Depuis le kibboutz de Nahal Oz ou celui de Nir Am, la vue est imprenable sur Gaza. Ici, on vient en famille de Sderot,
la ville voisine, ou de bien plus loin, lorsque l’emploi du temps s’y
prête, pour pique-niquer, siroter une bière et assister au plus près et
jusqu’à une heure avancée de la nuit, au feu d’artifice offert par
Tsahal qui bombarde sans discontinuer, depuis mardi 8 juillet, l’enclave
palestinienne à coups d’obus de 155 millimètres tirés par les M109 ou de missiles sol-air tirés par les chasseurs-bombardiers F16 ou les hélicoptères d’attaque Apache AH-64.
Les Belvédères de la honte
Images insolites autant qu’insoutenables de ces Belvédères improvisés
pour venir compter les coups meurtriers infligés par la quatrième
puissance militaire à l’une des populations les plus démunies et les
plus malchanceuses au monde, prise en étau, entre la dictature du Hamas
qu’elle a eu le malheur de porter au pouvoir, l’occupation israélienne
impitoyable qu’elle subit depuis quarante-sept ans et l’indifférence des
voisins arabes qui ne parviennent toujours pas à oublier ce que
d’autres palestiniens firent de l’hospitalité jordanienne, libanaise,
égyptienne ou tunisienne, il y a quelques décennies, se comportant à
Amman, Beyrouth, Le Caire ou Tunis, en terrain conquis.
On ne compte plus les opérations militaires conduites par l’Etat-major israélien, contre l’irréductible enclave : « Jour de pénitence » en novembre 2004 « Pluie d’été », fin juin 2006 et « Nuages d’automne » en novembre de la même année, « Hiver chaud » en mars 2008, « Plomb durci » en décembre 2008, « Pilier de défense » en novembre 2012 et depuis le 8 juillet, « Bordure protectrice ». Des d’interventions qui font écrire à l’éditorialiste du Figaro ce mercredi 16, que Tsahal revient à Gaza, comme « quelqu’un qui viendrait régulièrement tondre son gazon ».
A cette différence près, qu’Israël ne fauche pas de l’herbe, mais des
vies humaines, avec à chaque fois, un effroyable bilan parmi les civils,
ce qui ne laisse planer aucun doute sur l’asymétrie des moyens
militaires des forces en présence, l’état hébreux se permettant même, au
passage, d’expérimenter, impunément de redoutables armes, comme les
bombes au phosphore, les munitions à l’uranium appauvri ou encore, le DIME (Dense Inert Metal Explosive), une munition qui entraîne immanquablement, l’amputation du membre touché.
De son côté, la résistance palestinienne confinée entre des
frontières étroitement surveillées par une barrière munie de caméras et
de gadgets électroniques dernier cri, une armada de corvettes de la
marine israélienne et une flotte de drones n’a plus que le lancement au
jugé de ses roquettes de fabrication artisanale. Méthode contestable,
les fusées lancées par dizaines, mettant en péril la vie de populations
civiles.
D’étranges coïncidences curieusement tombées à pic
Curieusement, l’opération israélienne survient au moment précis où
les différentes factions palestiniennes réconciliées, commençaient à
discuter de la formation d’un gouvernement d’union nationale. Pire, on
sait aujourd’hui que le gouvernement Netanyahu a instrumentalisé
l’enlèvement et l’assassinat des trois adolescents juifs en Cisjordanie,
le 12 juin. Du pain bénit pour l’occupant qui savait qu’ils étaient
morts, connaissait parfaitement l’identité des tueurs et les
circonstances du triple assassinat. Il a caché tous ces éléments, pour
pouvoir ensuite mener campagne contre le Hamas et obliger ce dernier à
riposter aux arrestations de ses militants et aux exactions de Tsahal
dans les territoires palestiniens. Une énième manipulation
auxquelles les autorités de Tel Aviv nous ont habitués, très peu
désireuses qu’elles sont d’entamer un quelconque processus de paix avec
les palestiniens qui les obligerait à restituer les territoires.
A d’autres occasions, les élections palestiniennes gagnées par le
Hamas ou encore le succès de la cause palestinienne, à l’international
valurent également l’étincelle, tombée à point nommé, pour déclencher
les feux de l’enfer, sous la forme d’arrestations de Palestiniens, de
liquidations de leurs chefs, de blocus de la bande de Gaza, avec en
prime, cette cerise sur le gâteau, le feu vert pour de nouvelles
colonies de peuplement, en Cisjordanie occupée. Un scénario tellement
éculé qu’il ne trompe désormais plus personne.
On ne le dira jamais assez : aux yeux des sionistes, la Palestine est
une abstraction, un concept incompatible avec la terre promise et
l’idée de deux Etats vivant côte à côte, tout simplement inacceptable.
