par Aziz Enhaili
Rédacteur en chef adjoint, membre de Tolerance.ca®
Rédacteur en chef adjoint, membre de Tolerance.ca®
Le Parti de la justice et du développement a achevé le
processus de son intégration au sein du système politique marocain. Son
récent congrès national ordinaire devait accompagner le passage du parti
islamiste de l’opposition à la participation au gouvernement et choisir
son secrétaire général.
L‘intégration des ''frères'' d’Abdelillah Benkirane au sein du système
politique marocain a été le fruit d’un long processus d’apprivoisement
entre, d’une part, une monarchie viscéralement attachée à l’exercice
autoritaire d’un pouvoir se voulant d’essence divine et, d’autre part,
d’anciens militants d’un mouvement islamiste radical qui voulait en
finir avec elle et ériger à sa place une république islamique. C’est
dire le degré de suspicion dans laquelle Hassan II (1961-1999) tenait
cette jeunesse islamiste. Mais son homme de confiance et exécutant de
ses basses œuvres, Driss Basri, a joué un rôle de premier ordre dans
l’évolution de ''l’humeur'' royale. L’ancien ministre de l’Intérieur
voulait se servir du nouveau arrivé pour faire pression sur la gauche
institutionnelle en vue de ''l’amadouer'' et pour diviser le mouvement
islamiste dans son ensemble, prélude, pensait-il, à sa domestication.
Mais, côté islamiste, l’intégration graduelle des ''frères''
d’Abdelillah Benkirane s’est faite au prix de nombreuses renonciations
doctrinaires et politiques de taille, dont la reconnaissance de la
légitimité religieuse du régime autoritaire en place. Ce à quoi la
plupart des mouvements islamistes et salafistes continuent encore à s'y
refuser.
Devant le refus des autorités de les reconnaître comme parti politique et la fin de non-recevoir de leur demande d’être intégrés comme ''sensibilité'' au sein du conservateur Parti de l’Istiqlal, ils ont jeté en 1996 leur dévolu sur le Mouvement populaire démocratique constitutionnel (MPDC). Une coquille vide tenue d’une main ferme par un inconditionnel de la couronne. Abdelkrim Khatib tenait à ce que les nouveaux arrivés le sachent…
En 1997, ces islamistes ont participé aux élections locales à titre de candidats ''sans affiliation'' partisane... Mais aux élections législatives de la même année, ils sont autorisés à s’afficher sous la bannière du ''parti'' de M. Khatib. Cela a permis au MPDC de récolter 9 sièges (sur un total de 325 maroquins). Cinq ans plus tard, les islamistes du Parti de la justice et du développement (nouvelle appellation depuis 1998 du défunt MPDC) ont obtenu 42 sièges (sur 325 maroquins). Ils ont amélioré leurs scores de quatre sièges supplémentaires (toujours sur 325 députés) en 2007. En 2012, ils ont fait élire 107 des leurs (sur 395 députés). Une performance à situer dans le contexte du Printemps arabe qui a permis aux islamistes en Tunisie et en Égypte d’engranger des fruits électoraux de leur long labeur oppositionnel face aux régimes autoritaires déchus. Une grande bourgeoisie inquiète avait vu dans le PJD un rempart contre l’instabilité sévissant dans la région.
Durant les quinze dernières années, le PJD est, dans un premier temps, passé assez rapidement d’une position de ''soutien critique'' au gouvernement de transition verrouillée du chef socialiste Abderrahmane Youssoufi à une opposition franche. Son association à la forte mobilisation des forces conservatrices contre le projet gouvernemental d’amélioration des conditions de vie des femmes lui a donné des ailes. Mais il est passé d’un cheveu de se faire dissoudre par le ministère de l’Intérieur au lendemain des attentats terroristes du 16 mai 2003 à Casablanca. Se retrouvant sur la défensive, il a fait le dos rond pendant quelques années. L’augmentation en 2007 du nombre de ses sièges lors d’élections législatives entachées d’irrégularités sérieuses, a été interprétée par son élite dirigeante comme un feu vert de la part d’autorités en total contrôle du processus électif. Le PJD a donc repris sa ''croisade''…
Quand le Printemps arabe a touché le Maroc, l’élite du PJD n’a pas hésité longtemps avant de choisir son camp. Comme il fallait s’y attendre, son secrétaire général (depuis le congrès de 2008) a joué la carte de la monarchie. Il a fait ce qu’il pouvait pour briser l’élan du Mouvement du 20 février. Un mouvement populaire d’un genre nouveau qui milite pour la démocratisation du régime autoritaire en place, pour la justice sociale et contre la corruption endémique à tous les échelons de l’État.
