Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu´au sommet de la colline
Qu´importent les jours les années
Ils avaient tous l´âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne
Jean Ferrat « La Montagne »
A
Imider, ce petit village de l’Atlas marocain, où le courage semble
avoir définitivement pris ses quartiers, il est une certitude que la
détermination n’est ni une affaire de sexe, d’âge ou de nombre, mais
affaire de conscience collective.
Depuis le mois d’Août
2011, les fiers habitants de cette vallée encaissée de l’Atlas luttent
sans discontinuer, contre la prédation et le saccage de leur
environnement. Ils bravent la misère et les rigueurs extrêmes de l'Atlas
marocain pour dénoncer l'injustice.
Face à eux, rien moins que
le roi, par le truchement de sa Holding, la SMI, filiale de l’ONA, qui
étend ses tentacules partout où brille le métal qu’elle n’hésite pas à
extirper et littéralement confisquer, au nez et à la barbe des
« indigènes », au moyen de méthodes pour le moins contestables.
D’énormes quantités d’eau utilisées par la mine sont rejetées sans
aucune précaution dans la nature, tout autour de la concession,
retournant ainsi, par gravitation à la nappe phréatique d’où elles ont
été tirées, chargées de toutes les scories résultant de la purification
du métal, de cyanure et de mercure. La photo satellite est sans appel et
montre les dégâts effroyables infligés à l’environnement. Une vision
d’apocalypse qui nous renvoie sur une autre planète. Plus bas dans la
vallée, les récoltes se péjorent d’année en année et les arbres
fruitiers et les palmiers se meurent asphyxiés par le poison.
Vue aérienne de la Mine de la SMI
L’épreuve
de force ne date pas d’hier. En 1986, alors que les responsables
avaient décidé de creuser un nouveau puits, les habitants pressentant le
désastre qui allait s’ensuivre, avaient tenté de s’y opposer.
Résultat : bastonnades, arrestations et emprisonnements de plusieurs des
protestataires. Une autre tentative de blocage de la mine en 1996,
avait duré quarante-huit jours et s’était soldée par une intervention
violente des forces de l’ordre qui n’a épargné ni femmes, ni enfants, ni
vieillards, avec à la clé la destruction du campement amazigh, des
arrestations et des condamnations à de la prison ferme pour deux femmes.
Si
les autorités n’ont, cette fois, pas osé intervenir massivement, c’est
que le printemps marocain est passé par là et la communauté
internationale qui a entendu les lamentations de ceux d’Imider, a
désormais les yeux rivés sur ce petit bout de l’Atlas où le campement
des indignés est devenu un village. De bric et de broc, de toiles
vieillottes, de fossés creusés à même le sol, de blocs de pierres, mais
un village tout de même. Celui de la dignité !
Alors
à défaut de tout saccager, les gendarmes font dans la répression
chirurgicale en arrêtant et emprisonnant ceux qu’ils pensent être les
meneurs. Après Mustapha Ouchtoubane, condamné à quatre
ans de prison, en appel le 13 février 2012, cinq autres militants
arrêtés le jeudi 12 juillet encourent, à leur tour, de lourdes peines de
prison pour leur appartenance au « Mouvement sur la voie de 96 ».
Pourtant, Moha Bennaser, Faska Laadad, Karim Lahcen, Taïeb Omar et Moha Ouljihad et les autres, ne
sont ni des criminels, ni des agitateurs. Tout juste revendiquent-ils
le respect de l’environnement et le partage des bénéfices de la mine
avec la région qui semble avoir été condamnée par le pouvoir central à
l’exclusion de tout développement.
"Les cinq d'Imider"
Les
autorités locales pensent réduire au silence
les populations de la
région. Lourde erreur, car en pays amazigh, la détermination n’est pas
un mythe. Qui n’a pas vu la vidéo de ce garçon d’une dizaine d’années
interpellant les responsables du pays, ne peut comprendre la portée
réelle de la prise de conscience.
Le petit Amazigh rebelle d'Imider. |
«
Les gouvernants devront un jour, assumer les conséquences de ces
actes accomplis par les
subordonnés corrompus et incompétents qu’ils ont
nommés ! » clame le petit berbère, en véritable tribun, face caméra.
Discours
soufflé par des comploteurs tapis derrière la caméra, prétendent les
thuriféraires de l’indéfendable. Et alors ? Peu importe le pianiste,
c’est la partition qui compte !
Une image qui en rejoint
d’autres, lorsque les femmes berbères toutes de noir vêtues, perchées
sur les escarpements du Rif et de l’Atlas, entonnaient les youyous et
les chants traditionnels, pour encourager leurs hommes à cheval, montant
à l’assaut de l’envahisseur français ou espagnol.
- « Seul le drapeau a changé, un colonialisme en a remplacé un autre ! » rappellent certains villageois, hors caméra.
Après
les gauchistes du dimanche, le régime marocain conforté par ses
islamistes du vendredi, pense pouvoir affaiblir l’ « Aube citoyenne »,
en enchaînant les mesures coercitives. Son bras séculier s’est étendu
également, à ceux d’Imider pour leur imposer la « Pax Makhzena ». Mais
c’est oublier un peu trop vite que la lutte des peuples pour leur
dignité est comme un caillou dans la chaussure du dictateur. Changer de
chaussure ne met jamais ce dernier à l'abri de voir l'intrus revenir lui
titiller les orteils.
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