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samedi 7 juin 2014

Etat des lieux des droits humains des citoyens/es, communautés et populations autochtones amazighs (berbères) au royaume du Maroc



A Son Excellence,
            Mme. Navi PILLAY,
            Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme


Objet : État des lieux des droits humains des citoyens/es, communautés et
            populations autochtones amazighs (berbères) au royaume du Maroc

Excellence,

Nous avons l’honneur de vous souhaiter la bienvenue à notre région de Tamazgha (Afrique du Nord) et nous profitons de votre présence au Maroc pour attirer votre attention sur les violations des droits humains en ce qui concerne les citoyens et communautés amazighes, (populations autochtones), en vous demandant de vous pencher sur cette question avec le gouvernement et les autorités marocaines.

Sachez qu’avec l’avènement de nouveau roi Mohamed VI en 1999, un si grand espoir était ouvert lorsqu’ il a pris l’initiative de la création de l’instance Équité et Réconciliation, inspiré justement de l’exemple de votre pays d’origine qu’est l’Afrique du Sud, pour se pencher sur les graves violations des droits humains des années de plomb, sous le règne de défunt dictateur Hassan II.

La dite instance a permis à certaines victimes de s’exprimer et de les récompenser par certaines maigres compensations financières, mais elle n’a jamais osé aborder le crime contre l’humanité commis à l’encontre des populations amazighes civiles de la région du Rif durant les années 58-59, ni encore moins éclaircir les nombreux assassinats politiques commis à l’encontre des membres de l’armée de libération dont le chef Abbas Mesaâdi, ou des chercheurs amazighs comme le linguiste Boujemaâ El Habbaz…Les responsables des dits crimes ne se sont jamais inquiétés d’être traduit devant les tribunaux jusqu’à nos jours.

Tout à fait le contraire de ce qui s’est passé en Afrique du Sud où les populations autochtones ont accédées au pouvoir, comme un moyen de réconciliation nationale, les citoyens amazighs, qui comprennent la majorité de la population marocaine et qui comptent parmi eux le plus grand nombre des victimes de ces années de plomb, sont privés d’accès au centre du pouvoir, -à l'exception de ceux qui falsifient leur généalogie et ceux qui montrent un certain mépris envers les autochtones-, et sont condamnés à vivre aux marges et à se cantonner dans les régions périphériques et montagnards…privés du droit de création des formations politiques autochtones, comme c'était le cas de l’interdiction du Parti Démocrate Amazigh Marocains (PDAM), alors qu’on autorise la création des dizaines de partis politiques sur les bases exclusives de l’idéologie arabo-musulmane…

Excellence,

Même si la réforme de la Constitution marocaine du 1 juillet 2011, après les événements des jeunes du 20 Février, reconnaît définitivement l’identité amazighe et le caractère officiel de la langue amazighe, malheureusement les autorités marocaines continuent à pratiquer une politique d’apartheid anti-amazigh, qui s’est aggravée par l’accession au pouvoir d’un parti islamiste, en l’occurrence le Parti de la Justice et de Développement (PJD).

