« Je suis libre, je suis heureux ! ». C’est par ces mots que le journaliste Fahem Boukadous a appris à Reporters sans frontières la nouvelle de sa sortie de la clandestinité, qui n’a pas été suivie d’une incarcération, le 24 novembre 2009. Obligé de se cacher pendant seize mois et demi, le journaliste de la chaîne satellitaire El Hiwar Ettounsi est ressorti libre du tribunal de Gafsa (400 km au sud de Tunis), ce matin. Fahem Boukadous a tout de même été interrogé pendant quelques heures dans les bureaux de la police politique de la ville, avant d’être libéré vers 15 heures.
La fin d’un cauchemar ? Réponse le 21 décembre, lorsque le tribunal de Gafsa rendra son verdict. Fahem Boukadous avait été condamné par contumace, en décembre 2008, à une peine de six ans de prison ferme, pour “constitution d’une association criminelle susceptible de porter atteinte aux personnes et à leurs biens”, suite à la couverture médiatique des manifestations populaires dans la région minière de Gafsa. La peine avait été confirmée en appel, le 5 février 2009.
Le 5 novembre dernier, le président Zine el-Abidine Ben Ali avait gracié les trente-huit prisonniers du bassin minier de Redeyef-Gafsa, jugés et condamnés pour leur participation aux manifestations qui se sont déroulées en 2008.
Une équipe de Reporters sans frontières a rencontré Fahem Boukadous, en octobre 2009, alors qu’il vivait toujours dans la clandestinité.
L’organisation reste vigilante. Deux journalistes, Taoufik Ben Brik et Zouhaïer Makhlouf, sont toujours emprisonnés. Les avocats de Zouhaïer Makhlouf, au cours de la seconde audience du procès, le 24 novembre, n’ont pour ainsi dire pas pu plaider. Et le juge a annoncé que le verdict serait rendu le 1er décembre. Par ailleurs, les journalistes Sihem Bensedrine et Slim Bourkhdhir sont toujours sous étroite surveillance policière. Le correspondant d’Al-Jazeera, Lotfi Hajji, est suivi dans ses moindres déplacements. Enfin, l’étudiant Mohammed Soudani, qui a été arrêté le 22 octobre 2009 pour avoir parlé à des journalistes de RFI et RMC présents à Tunis alors qu’ils couvraient l’élection présidentielle du 25 octobre dernier, a été condamné, six jours plus tard, à quatre mois de prison. Il a été gardé au secret jusqu’au 9 novembre 2009.
Qui est Fahem Boukadous ?
Par L.M. Bakchich, novembre 2008
Tunisie : bon journaliste, s'abstenir
Coupable... d'avoir fait son travail. Le journaliste Fahem Boukadous est recherché par les autorités tunisiennes depuis le 5 juillet 2008. Correspondant de la télévision privée Al-Hiwar Attounsi (dont le slogan est "La parole libre est l'essence d'un État libre"), il est officiellement poursuivi pour "appartenance à une association de malfaiteurs" et "diffusion d'informations de nature à troubler l'ordre public" et risque jusqu'à 10 ans de prison.
Son "crime" ? Selon Reporters Sans Frontières (RSF), qui lance un appel pour que soient abandonnées les poursuites, il est accusé d'avoir couvert pour la chaîne des manifestations populaires dans la région de Gafsa (sud-ouest tunisien) et d'avoir mis en contact des médias étrangers avec les syndicalistes. Correspondant dans la région, Fahem Boukadous a été le premier à pouvoir filmer les mouvements des ouvriers de Gafsa qui manifestent depuis le début de l'année pour dénoncer la marginalisation, la pauvreté et la corruption. Il a ainsi relaté les arrestations arbitraires de la police (de manifestants et de syndicalistes) et recueilli les témoignages d'une population fortement touchée par le chômage. D'après RSF, les autorités tunisiennes empêchent toujours la presse de se rendre en toute liberté dans la région.
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