Pour couronner sa ''croisade'' contre ce jeune mouvement démocratique porteur de promesses de meilleurs lendemains, il a mobilisé l’appareil de son parti et ses antennes dans la société civile pour contribuer, aux côtés de l’État, des confréries et de la plupart des ''partis'' politiques, à faire triompher le projet d’une Constitution octroyée par Mohamed VI (1999-) et qui fondamentalement préserve le même régime autoritaire hérité de la Constitution de 1972 et donc le monopole du pouvoir entre les mains de l’héritier d’Hassan II.
Les islamistes du PJD sont donc passés en l’espace de 15 ans de la 10e à la 1e place au sein de la Chambre basse du Parlement. Cette nouvelle pole-position a permis à leur secrétaire général de former le gouvernement et en devenir le ''chef''. Abdelillah Benkirane doit donc cette ''promotion'' inattendue à la lutte démocratique de ce même Mouvement populaire du 20 février qu’il avait combattu de toutes ses forces.
Le PJD a tenu son septième congrès national ordinaire les 14 et 15
juillet 2012 à Rabat. C’est son premier congrès depuis les dernières
élections législatives et la cooptation royale de son élite au sein d’un
gouvernement de coalition.
La nouvelle situation du PJD a rendu caduque la thèse de son 6e congrès national ordinaire tenu en 2008, celle de la ''lutte démocratique'', et facilité l’adoption d’une nouvelle, celle du ''partenariat efficace pour l'édification démocratique''. Cette prise de position est une invite adressée aux membres du PJD pour qu’ils laissent toute latitude à leur secrétaire général dans ses relations avec la monarchie. Eux qui reconnaissent à celle-ci la légitimité religieuse de son exercice autoritaire du pouvoir. Une orientation voulant d'un autre côté rassurer le régime sur le ralliement stratégique du PJD à son chef.
Ce slogan cherche également à recadrer l’action de députés qui continuent à agir à la Chambre des représentants comme au bon vieux temps de l’opposition. Suscitant des grincements de dents de la direction islamiste et le mécontentement de partenaires de la coalition. C’est dire la difficulté rencontrée par eux de réussir le passage d’une culture d’opposition à celle d’un parti gouvernemental.
Ce changement de stratégie n’a pas empêché le parti de rappeler sa valeur fondamentale, à savoir l’islamité de l’État et de la société, et son attachement à la monarchie comme ciment de la nation et à la démocratie comme choix politique. Des formulations vagues qui ont l’avantage d’éviter de s’aliéner démocrates et gardiens du temple monarchique. Mais, présenter le Maroc comme entité nationale islamique est loin de refléter la réalité du pays. Tous les Marocains ne sont pas musulmans. Aussi, la démocratie ne se réduit pas à une technologie politique. Elle est liée à une idée de l’homme et de sa place dans la société. Ce qui est loin d’être pris en considération dans la réflexion islamiste, PJD inclus.
3300 personnes ont participé au 7e congrès du PJD. Soit 1670
partisans de plus par rapport au congrès précédent. Ce qui atteste de
l’élargissement hâtif et risqué en l’espace de quatre ans du rayonnement
et donc de la base du parti. Trois indices supplémentaires de son
attrait auprès de la population: 550 de ces congressistes sont des
femmes, 1360 ont moins de 40 ans et près des deux-tiers sont des
universitaires. Même la diaspora marocaine n’a pas résisté à son
attrait: 83 participants vivent dans douze pays. Ces différents indices
montrent la modernité de la sociologie du parti islamiste. Quand on
jette un coup d’œil au profil sociologique des autres partis politiques,
notamment de gauche, on se rend compte combien ces islamistes ont pris
de l’avance sur leurs adversaires, qui pour la plupart sont sclérosés et
par conséquent résistent au rajeunissement et à la féminisation
graduelle de leurs équipes dirigeantes. Ce qui représente un démenti
cinglant de leur rhétorique démocratique et d’ouverture et annonce, sauf
sursaut surprenant de leur part, leur ''mort'' programmé dans les
tables de la formation sociale marocaine.
