Samedi, 21 Novembre 2009 10:27 Bahia Amran, Le Reporter, 21/11/2009
Aucun doute, les pouvoirs publics sont dans une phase de fermeté extrême à l’égard de la presse. Mensonges, désinformation, coups de bluff et fanfaronnades, non seulement ne resteront plus impunis, mais subiront des sanctions si sévères qu’elles dissuaderont de toute récidive…
Les derniers verdicts sont suffisamment éloquents dans ce sens.
Autre signe de fermeté, les pouvoirs publics veillent désormais à l’exécution des sentences.
Avant, les journaux pouvaient être condamnés à verser des sommes astronomiques en dommages et intérêts sans avoir à le faire réellement. La condamnation restait juste suspendue au dessus de la tête des responsables des journaux, en épée de Damoclès…
Dans les dernières affaires de délit de presse, les pouvoirs publics sont allés jusqu’au bout de l’exécution.
Ainsi, dans l’affaire « Al Michâal » (l’hebdomadaire arabophone condamné pour fausses informations sur la santé du Roi), le procureur du Roi a notifié cette semaine à la rédaction l’interdiction de parution du journal, la loi n’autorisant pas la publication d’un journal dont le responsable se trouve en prison (le directeur responsable d’Al Michaal, Driss Chahtane qui a été condamné à un an de détention est en prison).
Autre exemple, dans le procès intenté par la société Primarios au mensuel « Economie et Entreprises », dirigé par Hassan Alaoui, le paiement des dommages et intérêts auxquels le journal a été condamné (3 millions de DH) a été exigé. Pour compléter la somme due, une vente aux enchères des biens du journal est même prévue cette semaine...
Et le message dit bien ce qu’il veut dire puisque Primarios (la société royale accusée de vol) a décidé de verser à deux associations caritatives le montant des dommages-intérêts qu’elle aura ainsi encaissé. Un communiqué de la société précise en effet que le montant de ces dommages-intérêts sera versé intégralement aux associations caritatives « Al Mouassat » (Rabat) et « Al Amal » d'appui au complexe socio-éducatif de Sala Al Jadida s'occupant d'enfants orphelins.
La profession a même été étonnée que le directeur d’« Al Massae », Rachid Nini, ait été condamné à 3 mois de prison ferme (pour diffamation d’un juge dans l’affaire du baron de la drogue Triha). Lui que tous ses confrères tenaient pour intouchable après l’avoir vu enchaîner les réquisitoires contre la presse et croyant qu’il était désormais mandaté par les pouvoirs publics pour cela…
Fermeté, donc... Fermeté, soit. Nombreux sont ceux qui se plaignaient des excès de la presse, y compris dans la presse.
Cependant la fermeté, à elle seule, ne résoudra pas tous les problèmes de la presse.
Dans les grandes démocraties, la fermeté est de rigueur, mais elle intervient pour l’application de la loi.
Or, au Maroc, c’est la loi qui n’est pas encore au point.
Ceux, dans la profession, qui réclament un nouveau code de la presse ne le font pas pour amuser la galerie. Ils le font parce que c’est ainsi que les grandes démocraties ont résolu leurs problèmes dans le domaine de la presse. Elles ont fait des lois, en concertation avec la profession et les experts en droit. Et elles ont veillé à ce que ces lois soient opposables à tous et scrupuleusement respectées par tous, y compris par l’Etat. De la sorte, il ne peut y avoir aucune contestation possible.
Aujourd’hui, on nous annonce que le PAM veut se saisir du dossier de la presse et s’en saisir au sein du Parlement. L’initiative peut être excellente, à condition qu’elle ne résonne pas à nos oreilles comme une menace. Lorsque les négociations sur la révision du code de la presse, avec le gouvernement Jettou, étaient arrivées à une impasse, fin juin 2007, la profession avait justement suggéré que le Parlement se saisisse du dossier et tranche… Les concessions de part et d’autre ne pouvant aller plus loin.
L’initiative prise par le PAM d’ouvrir le débat au sein du Parlement est donc la bienvenue, mais pour que le PAM en obtienne les meilleurs résultats, il faut qu’elle s’inscrive dans un esprit de concertation. L’initiateur du PAM, Fouad Ali Al Himma, était l’interface de la presse lorsqu’il était délégué au ministère de l’Intérieur. C’est dans ce rôle-là que la profession l’a apprécié (et même ensuite regretté). Que son parti aujourd’hui ignore la profession et veuille juste la mettre au pas, ne serait pas la meilleure voie pour hisser les textes -et surtout les niveaux- de la presse marocaine aux standards internationaux.
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