Cette politique de discrimination institutionnalisée s’affiche par ces faits suivants :
-       les nouvelles cartes d’identité nationale des citoyens amazighs, écrites exclusivement en arabe et en français, comportent la lettre « z » de la première écriture africaine qu’est le tifinagh, invisible à l’œil nu mais détectable en la soumettant à une dense lumière.
-       Aux citoyens qui se croient d’origine d’Arabie et de lignages religieux connu sous le nom de « shurfa », s’adjugeant des généalogies proche-orientales « Arabes », détiennent des cartes où  on exprime aux autorités de leur faciliter leurs taches administratives, au détriment des citoyens courants !
-       Même au sein du propre palais royal, toute personne qui manifeste son amazighité risque par être discriminé et écarté, comme s’est passé avec l’ancien porte-parole du roi, M. Hassan Aourid.
-        Le ministre amazigh des Affaires Extérieures Dr. Saaeddine El Othmani, qui avait proposé le changement du nom de dénomination raciste de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) en Union du Grand Maghreb, a été rapidement évincé lors de dernier remaniement gouvernemental.
-       Le gouvernement marocain continue à maintenir à son poste M. Ahmed Lahlimi Alami, au Haut Commissaire au Plan, et il le charge de diriger l’opération de nouveau recensement de la population en septembre prochain, sachant qu’il est mis en cause par le rapport de la Cour des Comptes, dans le détournement des fonds publics, et en plus et du fait de son appartenance idéologique à une formation politique arabiste, il a falsifié délibérément le nombre des Amazighs, en les réduisant à un chiffre dérisoire de 28,4 % de la population lors de recensement de 2004!
-       Les autorisations de circulation des moyens de transport (taxis, camions, bus…) ainsi que les permis d’exploitation des gisements miniers et des richesses halieutiques sont souvent octroyés et réservés prioritairement aux proches des cercles de pouvoir qui partagent les mêmes supposées généalogies religieuses et proche-orientales!
-       Pour accéder à un poste de responsabilité, les candidats Amazighs sont soumis à une certaine enquête détaillée des services de la police politique comme l’a dénoncé l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur Dr. Lahcen Daoudi

Excellence,

Même si, en tant que militants et démocrates pacifistes Amazighs, nous avons réussi à arracher quelques revendications comme la création de l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) et la Télévision Tamazight (TV8), la première vient d’être incompréhensiblement amputée des membres de son conseil d’administration et la deuxième ne compte plus avec un budget conséquent, ni avec des moyens humains ni une direction autonome !

Mais en ce qui concerne les engagements de l’État marocain suite aux revendications du Mouvement de la jeunesse du vingt février 2011 et du mouvement amazigh, notamment la reconnaissance, dans la Constitution du 1 juillet 2011, de l’Amazighe en tant que langue officielle pour tous les marocains, celle-ci est restée de façon abjecte une lettre morte, déjà depuis bientôt trois ans. Et en dépit du temps écoulé, les principes constitutionnels qui devaient être traduits sous forme de loi organique, de décrets, arrêtés et circulaires d’applications du caractère officiel de la langue africaine et autochtone qu’est l’amazighe, le gouvernement ne manifeste aucune volonté politique et continue à œuvrer à :