L’intégration graduelle des islamistes du PJD au sein du système politique
Devant le refus des autorités de les reconnaître comme parti politique et la fin de non-recevoir de leur demande d’être intégrés comme ''sensibilité'' au sein du conservateur Parti de l’Istiqlal, ils ont jeté en 1996 leur dévolu sur le Mouvement populaire démocratique constitutionnel (MPDC). Une coquille vide tenue d’une main ferme par un inconditionnel de la couronne. Abdelkrim Khatib tenait à ce que les nouveaux arrivés le sachent…
En 1997, ces islamistes ont participé aux élections locales à titre de candidats ''sans affiliation'' partisane... Mais aux élections législatives de la même année, ils sont autorisés à s’afficher sous la bannière du ''parti'' de M. Khatib. Cela a permis au MPDC de récolter 9 sièges (sur un total de 325 maroquins). Cinq ans plus tard, les islamistes du Parti de la justice et du développement (nouvelle appellation depuis 1998 du défunt MPDC) ont obtenu 42 sièges (sur 325 maroquins). Ils ont amélioré leurs scores de quatre sièges supplémentaires (toujours sur 325 députés) en 2007. En 2012, ils ont fait élire 107 des leurs (sur 395 députés). Une performance à situer dans le contexte du Printemps arabe qui a permis aux islamistes en Tunisie et en Égypte d’engranger des fruits électoraux de leur long labeur oppositionnel face aux régimes autoritaires déchus. Une grande bourgeoisie inquiète avait vu dans le PJD un rempart contre l’instabilité sévissant dans la région.
Durant les quinze dernières années, le PJD est, dans un premier temps, passé assez rapidement d’une position de ''soutien critique'' au gouvernement de transition verrouillée du chef socialiste Abderrahmane Youssoufi à une opposition franche. Son association à la forte mobilisation des forces conservatrices contre le projet gouvernemental d’amélioration des conditions de vie des femmes lui a donné des ailes. Mais il est passé d’un cheveu de se faire dissoudre par le ministère de l’Intérieur au lendemain des attentats terroristes du 16 mai 2003 à Casablanca. Se retrouvant sur la défensive, il a fait le dos rond pendant quelques années. L’augmentation en 2007 du nombre de ses sièges lors d’élections législatives entachées d’irrégularités sérieuses, a été interprétée par son élite dirigeante comme un feu vert de la part d’autorités en total contrôle du processus électif. Le PJD a donc repris sa ''croisade''…
Quand le Printemps arabe a touché le Maroc, l’élite du PJD n’a pas hésité longtemps avant de choisir son camp. Comme il fallait s’y attendre, son secrétaire général (depuis le congrès de 2008) a joué la carte de la monarchie. Il a fait ce qu’il pouvait pour briser l’élan du Mouvement du 20 février. Un mouvement populaire d’un genre nouveau qui milite pour la démocratisation du régime autoritaire en place, pour la justice sociale et contre la corruption endémique à tous les échelons de l’État.
Pour couronner sa ''croisade'' contre ce jeune mouvement démocratique porteur de promesses de meilleurs lendemains, il a mobilisé l’appareil de son parti et ses antennes dans la société civile pour contribuer, aux côtés de l’État, des confréries et de la plupart des ''partis'' politiques, à faire triompher le projet d’une Constitution octroyée par Mohamed VI (1999-) et qui fondamentalement préserve le même régime autoritaire hérité de la Constitution de 1972 et donc le monopole du pouvoir entre les mains de l’héritier d’Hassan II.
