Communiqué du Cabinet d’avocats Jus Cogens, Bruxelles, 9/3/2016
Le parlement belge est actuellement en
train de discuter d’une loi portant assentiment à la « Convention de
coopération entre le gouvernement du royaume de Belgique et le
gouvernement du Royaume du Maroc en matière de lutte contre la
criminalité organisée et le terrorisme ».
Dans ce cadre, Monsieur REYNDERS, répondant à une interpellation du Député HELLINGS, a déclaré au sujet d’Ali AARRASS :
« Il s’agit d’une personne qui,
dans le passé, a été extradée par l’Espagne vers le Maroc où il est
toujours incarcéré. Il bénéficie de l’assistance consulaire belge. Les
autorités marocaines répondent systématiquement aux différentes
démarches belges que l’intéressé a été condamné pour diffusion de
propagande islamique, pour participation à un réseau de combattants
étrangers pour l’Irak et à des livraisons d’armes. Grâce aux efforts
déployés par le consulat belge, la Commission marocaine pour les droits
de l’homme a pu rendre visite à l’intéressé toutes les semaines. Rien
n’indique que le condamné ait été torturé par les services marocains »[1].
Cette réponse est scandaleuse. Quelle
honte de la part de celui-là même qui est censé assurer la protection
des ressortissants belges en danger à l’étranger !
Premièrement, il est totalement inexact de prétendre que Monsieur AARRASS « bénéficie de l’assistance consulaire belge ».
Il n’a jamais reçu la visite du Consul belge à Rabat. Le Ministre a été
condamné par la Cour d’appel de Bruxelles pour son inaction mais les
autorités belges ne font rien d’efficace pour pouvoir rencontrer leur
ressortissant. Le Ministre pourrait pourtant exiger du Maroc, au regard
du droit international, d’exercer ses compétences consulaires[2].
Deuxièmement, il n’y pas de Commission marocaine pour les droits de l’homme mais bien un Conseil national des droits de l’homme au Maroc. Cet organe n’est pas indépendant. Il ne visite pas
hebdomadairement Monsieur AARRASS et ne lui a été d’aucune utilité. Les
promesses faites suite à ses grèves de la faim n’ont jamais été
respectées !
Troisièmement, si le Ministre des Affaires étrangère fait allusion à la condamnation au Maroc, il
sait pertinemment que, pour la même affaire, la justice espagnole a
innocenté Ali AARRASS. Il sait également que ce dossier est une suite du
« dossier BELLIRAJ », dont l’inéquité de la procédure devant les
juridictions marocaines a été largement dénoncée par les ONG[3].
Quatrièmement et plus fondamentalement, le Ministre ment lorsqu’il dit « rien n’indique que le condamné ait été torturé par les services marocains ».
Le Rapporteur spécial contre la torture
des Nations Unis, Juan MENDEZ, a visité Monsieur AARRASS en septembre
2012, accompagné d’un médecin expert en matière d’évaluation des
séquelles de la torture. Il a constaté :
« Le médecin légiste a conclu que la plupart des traces observées, bien que non diagnostiquées comme signes de torture, sont clairement compatibles
avec les allégations présentées par M. Aarrass, à savoir le genre de
torture et de mauvais traitements infligés, tels que brûlures
occasionnées par une cigarette, pratique du «falanja » (coups assenés
sur la plante des deux pieds), attachement intense puis suspension par
les poignets et électrochocs aux testicules. En outre, il a constaté que
la description faite par M. Aarrass des symptômes ressentis après les
épisodes d’actes de torture et de mauvais traitements est totalement compatible
avec les allégations et que le genre de pratiques décrites et les
méthodologies qui auraient été suivis par les agents pratiquant ces
actes, coïncident avec les descriptions et les allégations présentées
par d’autres témoignages que le Rapporteur spécial a reçus dans d’autres
lieux de détention et qui ne sont pas connus de M. Aarrass » (nous soulignons).Le Comité contre la torture a reconnu
que le Maroc n’avait pas respecté son obligation d’enquêter de manière
indépendante, approfondie et impartiale sur les allégations de torture
de Monsieur AARRASS. Ce Comité a également constaté que Monsieur AARRASS
avait été condamné sur base d’aveux obtenus sous la torture[4].
Enfin, une vidéo, toujours disponible
sur internet, montre les multiples hématomes sur le corps de Monsieur
AARRASS après son passage à tabac suite à sa dénonciation des mauvais
traitements au Rapporteur spécial contre la torture[5].
