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jeudi 9 août 2012

Imider, comme un caillou dans la chaussure du prédateur !

par Salah Elayoubi, lundi 6/8/ 2012
Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu´au sommet de la colline
Qu´importent les jours les années
Ils avaient tous l´âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne

Jean Ferrat  « La Montagne »

 

A Imider, ce petit village de l’Atlas marocain, où le courage semble avoir définitivement pris ses quartiers,  il est une certitude que la détermination n’est ni une affaire de sexe, d’âge ou de nombre, mais affaire de conscience collective.

Depuis le mois d’Août 2011, les fiers habitants de cette vallée encaissée de l’Atlas luttent sans discontinuer, contre la prédation et le saccage de leur environnement. Ils bravent la misère et les rigueurs extrêmes de l'Atlas marocain pour dénoncer l'injustice. 

Face à eux, rien moins que le roi, par le truchement de sa Holding, la SMI, filiale de l’ONA, qui étend ses tentacules partout où brille le métal qu’elle n’hésite pas à extirper et littéralement confisquer, au nez et à la barbe des « indigènes », au moyen de méthodes pour le moins contestables. D’énormes quantités d’eau utilisées par la mine sont rejetées sans aucune précaution dans la nature, tout autour de la concession, retournant ainsi, par gravitation  à la nappe phréatique d’où elles ont été tirées, chargées de toutes les scories résultant de la purification du métal, de cyanure et de mercure. La photo satellite est sans appel et montre les dégâts effroyables  infligés à l’environnement. Une vision d’apocalypse qui nous renvoie sur une autre planète. Plus bas dans la vallée, les récoltes se péjorent d’année en année et les arbres fruitiers et les palmiers se meurent asphyxiés par le poison.

Vue aérienne de la Mine de la SMI

L’épreuve de force ne date pas d’hier. En 1986, alors que les responsables avaient décidé de creuser un nouveau puits, les habitants pressentant le désastre qui allait s’ensuivre, avaient tenté de s’y opposer. Résultat : bastonnades, arrestations et emprisonnements de plusieurs des protestataires. Une autre tentative de blocage de la mine en 1996, avait duré quarante-huit jours et s’était soldée par une intervention violente des forces de l’ordre qui n’a épargné ni femmes, ni enfants, ni vieillards, avec à la clé la destruction du campement amazigh, des arrestations et des condamnations à de la prison ferme pour deux femmes.
Si les autorités n’ont, cette fois, pas osé intervenir massivement, c’est que le printemps marocain est passé par là et la communauté internationale qui a entendu les lamentations de ceux d’Imider,  a désormais les yeux rivés sur ce petit bout de l’Atlas où le campement des indignés est devenu un village. De bric et de broc, de toiles vieillottes, de fossés creusés à même le sol, de blocs de pierres, mais un village tout de même. Celui de la dignité !

Mustapha Ouchtoubane 

Alors à défaut de tout saccager, les gendarmes font dans la répression chirurgicale en arrêtant et emprisonnant ceux qu’ils pensent être les meneurs.  Après Mustapha Ouchtoubane, condamné à quatre ans de prison, en appel le 13 février 2012, cinq autres militants arrêtés le jeudi 12 juillet encourent, à leur tour, de lourdes peines de prison pour leur appartenance au « Mouvement sur la voie de 96 ».

Pourtant, Moha Bennaser, Faska Laadad,  Karim Lahcen, Taïeb Omar et  Moha Ouljihad et les autres, ne sont ni des criminels, ni des agitateurs. Tout juste revendiquent-ils le respect de l’environnement et le partage des bénéfices de la mine avec la région qui semble avoir été condamnée par le pouvoir central à l’exclusion de tout développement.

 "Les cinq d'Imider"
 Les autorités locales pensent réduire au silence
 
 les populations de la région. Lourde erreur, car en pays amazigh, la détermination n’est pas un mythe. Qui n’a pas vu la vidéo de ce garçon d’une dizaine d’années interpellant les responsables du pays,  ne peut comprendre la portée réelle de la prise de conscience.

 Le petit Amazigh rebelle d'Imider. 
         «  Les gouvernants devront  un jour,  assumer les conséquences de ces actes accomplis par les
subordonnés corrompus et incompétents qu’ils ont nommés ! » clame le petit berbère, en véritable tribun, face caméra.

Discours soufflé par des comploteurs tapis derrière la caméra, prétendent les thuriféraires de l’indéfendable. Et alors ? Peu importe le pianiste, c’est la partition qui compte !  

Une image qui en rejoint d’autres, lorsque les femmes berbères toutes de noir vêtues, perchées sur les escarpements du Rif et de l’Atlas, entonnaient les youyous et les chants traditionnels, pour encourager leurs hommes à cheval, montant à l’assaut de l’envahisseur français ou espagnol.

-          « Seul le drapeau a changé, un colonialisme en a remplacé un autre ! » rappellent certains villageois, hors caméra.

Après les gauchistes du dimanche, le régime marocain conforté par ses islamistes du vendredi, pense pouvoir affaiblir l’ « Aube citoyenne », en enchaînant les mesures coercitives. Son bras séculier s’est étendu également,  à ceux d’Imider pour leur imposer la « Pax Makhzena ». Mais c’est oublier un peu trop vite que la lutte des peuples pour leur dignité est comme un caillou dans la chaussure du dictateur. Changer de chaussure ne met jamais ce dernier à l'abri de voir l'intrus revenir lui titiller les orteils.





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