2896 jours de détention
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L’association « Maroc Solidarités Citoyennes » a organisé le 1er mars dernier, avec le soutien de plusieurs associations (CADTM, ATTAC 38, CIIP, AFPS, Rencontre des cultures, Cercle laïque, Ligue des femmes, Iran solidarités) une rencontre à propos des prisonniers politiques au Maroc.
C’est la poursuite d’une politique répressive à l’encontre des militants de la démocratie et des défenseurs de la liberté d’expression et des droits de l’homme qui était le sujet de cette rencontre, qui a rassemblé une trentaine de représentants de ces diverses organisations. L’occasion en était fournie par la présentation du livre « Marraine » de Marie-Jo Fressard, préfacé par Gilles Perrault [1].
Dans un premier temps, Marie-Jo Fressard a raconté son expérience de marraine de deux prisonniers politiques condamnés à 25 ans de prison par des jugements iniques, malheureusement fréquents au Maroc où le système judiciaire ne dispose pas de garanties d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif. Les deux militants ont été arrêtés en 1983 pour avoir manifesté pour protester contre le massacre perpétré par les forces de l’ordre en juin 1981 lors des « émeutes de la faim » de Casablanca (mitraillages dans les rues : entre 200 et 1000 morts)et contre la politique de Hassan II, en particulier à l’encontre des Palestiniens.. Condamnés à mort, puis à perpétuité pour cette manif, leur peine a été transformée en 25 années de prison, ponctuées de tortures, de mauvais traitements, de grèves de la faim. Toujours soutenu par Marie-Jo et les défenseurs des droits de l’homme, ils ont finalement été libérés après ce calvaire de 25 ans. Mais ce cas n’est pas isolé dans la situation actuelle des droits de l’homme au Maroc.
Khadija Ryadi, qui a postfacé le livre de Marie-Jo, montre l’usage répété de ces longues peines souvent accompagnées de tortures et de mauvais traitements, manifestement dans le but de faire peur à la population, et particulièrement aux syndicalistes et aux jeunes militants exigeant le respect des droits humains et de la démocratie.
L’éditeur belge Luk Vervaet a pris ensuite la parole. Il explique avoir créé la maison d’édition « Antidote » avec quelques amis pour offrir une liberté éditoriale multilingue et transfrontalière aux « sans voix ».
Il évoque le cas d’un autre prisonnier politique belgo-marocain, Ali Aarrass. Cet homme né à Mellila (enclave espagnole au nord du Maroc) installé en Belgique depuis l’âge de 15 ans pour y rejoindre sa mère, ouvre une petite librairie à Bruxelles après son service militaire. Puis il décide de retourner à Mellila. Mais là, le Maroc demande son arrestation à l’Espagne et son extradition au Maroc sous prétexte de soutien au terrorisme. Le juge Balthasar Garzon l’arrête et l’emprisonne en 2008 sous torture blanche (isolement et silence total etc…). En 2009, constatant le vide de son dossier, et malgré une mise en garde de l’ONU, il l’extrade au Maroc où là il est pris en main par la police judiciaire pendant dix jours. Ensuite il est condamné à 15 ans de prison sur la base d’un texte d’aveu signé sous la torture. Il est devenu depuis l’un des cinq prisonniers choisis comme symboles de la lutte contre la torture par Amnesty international.
Luk Vervaet, pour conclure son intervention, rappelle que le Maroc a joué le rôle d’un sous-traitant (ainsi que quelques autres pays) pour torturer les détenus de Guantanamo. On peut craindre qu’il ne devienne un carrefour important du réseau des pratiques « sécuritaires » peu sensibles au respect des droits individuels que l’on voit se développer à l’international sous les pressions des États-Unis.
Selon lui, les autorités belges par exemple se préparent à demander au Maroc d’effectuer des patrouilles de surveillance dans les quartiers qu’elles considèrent comme « sensibles » en Belgique. Cette opinion est d’ailleurs confortée par les nombreux exemples exposés dans un autre ouvrage qu’il a édité sous le titre « Guantanamo chez nous »[2].
Le débat qui a suivi ces interventions a manifesté une forte sensibilisation aux cas individuels relatés par Marie-Jo Fressard (qui continue à être la marraine de deux jeunes détenus sahraouis arrêtés et condamnés dans les mêmes conditions) et par Luk Vervaet. La nécessité d’une vigilance accrue a été réaffirmée vis à vis des diverses manifestations des « pratiques sécuritaires » dans plusieurs pays et la question a notamment été posée « Ne faut-il pas analyser sous cet angle les velléités d’installer un « état d’urgence » permanent dans notre pays mettant en péril l’état de droit ?
[1] Marraine des deux plus anciens prisonniers politiques marocains, éditions Antidote 2015 Belgique. Préface de Gilles Perrault, postface de Khadija Ryadi, ancienne présidente de l’AMDH -.(www.antidote.be)
[2] Guantanamo chez nous ?, éditions Antidote 2014 Belgique, Auteur Luk Vervaet, Préface de Maître Marc Nève, avocat.
Le Maroc est-il devenu une annexe de « Guantanamo » ?
