Pourquoi la justice est-elle plus prompte à réagir aux accusations de torture plutôt qu’à la torture elle-même ? Les explications de Mohammed Sebbar.
« Il est plus facile de traiter des allégations mensongères que des cas avérés de torture », explique d’emblée Mohamed Sebbar, secrétaire
national du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH). C’est la
manière avec laquelle ce dernier explique l’ouverture, lundi 14 juillet –
soit trois jours après son arrestation – du procès de Wafaa Charaf,
militante du mouvement du 20-Février (M20) et d’Annahj (Voie démocratique, ndlr). Elle a été arrêtée par les forces de police de la ville du détroit suite à des « allégations mensongères » concernant une plainte pour torture qu’elle a déposée. Un autre militant du M20 est d’ailleurs sous le coup d’une accusation similaire.
A ce sujet, le ministre de la Justice Mustapha Ramid a affirmé que son département prendra «
toutes les mesures juridiques nécessaires contre toute fausse
déclaration ou tentative d’atteinte à la réputation des personnes et des
institutions nationales ». Une initiative qui touche également « toute personne qui s’avère être impliquée ou ayant participé à un acte de torture ou pratique inhumaine ».
Pourquoi, dès lors, aucune poursuite n’a été engagée jusque-là contre
un tortionnaire présumé ? Telquel.ma a posé la question à Mohammed
Sebbar, secrétaire général du Conseil national des droits de l’Homme
(CNDH), instance officielle chargée du respect des droits humains.
Telquel.ma : La justice a été prompte à entamer des procédures
contre des personnes prétendant être torturées. Pourtant, le
gouvernement n’a communiqué sur aucune action concernant des
tortionnaires présumés, sur d’autres dossier. N’y a-t-il pas deux poids,
deux mesures ?
Mohammed Sebbar: Selon les informations du ministère
de la Justice, 13 dossiers concernant des tortionnaires sont traités
par le ministère. Il est plus facile de traiter des allégations
mensongères que des cas avérés de torture.
Quand est-ce que ces dossiers ont été ouverts ?
Ils ont été ouverts après le dernier rapport publié par Amnesty International sur la torture (au mois de mai, ndlr).
Pas avant ?
Non, pas avant.
La législation protège-t-elle assez les citoyens contre la torture ?
La Constitution et le Code pénal garantissent cette protection. Il y
a, certes, un décalage entre les lois et les faits, mais au CNDH, nous
essayons de réduire ce décalage.
Le président du CNDH, Driss El Yazami a émis au mois de mai des conseils concernant la lutte contre la torture. Qu’en est-il de leur application ?
C’est notre devoir d’émettre ces recommandations. Nous représentons
une force morale. C’est le rôle du gouvernement et du système législatif
marocain de les appliquer. Mais nous avons été encouragés par les
récentes déclarations du ministre de la Justice concernant les plaintes
de torture.
Qu’en est-il de l’action du CNDH concernant les violences contre les migrants, et les allégations de torture les concernant ?
Nous avons établi un rapport sur le sujet des « groupes
vulnérables ». Il existe des possibilités d’atteinte des droits aux
immigrés, mais l’idée du respect de la dignité et des droits des
immigrés a fait son chemin. Il faut noter que la régularisation de la
situation administrative des immigrés limite les atteintes à leurs
droits.
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