Les islamistes du PJD sont donc passés en l’espace de 15 ans de la 10e à la 1e place au sein de la Chambre basse du Parlement. Cette nouvelle pole-position a permis à leur secrétaire général de former le gouvernement et en devenir le ''chef''. Abdelillah Benkirane doit donc cette ''promotion'' inattendue à la lutte démocratique de ce même Mouvement populaire du 20 février qu’il avait combattu de toutes ses forces.
Accompagner le nouveau rôle politique du PJD
La nouvelle situation du PJD a rendu caduque la thèse de son 6e congrès national ordinaire tenu en 2008, celle de la ''lutte démocratique'', et facilité l’adoption d’une nouvelle, celle du ''partenariat efficace pour l'édification démocratique''. Cette prise de position est une invite adressée aux membres du PJD pour qu’ils laissent toute latitude à leur secrétaire général dans ses relations avec la monarchie. Eux qui reconnaissent à celle-ci la légitimité religieuse de son exercice autoritaire du pouvoir. Une orientation voulant d'un autre côté rassurer le régime sur le ralliement stratégique du PJD à son chef.
Ce slogan cherche également à recadrer l’action de députés qui continuent à agir à la Chambre des représentants comme au bon vieux temps de l’opposition. Suscitant des grincements de dents de la direction islamiste et le mécontentement de partenaires de la coalition. C’est dire la difficulté rencontrée par eux de réussir le passage d’une culture d’opposition à celle d’un parti gouvernemental.
Ce changement de stratégie n’a pas empêché le parti de rappeler sa valeur fondamentale, à savoir l’islamité de l’État et de la société, et son attachement à la monarchie comme ciment de la nation et à la démocratie comme choix politique. Des formulations vagues qui ont l’avantage d’éviter de s’aliéner démocrates et gardiens du temple monarchique. Mais, présenter le Maroc comme entité nationale islamique est loin de refléter la réalité du pays. Tous les Marocains ne sont pas musulmans. Aussi, la démocratie ne se réduit pas à une technologie politique. Elle est liée à une idée de l’homme et de sa place dans la société. Ce qui est loin d’être pris en considération dans la réflexion islamiste, PJD inclus.
Abdelillah Benkirane se succédant à lui-même, sans surprise
Au niveau des structures du PJD, les congressistes devaient régler deux
questions majeures: amender les statuts du parti et élire son
secrétaire général ainsi que les membres du secrétariat général
(l’exécutif du parti) et du Conseil national.
Le PJD était divisé face à la question du cumul des mandats. Une première partie ne voyait aucun inconvénient par exemple à ce que le secrétaire général sortant soit réélu et continue en même temps d’être ''chef'' du gouvernement. Une seconde partie était contre le cumul des mandats. Elle voulait qu’on fasse une séparation entre l’aile gouvernementale (douze ministres) du PJD et sa direction. Si cette dernière voulait conserver une autonomie relative au parti et à son aile parlementaire par rapport à l’aile gouvernementale, la première ne l’entendait pas ainsi. Elle qui voulait que le parti soit au service du gouvernement et que les députés ''têtes fortes'' rentrent dans le rang au nom du principe de solidarité parlementaire avec le gouvernement.
Pour soulager le secrétaire général de ses lourdes charges partisanes, la direction islamiste a prévu la création, aux côtés de son bureau, d’une nouvelle structure: le Conseil de gestion. Au secrétaire général de continuer d’assumer les charges de direction politique, et à ce bureau la charge des aspects organisationnel et administratif de la vie du PJD. L’avantage de cette formule est également d’associer encore davantage d’autres acteurs à la gestion du parti.
Grâce aux récentes modifications apportées aux statuts du parti, le Conseil national a vu le nombre de ses membres passer de 100 à 160, à la tête desquels on a reconduit Saâdeddine El Othmani. On a également désigné à leurs côtés des membres dits ''qualifiés''. Il s’agit des membres du secrétariat général, des ministres et des secrétaires des bureaux provinciaux, préfectoraux et locaux. Ce système mixte présente l’avantage pour la direction du parti de gagner la bienveillance de nombreux dirigeants de différents rangs et de conforter sa mainmise sur cette instance chargée notamment de l’élection de l’exécutif du parti (le secrétariat général). Mais ce double avantage dévoile une des limites de la ''démocratie interne'' du parti islamiste.