Compte-rendu de la réunion à Grenoble par Marc Ollivier.L’association « Maroc Solidarités Citoyennes » a organisé le 1er mars dernier, avec le soutien de plusieurs associations (CADTM, ATTAC 38, CIIP, AFPS, Rencontre des cultures, Cercle laïque, Ligue des femmes, Iran solidarités) une rencontre à propos des prisonniers politiques au Maroc.
C’est la poursuite d’une politique répressive à l’encontre des militants de la démocratie et des défenseurs de la liberté d’expression et des droits de l’homme qui était le sujet de cette rencontre, qui a rassemblé une trentaine de représentants de ces diverses organisations. L’occasion en était fournie par la présentation du livre « Marraine » de Marie-Jo Fressard, préfacé par Gilles Perrault [1].
Dans un premier temps, Marie-Jo Fressard a raconté son expérience de marraine de deux prisonniers politiques condamnés à 25 ans de prison par des jugements iniques, malheureusement fréquents au Maroc où le système judiciaire ne dispose pas de garanties d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif. Les deux militants ont été arrêtés en 1983 pour avoir manifesté pour protester contre le massacre perpétré par les forces de l’ordre en juin 1981 lors des « émeutes de la faim » de Casablanca (mitraillages dans les rues : entre 200 et 1000 morts)et contre la politique de Hassan II, en particulier à l’encontre des Palestiniens.. Condamnés à mort, puis à perpétuité pour cette manif, leur peine a été transformée en 25 années de prison, ponctuées de tortures, de mauvais traitements, de grèves de la faim. Toujours soutenu par Marie-Jo et les défenseurs des droits de l’homme, ils ont finalement été libérés après ce calvaire de 25 ans. Mais ce cas n’est pas isolé dans la situation actuelle des droits de l’homme au Maroc.
Khadija Ryadi, qui a postfacé le livre de Marie-Jo, montre l’usage répété de ces longues peines souvent accompagnées de tortures et de mauvais traitements, manifestement dans le but de faire peur à la population, et particulièrement aux syndicalistes et aux jeunes militants exigeant le respect des droits humains et de la démocratie.
L’éditeur belge Luk Vervaet a pris ensuite la parole. Il explique avoir créé la maison d’édition « Antidote » avec quelques amis pour offrir une liberté éditoriale multilingue et transfrontalière aux « sans voix ».
Il évoque le cas d’un autre prisonnier politique belgo-marocain, Ali Aarrass. Cet homme né à Mellila (enclave espagnole au nord du Maroc) installé en Belgique depuis l’âge de 15 ans pour y rejoindre sa mère, ouvre une petite librairie à Bruxelles après son service militaire. Puis il décide de retourner à Mellila. Mais là, le Maroc demande son arrestation à l’Espagne et son extradition au Maroc sous prétexte de soutien au terrorisme. Le juge Balthasar Garzon l’arrête et l’emprisonne en 2008 sous torture blanche (isolement et silence total etc…). En 2009, constatant le vide de son dossier, et malgré une mise en garde de l’ONU, il l’extrade au Maroc où là il est pris en main par la police judiciaire pendant dix jours. Ensuite il est condamné à 15 ans de prison sur la base d’un texte d’aveu signé sous la torture. Il est devenu depuis l’un des cinq prisonniers choisis comme symboles de la lutte contre la torture par Amnesty international.
Luk Vervaet, pour conclure son intervention, rappelle que le Maroc a joué le rôle d’un sous-traitant (ainsi que quelques autres pays) pour torturer les détenus de Guantanamo. On peut craindre qu’il ne devienne un carrefour important du réseau des pratiques « sécuritaires » peu sensibles au respect des droits individuels que l’on voit se développer à l’international sous les pressions des États-Unis.
Selon lui, les autorités belges par exemple se préparent à demander au Maroc d’effectuer des patrouilles de surveillance dans les quartiers qu’elles considèrent comme « sensibles » en Belgique. Cette opinion est d’ailleurs confortée par les nombreux exemples exposés dans un autre ouvrage qu’il a édité sous le titre « Guantanamo chez nous »[2].
Le débat qui a suivi ces interventions a manifesté une forte sensibilisation aux cas individuels relatés par Marie-Jo Fressard (qui continue à être la marraine de deux jeunes détenus sahraouis arrêtés et condamnés dans les mêmes conditions) et par Luk Vervaet. La nécessité d’une vigilance accrue a été réaffirmée vis à vis des diverses manifestations des « pratiques sécuritaires » dans plusieurs pays et la question a notamment été posée « Ne faut-il pas analyser sous cet angle les velléités d’installer un « état d’urgence » permanent dans notre pays mettant en péril l’état de droit ?
[1] Marraine des deux plus anciens prisonniers politiques marocains, éditions Antidote 2015 Belgique. Préface de Gilles Perrault, postface de Khadija Ryadi, ancienne présidente de l’AMDH -.(www.antidote.be)
[2] Guantanamo chez nous ?, éditions Antidote 2014 Belgique, Auteur Luk Vervaet, Préface de Maître Marc Nève, avocat.
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