MIGRATIONS En perdition sur des bateaux, des centaines de migrants sont refoulés par différents pays d'Asie du Sud-Est...
Scène de détresse filmée ces
jours-ci au large de la Thaïlande : à bord d’un bateau abandonné par
les passeurs, une centaine de migrants s’entassent. Les visages émaciés
disent la faim et la soif, les mains se tendent pour implorer de l’aide.
Au-dessus de l’embarcation, un hélicoptère finit par lâcher quelques
rations de survie, que les migrants iront repêcher au péril de leur vie.
En Asie Pacifique, on compterait aujourd’hui une dizaine de bateaux
perdus en mer. La Thaïlande, la Malaisie et l’Indonésie refusent
aujourd’hui d’accueillir les migrants qui s’y trouvent et rejettent même
les embarcations qui s’approchent de leurs côtes dans les eaux
internationales – une attitude que l’association Human Rights Watch
qualifie de « ping-pong humain ». Décryptage avec Jean-Marie Fardeau,
directeur France de l’association et Elaine Pearson, directrice
Australie.
Qui sont les migrants actuellement coincés en mer ?
La grande majorité d’entre eux sont des Rohingyas, une minorité
musulmane qui vit en Birmanie mais qui sont considérés comme des
immigrants illégaux venus du Bangladesh voisins. Sans citoyenneté, ils
font donc face à la discrimination au quotidien : pas de liberté de
mouvement, absence de droit de séjour, pas de liberté religieuse, accès
limité à l’éducation. « Les Rohingyas sont marginalisés et persécutés,
notamment par des groupes bouddhistes nationalistes violents »,
explique Jean-Marie Fardeau, directeur France de l’association Human
Right Watch.
Pourquoi sont-ils aujourd’hui refoulés au large ?
Cela fait des années que les Rohingyas fuient la Birmanie. Mais la
situation s’est aggravée avec ces milliers de migrants qui ont été
abandonnés par les passeurs, effrayés par la nouvelle politique
répressive de la Thaïlande, point de passage largement utilisé
jusqu’ici. En effet, explique Jean-Marie Fardeau, « début mai, lors
d’une opération de police dans un camp de réfugiés en Thaïlande, on a
trouvé une trentaine de corps
entassés dans une fosse commune. Pour stopper de telles situations,
mais aussi le système d’exaction des passeurs, la Thaïlande a décidé de
ne plus les accueillir ». Ils tentent donc de gagner la Malaisie et
l’Indonésie, « qui les refoulent aussi au prétexte qu’ils ne veulent pas
"ouvrir les vannes" de l’immigration », explique le directeur de
l’association. Or, assure-t-il « cet argument ne tient pas : les
passeurs ne partent plus car ils savent qu’ils seront coincés en mer.
Sauver ces gens n’entraînera pas de vague de départs ».
Ces trois pays violent-ils les accords internationaux ?
« Le problème est qu’aucun de ces états n’a signé la convention de
1951 relative au statut des réfugiés du HCR », souligne Jean-Marie
Fardeau. « En revanche, reprend Elaine Pearson, directrice Australie
d’Human Right Watch, ils sont tenus de respecter le droit maritime
international, qui stipule qu’on doit assistance aux personnes en
détresse ». Ces pays suivent en fait l’exemple de l’Australie, qui
depuis 2013, a adopté une politique ultra-répressive en matière
d’immigration.
« L’Australie joue sur une ambiguïté : les bateaux qu’elle force à
rebrousser chemin n’ont jamais accosté, elle n’est donc pas tenue
d’aider les migrants. La nouvelle politique, qui consiste à détourner
les embarcations vers le Vietnam ou à les repousser en haute mer est un
succès selon le gouvernement. Mais dire qu’il n’y a pas eu un seul mort
dans les eaux territoriales ne veut pas dire qu’ils ne meurent pas un
peu plus loin. L’exemple australien est désastreux », explique Elaine Pearson, la directrice d’Human Right watch Australie.
Quelles solutions ?
La pression s’accentue sur les pays d’Asie du Sud-Est et vendredi,
l’Indonésie a sauvé quelque 800 migrants qui avaient été repoussés par
la Malaisie. Jeudi, l’ONU a de nouveau demandé aux gouvernements
d’Asie du sud-est de « garder leurs frontières et les ports ouverts pour
aider les personnes vulnérables » et également rappelé aux
gouvernements « l’obligation de sauvetage en mer et l’interdiction du
refoulement ». A l’initiative de la Thaïlande, un sommet régional
va être organisé sur ce sujet le 29 mai. Mais la Birmanie a déjà dit
son intention de ne pas y participer et aucun pays ne semble vouloir
changer son attitude.
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