Environ 40% des membres du nouveau Conseil élu sont des femmes et près de leur tiers ont moins de 40 ans. Un remaniement allant donc avec la féminisation et le rajeunissement du corps de cette instance.
Si les amendements apportés aux statuts limitent le mandat du secrétaire général à deux périodes de quatre ans chacune, ils lui permettent de choisir lui-même, via le filtre du Conseil national, les membres du secrétariat général. Ce dont il ne s’est pas privé aussitôt après l’annonce de sa réélection. Cela a permis par exemple à sept ministres (Lahcen Daoudi, Abdelaziz Amara, Azami El Idrissi, Abdelaziz Rebbah, Mustapha El Khalfi et les controversés Mostafa Ramid et Bassima Hakkaoui) d’y être cooptés. Cette prérogative lui a, d’un autre côté, permis d’en éloigner des députés identifiés à ''l’aile dure'' du parti, dont Abdelaziz Aftati, Mouqrî Abou Zaïd El Idrissi (élus la première fois en 1997) et Abdellah Bouano. De récentes déclarations d’Aftati et de Bouano avaient plongé leur chef dans l’embarras. Les dénégations d’un Mohamed Yatim ne changent rien à cette réalité. Pour la petite histoire, c’est suite à la suggestion de M. Benkirane que ce compagnon de route a été coopté au secrétariat général…
Les membres du nouveau Conseil devaient eux aussi se prononcer sur le sort des candidats au poste de secrétaire général du parti.
Plusieurs militants se demandaient s’il fallait oui ou non permettre au secrétaire sortant de rempiler dans son poste pour quatre années supplémentaires. Les ''contestataires'' se recrutaient principalement au sein notamment de la jeunesse (et donc parmi les militants de base). Pour eux, M. Benkirane ne pouvait cumuler en même temps les postes de chef du parti et de ''chef'' du gouvernement. Les critiques étaient mal à l’aise face au fait que plus des deux-tiers des membres du secrétariat général sont des ministres. Pour tenter de calmer le jeu, la direction islamiste a convenu, lors de la session extraordinaire du Conseil national, de mettre en place une ''direction générale ''. Un organe dont la vocation est de s’occuper des questions non politiques qui elles demeurent du ressort du secrétariat général.
Une fois cette ''tempête'' contenue, il fallait s’atteler à la préparation des conditions de l'élection notamment du secrétaire général du parti islamiste.
Au premier tour de l’élection du secrétaire général, cinq candidats se sont affrontés: les ministres Mustapha Ramid (Justice et libertés), Aziz Rebbah (Équipement), Abdallah Baha (Enseignement supérieur) et Saâdeddine El Othmani (Affaires étrangères) et le ''chef '' du gouvernement et secrétaire général sortant du parti, Abdelilah Benkirane. Ce dernier a récolté 224 suffrages loin devant MM. El Othmani, Rebbah, Ramid et Baha (respectivement 149, 62, 59 et 39). Faute d’avoir récolté un minimum de 10% des suffrages exigés, les trois premiers devaient jeter la serviette. Après leur retrait de la course, la lutte s’est limitée au secrétaire général sortant et à son prédécesseur.
Sur 2.586 suffrages valides lors du dernier tour, M. Benkirane a récolté 2.240 voix. Il a non seulement battu pour une seconde fois de suite son concurrent le plus sérieux, mais il a également fait grimper ses appuis de plus de 29% par rapport au congrès précédent, les faisant passer à 85,11% (au lieu des 56% de 2008: 684 sur 1628 voix). Mais si on ne le voyait pas venir lors du 6e congrès du PJD, son élection cette fois était attendue. Ne disait-on pas dans les coulisses pjdistes, en guise d’argument Massu à l’adresse des hésitants, qu’on n’affaiblissait pas un ''chef '' du gouvernement en exercice? Ne plaidait-on pas également que c’est sous son leadership que le PJD a enregistré des succès électoraux appréciables et qu’il sut négocier avec la monarchie son passage de l’opposition au gouvernement.
