Mohammed VI espionne Christopher Ross
Par
La
visite que devait effectuer ce mois d'octobre dans la région l'envoyé
spécial de l'ONU pour le Sahara occidental a été compromise par la
position adoptée contre lui par Rabat.
Christopher Ross est la
bête noire du pouvoir marocain. Le Maroc qui n'a pas renoncé à avoir la
tête de l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahara occidental n'a pas
encore mesuré l'impact qu'aurait une telle démarche sur ses relations
avec ses soutiens traditionnels (Etats-Unis, France...).
Un coup de
poker qui met toutefois le Makhzen dans l'expectative. «Il s'agirait
donc, au stade actuel, d'évaluer la situation dans son ensemble, et de
mesurer le prix politique des événements à venir en considérant
éventuellement, la possibilité pour notre pays de désavouer l'actuel
Envoyé personnel du secrétaire général...» reconnait une note interne du
ministère marocain des Affaires étrangères portant la référence
DG/7/6/N°/2014.Ce qui a conduit les autorités marocaines à mettre sous
surveillance tous ses faits et gestes.
Celui qui a été chargé de
cette sale besogne n'est autre que l'ambassadeur du Maroc auprès des
Nations unies à Genève. Il a été chargé non seulement de collecter des
informations sur la démarche que compte adopter le diplomate américain
pour trouver une solution au conflit sahraoui mais aussi à en fournir
sur sa vie privée et ses contacts. «Une manoeuvre de Christopher Ross
pour remplacer le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU
pour le Sahara occidental serait en préparation», avait écrit Omar
Hilale le 11 avril 2012 dans une lettre confidentielle adressée à
Mohammed VI.
«Comme suite à mon fax cité en référence, j'ai l'honneur
de vous informer que les jours de M. Hany Abdelaziz, représentant
spécial du SG de l'ONU pour le Sahara, à la tête de la Minurso, seraient
comptés» avait ajouté le diplomate marocain qui a tenu à préciser que
d'après des informations qu'il aurait glané auprès d'une source du Haut
Commissariat aux réfugiés (HCR) «M. Ross recherche actuellement un
candidat ayant une forte personnalité, capable de faire face au Maroc et
qui lui serait totalement vassal. A cet égard, ma source m'a donné les
deux informations suivantes: en premier lieu, le Dpko (le Département
des opérations de maintien de la paix, Ndlr) aurait proposé le poste de
M.Hany à M.Sultan Athar Khan, directeur du cabinet du Haut Commissariat
pour les réfugiés».
Le Maroc redoute au plus haut point cette option.
Pourquoi? «Ce casting de M.Ross et son scénario d'élargissement du
rôle politique de la Minurso, insidieusement distillé dans le projet de
rapport du SG, augure d'une Timorisation (programmée) de la question du
Sahara. D'où l'impératif pour notre pays de considérer toute
modification du mandat de la Minurso comme une ligne rouge et de tout
mettre en oeuvre pour la déjouer quel qu'en soit le prix» a indiqué le
représentant permanent du Maroc auprès du Conseil des droits de l'homme à
Genève.
L'ambassadeur du Royaume chérifien faisait référence au
Timor-Oriental, un pays d Asie du Sud-Est, ancienne colonie portugaise
qui fut annexé par l'Indonésie en 1975 avant d'accéder à son
indépendance en 2002. Du coup, la visite que devait effectuer ce mois
d'octobre dans la région l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahara
occidental a pris du plomb dans l'aile. Elle a été compromise par la
position adoptée contre lui par Rabat. Au risque de s'attirer les
foudres de l'administration américaine.
Lors d'un entretien
téléphonique avec Mbarka Bouaida, la ministre marocaine déléguée aux
Affaires étrangères et à la Coopération, la sous-secrétaire d'Etat, Anne
Patterson, lui a fait savoir que Christopher Ross «doit revenir» et
«que le Maroc doit le laisser faire son travail». Le pouvoir marocain
reconnait qu'il joue gros.
«Les prémices d'une deuxième crise avec
l'administration Obama commencent déjà à se dessiner et portent encore
une fois sur la démarche de M.Ross ainsi que sur sa visite au Maroc»,
indique un document du ministère marocain des Affaires étrangères qui
souligne que «Washington ayant une sensibilité particulière à tout ce
qui touche à ce diplomate américain dont la longue carrière au sein du
département d'État a porté essentiellement sur les questions du
Moyen-Orient et d'Afrique du Nord». Un coup de poker qui indique que le
Maroc est sur la brèche.
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