Ecrit
par Najib Chaouki
Interprété
par Salah Elayoubi, 3/8/2013
Les
voyants auront beau virer au rouge écarlate. Le gouvernement aura beau disserter
sur la crise économique qui asphyxie le pays, opter pour
l’austérité budgétaire, tailler dans le gras des investissements publics,
réduire les postes budgétaires à leur plus simple expression, il faut croire que
la dilapidation des deniers publics fait désormais, partie intégrante du génome
des dirigeants des administrations marocaines.
La
fête du trône, le festival de l’obséquiosité
La
fête du trône est une occasion rêvée pour tous ces larrons en foire,
opportunistes et laudateurs à souhait, qui s’y entendent à merveille, pour se
répandre à travers les colonnes de la presse nationale, en panégyriques
insupportables d’obséquiosités. Pour comble de l’ironie, nombre de ces journaux
ne doivent leur raison d’exister qu’à l’exercice de présentation des vœux. Ils
naissent à l’heure des éboueurs, à l’instigation de hauts fonctionnaires, de
Directeurs de Collectivités Locales, de Pachaliks ou de gouverneurs, vivent le
temps de leurs salamalecs et retournent au caniveau, sous la forme de chiffons,
quand les loufiats en djellaba, fez et tarbouches, débarrassent les reliefs de
libations gargantuesques offertes par le pauvre peuple, aux légions
d’« Homoflexus », venues s’incliner, face à
l’objet de leur dévotion ! Bien entendu, rendez-vous est pris pour l’année
suivante. Même timing, même grammage de papier, même encre, mêmes termes, même
obséquiosité et même durée de vie !
Une
bien curieuse façon de procéder, que nous devons aux Pétromonarchies du Golfe,
notre pays s’étant largement illustré, depuis plusieurs décennies à importer de
cette région du monde, les pratiques les plus honnies du genre humain et les
plus condamnables.
Crise
économique et valse des deniers publics
Au
plus fort d’une crise économique sans précédent, des responsables
d’administrations étatiques et pas des moindres, telles que l’Office
National de l’Électricité et de l’Eau potable, de
la Caisse de Compensation, d’ Al
Omrane, du Crédit Agricole, de
l’Office de la Formation Professionnelle et de la Promotion de
l'emploi, de l’Agence nationale des technologies de la
communication ou encore l’Office
Chérifien des Phosphates, et j’en passe, n’ont donc, rien imaginé
mieux que cette pitoyable course aux encarts publicitaires, dans la presse,
plutôt que le bon vieux télégramme au Cabinet royal.
Le
plus révoltant n’étant pas tant leur propension à la flagornerie, mais
l’utilisation qu’ils font des deniers publics, pour battre en neige leur
déclaration d’amour, le mobile avoué étant, on l’aura compris, la recherche de
la protection tutélaire du roi.
Une
protection qui confère, à son bénéficiaire, l’impunité totale et lui doit
d’échapper à toute reddition des comptes. Autant de pratiques qui ne sont pas
nouvelles et qui sont allées crescendo, en accompagnement de la monarchie
exécutive, instaurée par Hassan II, dans les années soixante. Le prince héritier
d’alors, Chef du gouvernement, avait compris toute l’importance des nominations,
dans l’exercice du pouvoir. Il avait alors pris le pli de nommer les ministres
et les hauts fonctionnaires, au lieu de laisser l’initiative de ce choix
stratégique aux chefs des partis.
Un
calcul machiavélique, dont le résultat aura dépassé les rêves les plus fous de
son auteur : dans un retournement de veste dont notre pays a le secret, les
élites se sont ralliés au centre véritable du pouvoir, et fait allégeance à la
monarchie, plutôt qu’à leur famille politique. La suite était courue d’avance :
sous le parapluie royal, il faisait bon de s’enrichir, à coups d’investissements
immobiliers, de licences d’importation, de monopoles commerciaux et de marchés
publics échappant aux procédures d’appel d’offres.
Entre
absolution et lâchage
Mais,
même dans le plus beau pays du monde, la protection royale a ses limites et le
roi cruel, se charge parfois, de le faire savoir à ses protégés, en les lâchant
brutalement. Hassan II a recouru à deux reprises à ce stratagème de la terreur.
Une première fois en mars 1971, lorsqu’il s’était agi de donner des gages, à une
opposition révoltée par la corruption qui gangrenait les rouages des
administrations. Six anciens ministres, Mohamed
Imani, Yahia
Chefchaouni, Abdelkrim
Lazrak, Mamoun
Tahiri, Mohamed Jaïdi et Abdelaziz
Kriem, furent livrés à la vindicte des tribunaux et inculpés de
corruption ou tentatives de corruption, dans l'affaire de vente d'un terrain à
la « Panam ». Trois hauts fonctionnaires et quatre hommes d'affaires les
accompagnèrent au prétoire. Pas moins de vingt-sept affaires sordides, furent
évoquées devant la Cour Spéciale de Justice.
Peu
avant sa mort, Hassan II laissa, une seconde fois, la justice suivre son cours,
dans l'affaire dite du Crédit Immobilier et Hôtelier
(CIH) dont l'ex-président, Moulay Zine
Zahidi, poursuivi pour « dilapidation de deniers publics, gestion
déloyale et enrichissement illégal », fut condamné par contumace, à dix (10) ans
de prison ferme. Le Directeur du Crédit Agricole et Directeur de la
Caisse Nationale de Sécurité Sociale
(CNSS) et treize (13) autres personnes impliquées dans
ce sombre dossier, furent condamnées à des peines allant de un (5) an
d’emprisonnement ferme, à cinq (5) ans de prison avec sursis.
Mohammed
VI, Hassan II, mêmes pratiques
John
Waterbury, avait si bien évoqué ces pratiques en vigueur dans le
Maroc entre l’indépendance et les années soixante dix (1970), dans son ouvrage
«Le Commandeur des croyants, la monarchie et les élites politiques
marocaines » :
« L’administration
est l'instrument essentiel du pouvoir du roi. En verrouillant son accès, en
surveillant les activités de ceux qu’il autorise à y accéder, il donne son
absolution à leur enrichissement rapide……».
La
règne de Mohammed VI n’a pas, loin s’en faut, rompu avec ces pratiques
condamnables d’enrichissement rapide de hauts fonctionnaires, même si ici ou là,
comme il est de coutume, pour amuser la galerie, quelques boucs émissaires ont
été livrés en pâture à la justice, comme Abdelhnin
Benalou, ex-Directeur Général de l’Office national des
Aéroports (ONDA), son chef de
cabinet,Ahmed Amine Berkalil, ou
encore Khalid Alioua, ex-porte-parole du gouvernement
Youssoufi et ex-Directeur du CIH.
Loin
de dissuader les corrompus, ces lâchages de la monarchie semblent au contraire
galvaniser leurs efforts, pour s’en rapprocher, au risque de se brûler. Pourvu
qu’il leur reste les limousines allemandes, les costumes à milliers d’euros, les
cigares télescopiques, les réceptions mondaines et le toutim !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire