouvelles monnaies nationales, les cartes nationales et
passeports ;
- Absence d’évolution dans le dossier de
l’apprentissage de l’amazighe, et le frein à sa généralisation dans
l’enseignement primaire et secondaire, ce qui aurait pu contribuer efficacement
à lutter contre le taux alarmant de l’analphabétisme des enfants
- Absence d’intégration de l’amazigh dans
les programmes de l’alphabétisation des adultes et des femmes et dans la
formation ;
- Frein d’intégration de l’amazigh dans les
médias audio-visuels et absence totale de politique de « discrimination
positive », sachant que la langue amazighe a été privée de jouir de ses droits
depuis l’indépendance du pays, soit depuis cinquante huit ans ;
- Les prisonniers politiques amazighs,
notamment Mustapha Oussaya et Hamid Aadouch continuent à être incarcérés
à la prison de Meknès depuis sept années, sans que le Conseil Consultatif des
Droits Humains, ni le ministère de la Justice s’en préoccupent pour ouvrir de
nouveau leur dossier juridique caractérisé par de nombreuses et graves
anomalies; chose qu’ils ne
ménagent pas lorsque il s’agit de prisonniers politiques d’extrême gauche
« arabistes » ou de salafistes « islamistes » !.
-
Jusqu’à maintenant les cinq victimes
amazighes brûlées de la province d’Alhoceima (Imad Alqadi, Jawad Benqaddour,
Jamal Salmi, Samir Lbouazaoui et Nabil Jaafar) lors des manifestations
pacifiques du vingt février 2011 ne sont toujours pas élucidés et l’état n’a
diligenté aucune enquête approfondie pour délimiter les responsabilités, chose
que les populations civiles du Rif sortent à chaque fois dans les rues pour
élucider ce drame. (voir ce lien : http://voxmaroc.blog.lemonde.fr/2012/02/11/nouveaux-elements-dans-laffaire-des-5-cadavres-dal-hoceima/ ). De même les assassinats suspects de
Kamal Hussaini à Ait Bouayach, de Karim Chaib à Sefrou, de Kamal Ammari et
Mohamed Boudouroua à Safi, et de Fadwa Laaroui à Souk Sebt, et les procès de
dizaines de prisonniers politiques du Mouvement du 20 février sont restés sans
suite dans les coulisses des tribunaux marocains où la justice est
malheureusement encore aux ordres !
- Diverses promotions de diplômés amazighs
dans différents domaines et en langue amazighe sont confinées au chômage et
subissent de continuelles répressions policières devant le parlement, à l’instar
des sévices contres des enseignants.
- La ségrégation continue à persister en ce
qui concerne le soutien de l’Etat au cinéma, à l’art, aux journaux, à la
culture, aux auteurs amazighs et aux associations...
- Interdiction de certaines activités
associatives, de manifestations comme le sit in que notre ONG, l’Assemblée
Mondiale Amazighe voulait organiser à la frontière algéro-marocaine, le 9
février dernier, en solidarité avec les populations amazighes du Mzab algérien
et en faveur de l’ouverture des frontières, a été formellement interdite par les
autorités marocaines par écrit ;
- Détention de certains militants amazighs
sans motifs apparents comme il vient de se passer avec Samir El Morabit
à la ville d’Alhoceima juste au moment où vous arrivez au
Maroc !
- Des pratiques ségrégationnistes et des
répressions inédites contre les populations Amazighes comme le cas des Ayt Bu
Ayache, d’Imzuren, de Tinghir, d’ Imider, d’Ayt Sgugu à Mrirt, d’ Ait Baha au
sud, à Targuist… ;
- La continuation de la spoliation des
terres collectives des tribus amazighes par des décrets de l’époque coloniale.
Dernièrement le ministère de l’Intérieur a pris l’initiative de lancer un
dialogue national sur ce thème dans le but de réformer le cadre législatif et
l’amélioration des procédures de gestion de ces terres collectives par les
acteurs sociaux et politiques. Selon le projet de la plate-forme du dialogue, le
ministère voudrait élaborer une stratégie en faveur de la promotion et de
développement de ce patrimoine collectif au profit des communautés soulaliyates
et de ses membres, ainsi que la consolidation du développement humain… Mais nos
soupçons vont à l’encontre de ce qui est exprimé, et ça risque de compliquer
encore plus la gestion de ces terres et de porter sérieusement atteinte à la
cohésion des communautés soulaliyates, et par conséquent nuire les intérêts des
ayant-droits et pousser ces populations rurales à un exode rural
intolérant;
- Le délaissement des sites archéologiques
comme le site préhistorique casablancais de l’Homme de Sidi Abderrahmane
transformé en décharges publiques et le délabrement des monuments historiques
comme le tombeau du Youssef Tachfine à Marrakech…
Excellence,
En vous remerciant de votre diligence à
interpeller les autorités marocaines afin qu’elles changent de cap et respectent
effectivement les droits humains en général dont ceux des citoyens et
populations amazighs, veuillez agréer, Excellence, l’assurance de notre
considération fort distinguée.
Signé: Rachid
RAHA
Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe
Rachid RAHA
Président de l'Assemblée Mondiale Amazighe - Bruxelles
Adresse Postale:
EDITIONS
AMAZIGH
5, Rue Dakar
Appt. 7
10.040 Rabat
/ Morocco
Facebook: www.facebook.com/raha.rachid
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