Israël a réduit la Palestine à la portion congrue en la dépeçant
systématiquement, et en dépossédant les palestiniens de leurs terres.
Sans doute la conception de la paix contre les territoires, version
israélienne.
Quant à Gaza, perçue comme une verrue purulente, les sionistes ne
rêvent que de l’extirper du flanc d’Israël. Plus personne ne s’émeut
d’ailleurs du sort des deux millions de personnes oubliées des dieux et
des hommes, entassées sur cette bande de terre de trente sept kilomètres
de long sur six à douze de large, verrouillée hermétiquement, au nord
par Israël et au sud par l’Egypte. Une sorte de gigantesque prison à
ciel ouvert où il est interdit aux siens de cultiver leur champ, de
pêcher, de voyager, de se soigner, d’échanger et commercer ou si peu
avec l’étranger. De temps à autre, un missile ou un obus vient même y
prélever les vies de ceux qui osent résister à la politique israélienne.
Chirurgicalement prétend-on à Tel-Aviv. Entendez par là, en acceptant
de faire quelques victimes innocentes, parmi la population civile. Avec
tout ça, on attend des Gazaouis qu’ils se tiennent coits, qu’ils
fraternisent et fassent risette à ceux qui les tuent ou les narguent de
l’autre côté des barbelés. En un mot qu’ils renoncent à toute dignité.
"Alyia", le drôle de retour à la maison, au goût d’escroquerie
Il y a comme un vocabulaire commun au sionisme et au nazisme. Il est
insupportable. Il y est question d’Etat juif, de Grand Israël, de
judaïsation, d’expulsions, de dépossessions, d’expansion, d’annexions,
de colonisation, d’espace vital et in fine de ghetto, avec tous ces
murs, ces barrières, ces casemates, ces miradors et ces interdictions en
tout genre.
Bien plus diabolique encore, cette « Alya »
ou « élévation spirituelle », désignant pour les juifs, un pèlerinage
en terre sainte. Elle cesse d’être sympathique ou marquée du sceau de la
spiritualité, dès lors que s’en emparent les sionistes, pour en faire
l’acte d’immigration en « Eretz Israel »,
sous la forme d’un retour à la maison de ceux qui prétendent l’avoir
quittée, il y a près de deux mille ans ! L’initiative est présentée au
reste du monde, toute honte bue, comme une simple formalité pour des
populations qui débarquent pourtant de pays où ils vivent depuis
toujours et qu’on a convaincus de s’affranchir purement et simplement de
tout complexe, vis-à-vis des habitants originels de la Palestine.
Une idée ni moins loufoque, ni moins dangereuse que celle qui a germé, la semaine dernière, dans l’esprit des criminels de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL)
qui se promettent de retourner prochainement sur la terre de leurs
ancêtres……l’Andalousie. On pourrait, au demeurant, concevoir à l’infini
de semblables élucubrations, en imaginant les musulmans du monde
entier, faisant du pèlerinage à la Mecque, le « Hadj »,
un vœu de retour à la maison, la péninsule arabique. Les Italiens et
les grecs auraient également toute leur place dans ce film né dans la
tête d’un scénariste malade, eux dont les ancêtres bâtirent naguère deux
prestigieux empires sur la Méditerranée.
Les fils d’Abraham sont devenus fous ! Ils n’échangent plus que des
invectives et des crachats, des menaces et des comminations, des fusées
et des missiles. Il n’y aura jamais de paix durable au Proche-Orient,
aussi longtemps qu’on refusera obstinément de rendre justice aux Palestiniens. Tout au plus, des trêves épisodiques viendront-elles
conforter Israël dans sa colonisation de la Cisjordanie et dans la
poursuite de ses crimes contre les enfants de Palestine et la résistance
palestinienne, dans sa détermination à combattre coûte que coûte
l’occupation.
Trop de sang et de souffrances ont souillé la terre trois fois
sainte. Ils valent leur pesant de haine d’indignation et de frustration
accumulées, depuis près de soixante-dix ans. Le pire est à venir, Israël
semblant déterminé à mener une offensive terrestre contre la bande de
Gaza.
Plus qu’une organisation internationale, qu’une puissance étrangère,
ou qu’un courageux défenseur de la paix, c’est peut-être d’un prophète,
revenant prêcher sur le mont des oliviers, que la région a le plus
cruellement besoin. Il ne nous reste plus que ce rêve dérisoire de
miracle, après tant d’échecs. Même si Israël s’est appliqué à arracher
bien des oliviers, pour loger en lieu et place, ses drôles de citoyens
venus de loin. De beaucoup trop loin !
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