Que faut-il de plus au Ministre des Affaires étrangères ?
Une reconnaissance de l’usage systématique de la torture au Maroc par une Juridiction internationale ?
Il est servi ! La Cour européenne des
droits de l’homme confirme ce fait, sur base de très nombreux rapport
d’ONG, depuis 2010 : affaire Boutagni c. France (18/11/2010), affaire
Rafaa c. France (30/05/2013), affaire Ouabour c. Belgique (02/06/2015).
Notre Ministre ignore-t-il que la Cour
européenne des droits de l’homme a constaté qu’il y avait eu déni
flagrant de justice en Belgique lorsque nos juridictions ont accepté de
faire usage de déclarations faites au Maroc dans des dossiers de
terrorisme ?
C’est pourtant le cas[6] !
A l’heure de discuter du renforcement
de la coopération judiciaire entre la Belgique et le Maroc, il n’est pas
permis de fermer les yeux sur les violations flagrantes et
systématiques des droits fondamentaux des personnes par cet État, ni de
nier le calvaire d’un Belge.
Un peu de respect, s’il vous plait, pour nos institutions et nos concitoyens.
[1] Chambre des représentants, 25
février 2016, « Projet de loi portant assentiment à la Convention de
coopération entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le
gouvernement du Royaume du Maroc en matière de lutte contre la
criminalité organisée et le terrorisme, faite à Bruxelles le 18
février », 2014DOC 54 1646/002, p. 7
[2] Dès 1es années 1950, la Cour Internationale de Justice a considéré que :
« Selon la pratique des Etats, les
décisions arbitrales et judiciaires et les opinions doctrinales, la
nationalité est un lien juridique, ayant à sa base un fait social de
rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de
sentiments, jointe à une réciprocité de droits et devoirs… Conférés par
un État, elle ne lui donne titre à l’exercice de la protection vis-à-vis
d’un autre État que si elle est la traduction en termes juridiques de
l’attachement de l’individu considéré à L’État qui en a fait son
national » (Madeleine GRAWITZ, « Arrêts Nottebohm du 18 novembre
1953 (compétence) et du 6 avril 1955 (fond) », in Annuaire français de
droit international, volume I, 1995, p. 26)
Dans une sentence du 10 juin 1955, la Commission de conciliation italo-américaine a également confirmé que : « le
principe, fondé sur l’égalité souveraine des États, qui exclut la
protection diplomatique en cas de double nationalité doit céder devant
celui de la nationalité effective toutes les fois que cette nationalité
est celle de l’Etat requérant mais il ne doit pas céder quand une telle
prédominance n’est pas prouvée » (Daniel-Henri VIGNES, « Commission
de conciliation italo-américaine, sentence du 10 juin 1955 : affaire
Florence Mergé », in Annuaire français de droit international, volume
II, 1956, p. 433).
[3] Voir notamment : Commission arabe
des droits humains, « Rapport d’observation du procès des six détenus
politiques au Maroc – Affaire Belliraj », 10/12/2009 ; Human Rights
Watch, « Stop Looking for your Son », octobre 2010
[4] CAT, Affaire AARRASS c. Maroc, communication 477/2011
[6] CEDH, affaire EL HASKI c. Belgique, 25 septembre 2012, disponible sur hudoc
CABINET D’AVOCATS JUS COGENS : Me Dounia ALAMAT (GSM : 32.484.65.13.74 ;da@juscogens.be) – Me Nicolas COHEN (GSM : 32.470.02.65.41 ; nc@juscogens.be) – Me Christophe MARCHAND (GSM: 32.486.32.22.88 ; cm[at]juscogens[dot]be
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Cette déclaration mensongère de Monsieur Reynders est ignoble ! Je faisais partie de la délégation qui s'est rendue le 9 mai 2015 à l'Ambassade de Belgique à Rabat. Farida, la soeur d'Ali Aarrass, a décrit au Consul l'état de son frère après plus de 40 jours de grève de la faim. Elle a insisté pour qu'il lui rende enfin visite , Luk Vervaet lui a proposé de l'accompagner à la prison de Salé II. Réponse : non, cela créerait un incident diplomatique avec le Maroc qui est un État de droit ....( ?) NDLR Solidmar-MJF Présidente Solidarité Maroc 05
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