M. Benkirane garde donc son poste à la tête du PJD pour quatre ans supplémentaires. Mais si M. Othmani a mordu la poussière pour une seconde fois de suite, sauf surprise, il sera là dans quatre ans pour tenter encore une fois de reprendre le poste qu’il lui a échappé il y a quatre ans.
**
Le passage de la case ''opposition'' à celle de ''gouvernement'' ne sera pas une chose aisée pour un parti qui a cultivé durant une longue période de son existence une culture d'affrontement avec les autres composantes du paysage politique et intellectuel, notamment la gauche. Le renforcement continu de cette intégration au sein du système politique donnera lieu en son sein à des tiraillements entre différentes ''sensibilités''. La marginalisation de représentants de son ''aile dure'' promet également de compliquer ce processus. Tout comme sa cour assidu à des courants radicaux wahabo-salafistes. La grogne populaire suscitée par les récentes augmentations du prix de l'essence et du gasoil à la pompe promettent elle aussi de mettre une pression supplémentaire sur sa base et sur son aile parlementaire qui elle a l’œil sur les prochaines législatives.
Le PJD était divisé face à la question du cumul des mandats. Une première partie ne voyait aucun inconvénient par exemple à ce que le secrétaire général sortant soit réélu et continue en même temps d’être ''chef'' du gouvernement. Une seconde partie était contre le cumul des mandats. Elle voulait qu’on fasse une séparation entre l’aile gouvernementale (douze ministres) du PJD et sa direction. Si cette dernière voulait conserver une autonomie relative au parti et à son aile parlementaire par rapport à l’aile gouvernementale, la première ne l’entendait pas ainsi. Elle qui voulait que le parti soit au service du gouvernement et que les députés ''têtes fortes'' rentrent dans le rang au nom du principe de solidarité parlementaire avec le gouvernement.
Pour soulager le secrétaire général de ses lourdes charges partisanes, la direction islamiste a prévu la création, aux côtés de son bureau, d’une nouvelle structure: le Conseil de gestion. Au secrétaire général de continuer d’assumer les charges de direction politique, et à ce bureau la charge des aspects organisationnel et administratif de la vie du PJD. L’avantage de cette formule est également d’associer encore davantage d’autres acteurs à la gestion du parti.
Grâce aux récentes modifications apportées aux statuts du parti, le Conseil national a vu le nombre de ses membres passer de 100 à 160, à la tête desquels on a reconduit Saâdeddine El Othmani. On a également désigné à leurs côtés des membres dits ''qualifiés''. Il s’agit des membres du secrétariat général, des ministres et des secrétaires des bureaux provinciaux, préfectoraux et locaux. Ce système mixte présente l’avantage pour la direction du parti de gagner la bienveillance de nombreux dirigeants de différents rangs et de conforter sa mainmise sur cette instance chargée notamment de l’élection de l’exécutif du parti (le secrétariat général). Mais ce double avantage dévoile une des limites de la ''démocratie interne'' du parti islamiste.
Environ 40% des membres du nouveau Conseil élu sont des femmes et près de leur tiers ont moins de 40 ans. Un remaniement allant donc avec la féminisation et le rajeunissement du corps de cette instance.
Si les amendements apportés aux statuts limitent le mandat du secrétaire général à deux périodes de quatre ans chacune, ils lui permettent de choisir lui-même, via le filtre du Conseil national, les membres du secrétariat général. Ce dont il ne s’est pas privé aussitôt après l’annonce de sa réélection. Cela a permis par exemple à sept ministres (Lahcen Daoudi, Abdelaziz Amara, Azami El Idrissi, Abdelaziz Rebbah, Mustapha El Khalfi et les controversés Mostafa Ramid et Bassima Hakkaoui) d’y être cooptés. Cette prérogative lui a, d’un autre côté, permis d’en éloigner des députés identifiés à ''l’aile dure'' du parti, dont Abdelaziz Aftati, Mouqrî Abou Zaïd El Idrissi (élus la première fois en 1997) et Abdellah Bouano. De récentes déclarations d’Aftati et de Bouano avaient plongé leur chef dans l’embarras. Les dénégations d’un Mohamed Yatim ne changent rien à cette réalité. Pour la petite histoire, c’est suite à la suggestion de M. Benkirane que ce compagnon de route a été coopté au secrétariat général…
Les membres du nouveau Conseil devaient eux aussi se prononcer sur le sort des candidats au poste de secrétaire général du parti.
