Un vent de révolte souffle sur les camps de réfugiés sahraouis où s’est
rendu Ban Ki-moon ce samedi. Usés par des années d’attente et de
promesses internationales sans suite, des jeunes qui ne connaissent de
la vie que ces tentes dressées dans la hamada ont déversé leur colère
lors du passage du cortège du SG de l’ONU, venu personnellement
s’enquérir de la situation de ces hommes qui attendent leur indépendance
depuis de longues années.
Abla Chérif - Alger (Le Soir, 7/3/2016) - L’évènement est de taille. Il
constitue la première manifestation de colère de la population sahraouie
réfugiée en Algérie depuis la signature d’un cessez-le-feu (en 1991)
entre le Front Polisario et les FAR (Forces armées royales). A ce
moment, un processus devant mener à l’organisation d’un référendum
d’autodétermination du Sahara occidental avait été pris en charge par
l’ONU et l’OUA, donnant l’espoir d’aboutir à la résolution d’un dossier
sensible.
Le projet est malheureusement resté au même point. Les déceptions se
sont accumulées et naturellement exprimées à travers des jeunes ne
pouvant plus contenir leur impatience. A bout de nerfs, ils ont hurlé
leur colère : «40 ans ça suffit, nous voulons notre indépendance…»
Contraint d’annuler certains rendez-vous en raison de la tension qui
prévalait dans la zone où il se trouvait, Ban Ki-moon a tout de suite
saisi le message. «Je tâcherai de faire des efforts pour améliorer les
conditions de vie des Sahraouis notamment sur le plan humanitaire, et je
ferai de mon mieux pour convaincre les deux parties d’organiser un
référendum d’autodétermination».
Pour démontrer une nouvelle fois tout son intérêt pour un dossier qu’il
qualifie de véritable «bombe à retardement», le Secrétaire général des
Nations-Unies a ensuite annoncé qu’il persistait à se rendre à
El-Ayoune, dans les territoires occupés du Sahara occidental. Il y a
plusieurs mois, Ban Ki-moon avait fait part de sa volonté de se rendre
dans cette zone pour faire le point sur la situation des droits de
l’Homme. Prises au piège, les autorités marocaines ont annoncé que leur
roi se trouverait hors du pays à la date correspondant à la visite du
représentant de l’ONU.
Pour atterrir dans un territoire occupé, l’avion du SG de l’ONU avait
besoin d’une autorisation des responsables locales, avait indiqué le
secrétaire de Ban Ki-moon. Son déplacement à El-Ayoune a été annulé tout
comme celui de Rabat.
Sa volonté d’accélérer un processus de relance du dialogue entre les
deux parties semble par contre s’être accentuée. Lors d’un point de
presse animé en marge de ces rencontres avec les responsables du Front
Polisario, il a ainsi annoncé une prochaine tournée de Christopher Ross
destinée à amener les autorités sahraouies et marocaines à des
discussions. «J’ai demandé, dit-il, à mon envoyé spécial de reprendre
ses tournées afin de créer une atmosphère propice à la reprise des
pourparlers entre les deux parties».
M. Ban Ki-moon a également annoncé qu’il allait prochainement convoquer
une réunion des donateurs en vue de réunir des fonds destinés à
satisfaire les réfugiés sahraouis. «Cette visite, a-t-il ajouté, m’a
permis de constater de visu les souffrances des réfugiés sahraouis (…)
il s’agit d’une tragédie oubliée par la communauté internationale, les
camps des réfugiés sahraouis à Tindouf sont les plus anciens au monde».
Le Secrétaire général de l’ONU a, enfin, pris compte des nombreux appels
en faveur de l’élargissement des prérogatives de la Minurso (Mission
des Nations-Unies pour le référendum au Sahara occidental) notamment en
ce qui concerne le contrôle de la situation des droits de l’Homme.
La Laddh (Ligue algérienne des droits de l’Homme) lui a adressé une
lettre où elle évoque le problème et l’invite à agir à la libération de
tous les Sahraouis détenus dans les prisons marocaines «dont ceux du
camp Gdim Izik dans les territoires occupés».
La Laddh a dénoncé par là même le «traitement cruel infligé à ces prisonniers».
Au terme de leurs entretiens avec Ban Ki-moon, les responsables
sahraouis ont déclaré que cette visite amènera le Conseil de sécurité à
«reconsidérer la question sahraouie après 40 ans d'occupation marocaine
et de blocage des termes de l'accord de 1991 qui prévoit l'organisation
d'un référendum pour l'autodétermination du peuple sahraoui. Il a ajouté
que cette visite était «un élément nouveau» pour le règlement du
conflit au Sahara occidental d'autant qu'il s'agit de la première visite
d'un secrétaire général onusien dans les territoires libérés». «Elle
aura sans doute un impact au sein du Conseil. de sécurité». «C'est la
France qui bloque le dossier sahraoui au niveau des Nations Unies»,
a-t-il déploré.