Décevante ! C’est le terme approprié pour qualifier la couverture consacrée par la presse écrite marocaine, francophone et arabophone, à #Danielgate. Seule exception heureuse : le quotidien Akhbar Al Yaoum Al Maghribia. Le média dirigé par Taoufik Bouâchrine a réalisé un joli coup en consacrant une couverture à la mesure de l’affaire. Le quotidien sauve l’honneur de «Sa Majesté», c'est-à-dire la presse. Le reste, une bonne vingtaine de quotidiens est passé à côté de l’événement de l’été, volontairement.
Prenons, le cas de Al Akhbar et de Assabah. Ces deux quotidiens - parmi le top 3 des plus gros tirages de la presse écrite - ont zappé l’affaire de leurs éditions du vendredi 2 août. En tant normal, les journaux de Niny et d’Eco-média auraient fait de cette affaire leurs choux gras. Les faits divers et les faits judiciaires ont habituellement la part belle dans les pages de ces deux médias. Ppourtant, dans le cas de #Danielgate et vue l’implication du roi et de son cabinet c’est motus et bouche cousue.
Autocensure
C’est d’ailleurs la règle pour la grande majorité des autres quotidiens. Al Massae, le numéro 1 des ventes kiosques au Maroc dans ce segment, se contente dans l’édition du 2 août du service minimum. C'est-à-dire un article en Une, en sous tribune, sans photo et peu mis en en valeur. Les quotidiens Al Ittihad et Attajdid font pareil. Le premier fait un round-up de l’affaire et le publie en dernière page, bien camouflé des regards. Alors que le quotidien du Mouvement unicité et réforme, très à cheval sur les questions de pédophilie, se contente d’un timide article en sous tribune sans faire trop de vagues. Seul, Akhbar Al Yaoum consacre sa UNE (manchette, bandeau et ventre) et une page à l’intérieur en plus d’un édito à #Danielgate. Ainsi va la presse écrite muselée et autocensurée.
Dans leurs éditions du week-end, on note un léger réveil de certains quotidiens. Mais peu d’entre eux prennent la mesure de l’affaire et lui accorde la place qu’elle mérite. Assabah, Al Akhbar et Al Massae se contentent du service minimum. Al Ahdath sort de son mutisme pour consacrer sa UNE à ce sujet. Akhbar Al Yaoum continue une couverture de l’affaire en lui consacrant son dossier du week-end (3 pages). Un bémol : ce journal n’était pas obligé de publier une nouvelle fois les photos des victimes. Audacieux mais sensationnaliste !
Réactionnaire
La répression subie par les manifestants durant le week-end et spécialement à Rabat ne constituera pas un tournant dans la couverture de #Danielgate. Les éditions du lundi confirment que la presse écrite marocaine écoute une autre voix que celle de ses lecteurs. Si Al Massae et Akhbar Al Yaoum reviennent sur
la répression du vendredi 2 août à Rabat. Les autres quotidiens se sont
montrés frileux à publier les photos de manifestants tabassés par les
forces de l’ordre. C’est le cas de Al Akhbar qui consacre l’ouverture de la UNE à des extraits du communiqué du cabinet royal. Puis sur une demi-page à l’intérieur, le journal déforme les revendications des manifestants. Indigne ! Dans cette même édition, Rachid
Niny nous gratifie d’une chronique-édito pour dire ce qu’il pense de
cette affaire. Sa conclusion : « En 2006, j’avais écrit –déjà- qu’il y a des dérapages dans le système de la grâce royale ». Narcissique !
En
réalisant cette revue, la lecture de la presse partisane m’a beaucoup
amusé. Mention spéciale à Rissalat Al Oumma, quotidien de l’Union
constitutionnelle, qui après un silence de plusieurs jours, consacre une couverture exceptionnelle à #Danielgate. Après trois communiqués du Palais, tout devient possible.
En somme, la presse quotidienne nationale est passée à côté de l’affaire de l’été. Il est triste de faire ce constat. Si le web ôte le monopole de l’info à la presse écrite, seuls l’audace éditoriale et le respect du lectorat pourront renverser la vapeur et redorer le blason d’un secteur en berne.
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