Plusieurs militants se demandaient s’il fallait oui ou non permettre au secrétaire sortant de rempiler dans son poste pour quatre années supplémentaires. Les ''contestataires'' se recrutaient principalement au sein notamment de la jeunesse (et donc parmi les militants de base). Pour eux, M. Benkirane ne pouvait cumuler en même temps les postes de chef du parti et de ''chef'' du gouvernement. Les critiques étaient mal à l’aise face au fait que plus des deux-tiers des membres du secrétariat général sont des ministres. Pour tenter de calmer le jeu, la direction islamiste a convenu, lors de la session extraordinaire du Conseil national, de mettre en place une ''direction générale ''. Un organe dont la vocation est de s’occuper des questions non politiques qui elles demeurent du ressort du secrétariat général.
Une fois cette ''tempête'' contenue, il fallait s’atteler à la préparation des conditions de l'élection notamment du secrétaire général du parti islamiste.
Au premier tour de l’élection du secrétaire général, cinq candidats se sont affrontés: les ministres Mustapha Ramid (Justice et libertés), Aziz Rebbah (Équipement), Abdallah Baha (Enseignement supérieur) et Saâdeddine El Othmani (Affaires étrangères) et le ''chef '' du gouvernement et secrétaire général sortant du parti, Abdelilah Benkirane. Ce dernier a récolté 224 suffrages loin devant MM. El Othmani, Rebbah, Ramid et Baha (respectivement 149, 62, 59 et 39). Faute d’avoir récolté un minimum de 10% des suffrages exigés, les trois premiers devaient jeter la serviette. Après leur retrait de la course, la lutte s’est limitée au secrétaire général sortant et à son prédécesseur.
Sur 2.586 suffrages valides lors du dernier tour, M. Benkirane a récolté 2.240 voix. Il a non seulement battu pour une seconde fois de suite son concurrent le plus sérieux, mais il a également fait grimper ses appuis de plus de 29% par rapport au congrès précédent, les faisant passer à 85,11% (au lieu des 56% de 2008: 684 sur 1628 voix). Mais si on ne le voyait pas venir lors du 6e congrès du PJD, son élection cette fois était attendue. Ne disait-on pas dans les coulisses pjdistes, en guise d’argument Massu à l’adresse des hésitants, qu’on n’affaiblissait pas un ''chef '' du gouvernement en exercice? Ne plaidait-on pas également que c’est sous son leadership que le PJD a enregistré des succès électoraux appréciables et qu’il sut négocier avec la monarchie son passage de l’opposition au gouvernement.
M. Benkirane garde donc son poste à la tête du PJD pour quatre ans supplémentaires. Mais si M. Othmani a mordu la poussière pour une seconde fois de suite, sauf surprise, il sera là dans quatre ans pour tenter encore une fois de reprendre le poste qu’il lui a échappé il y a quatre ans.
**
Le passage de la case ''opposition'' à celle de ''gouvernement'' ne sera pas une chose aisée pour un parti qui a cultivé durant une longue période de son existence une culture d'affrontement avec les autres composantes du paysage politique et intellectuel, notamment la gauche. Le renforcement continu de cette intégration au sein du système politique donnera lieu en son sein à des tiraillements entre différentes ''sensibilités''. La marginalisation de représentants de son ''aile dure'' promet également de compliquer ce processus. Tout comme sa cour assidu à des courants radicaux wahabo-salafistes. La grogne populaire suscitée par les récentes augmentations du prix de l'essence et du gasoil à la pompe promettent elle aussi de mettre une pression supplémentaire sur sa base et sur son aile parlementaire qui elle a l’œil sur les prochaines législatives.
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