-  Interdiction de l’utilisation de l’amazighe, à l’écrit et à l’oral, au sein des différentes institutions de l’Etat marocain, dont le parlement avec les cas des députés Mme. Fatima Chahou (Tabaamrant)et de M. Abdellatif Ouammou ;
-  Absence de la langue amazighe et de son écriture dans les nouvelles monnaies nationales, les cartes nationales et passeports ;
- Absence d’évolution dans le dossier de l’apprentissage de l’amazighe, et le frein à sa généralisation dans l’enseignement primaire et secondaire, ce qui aurait pu contribuer efficacement à lutter contre le taux alarmant de l’analphabétisme des enfants
- Absence d’intégration de l’amazigh dans les programmes de l’alphabétisation des adultes et des femmes et dans la formation ;
- Frein d’intégration de l’amazigh dans les médias audio-visuels et absence totale de politique de « discrimination positive », sachant que la langue amazighe a été privée de jouir de ses droits depuis l’indépendance du pays, soit depuis cinquante huit ans ;
- Les prisonniers politiques amazighs, notamment Mustapha Oussaya et Hamid Aadouch continuent à être incarcérés à la prison de Meknès depuis sept années, sans que le Conseil Consultatif des Droits Humains, ni le ministère de la Justice s’en préoccupent pour ouvrir de nouveau leur dossier juridique caractérisé par de nombreuses et graves anomalies; chose qu’ils ne ménagent pas lorsque il s’agit de prisonniers politiques d’extrême gauche « arabistes » ou de salafistes « islamistes » !.
-              Jusqu’à maintenant les cinq victimes amazighes brûlées de la province d’Alhoceima (Imad Alqadi, Jawad Benqaddour, Jamal Salmi, Samir Lbouazaoui et Nabil Jaafar) lors des manifestations pacifiques du vingt février 2011 ne sont toujours pas élucidés et l’état n’a diligenté aucune enquête approfondie pour délimiter les responsabilités, chose que les populations civiles du Rif sortent à chaque fois dans les rues pour élucider ce drame. (voir ce lien : http://voxmaroc.blog.lemonde.fr/2012/02/11/nouveaux-elements-dans-laffaire-des-5-cadavres-dal-hoceima/ ). De même les assassinats suspects de Kamal Hussaini à Ait Bouayach, de Karim Chaib à Sefrou, de Kamal Ammari et Mohamed Boudouroua à Safi, et de Fadwa Laaroui à Souk Sebt, et les procès de dizaines de prisonniers politiques du Mouvement du 20 février sont restés sans suite dans les coulisses des tribunaux marocains où la justice est malheureusement encore aux ordres !
- Diverses promotions de diplômés amazighs dans différents domaines et en  langue amazighe sont confinées au chômage et subissent de continuelles répressions policières devant le parlement, à l’instar des sévices contres des enseignants. 
- La ségrégation continue à persister en ce qui concerne le soutien de l’Etat  au cinéma, à l’art, aux journaux, à la culture, aux auteurs amazighs et aux associations...
- Interdiction de certaines activités associatives, de manifestations comme le sit in que notre ONG, l’Assemblée Mondiale Amazighe voulait organiser à la frontière algéro-marocaine, le 9 février dernier, en solidarité avec les populations amazighes du Mzab algérien et en faveur de l’ouverture des frontières, a été formellement interdite par les autorités marocaines par écrit ;
- Détention de certains militants amazighs sans motifs apparents comme il vient de se passer avec Samir El Morabit  à la ville d’Alhoceima juste au moment où vous arrivez au Maroc !
-  Des pratiques ségrégationnistes et des répressions inédites contre les populations Amazighes comme le cas des Ayt Bu Ayache, d’Imzuren, de Tinghir, d’ Imider, d’Ayt Sgugu à Mrirt, d’ Ait Baha au sud, à Targuist… ;
- La continuation de la spoliation des terres collectives des tribus amazighes par des décrets de l’époque coloniale. Dernièrement le ministère de l’Intérieur a pris l’initiative de lancer un dialogue national sur ce thème dans le but de réformer le cadre législatif et l’amélioration des procédures de gestion de ces terres collectives par les acteurs sociaux et politiques. Selon le projet de la plate-forme du dialogue, le ministère voudrait élaborer une stratégie en faveur de la promotion et de développement de ce patrimoine collectif au profit des communautés soulaliyates et de ses membres, ainsi que la consolidation du développement humain… Mais nos soupçons vont à l’encontre de ce qui est exprimé, et ça risque de compliquer encore plus  la gestion de ces terres et de porter sérieusement atteinte à la cohésion des communautés soulaliyates, et par conséquent nuire les intérêts des ayant-droits et pousser ces populations rurales à un exode rural intolérant;
- Le délaissement des sites archéologiques comme le site préhistorique casablancais de l’Homme de Sidi Abderrahmane transformé en décharges publiques et le délabrement des monuments historiques comme le tombeau du Youssef Tachfine à Marrakech…

Excellence,

En vous remerciant de votre diligence à interpeller les autorités marocaines afin qu’elles changent de cap et respectent effectivement les droits humains en général dont ceux des citoyens et populations amazighs, veuillez agréer, Excellence, l’assurance de notre considération fort distinguée.

                        Signé: Rachid RAHA
                        Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe


--

Rachid RAHA
Président  de l'Assemblée Mondiale Amazighe - Bruxelles

Adresse Postale: EDITIONS AMAZIGH
5, Rue Dakar Appt. 7
10.040 Rabat / Morocco
GSM: 00 212 668 292 153
Fax:   00 212 537 727 283

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