( extrait)
Par René Naba, 7/4/2013
Un conflit budgétivore, stimulant pour les industries d’armement
Le Maroc est parmi les pays africains
qui consacrent le plus d’effort budgétaire à leur armement. Près de 2, 8
milliards d’euros sont consacrés annuellement à l’armée marocaine,
représentant 15% du budget marocain, soit le double de celui de la
Santé. Les besoins militaires du Maroc absorbent 5% de son PIB, ce qui
lui vaut de figurer au top 20 des pays les plus dépensiers pour leurs
armées. Aussi, si l’on tient compte de la croissance du PIB, le Maroc
dépense plus de 7 millions d’euros par jour pour sa défense. Parmi les
grosses commandes figurent deux escadrilles de F-16 en plus de la
modernisation de 27 Mirage F-1 français pour 400 millions d’euros, une
frégate française Fremm pour 470 millions d’euros, trois hélicoptères
américains CH-47D pour 93,4 millions d’euros, quatre avions de transport
tactique C-27J Spartan à l’Italie pour 130 millions d’euros et 1.200
blindés espagnols pour 200 millions d’euros.
L’Algérie, lui, est le second
importateur d’armes du continent, derrière l’Afrique du sud selon le
rapport 2010 du SIPRI, l’Institut international de recherche pour la
paix (SIPRI), basé à Stockholm. L’Algérie consacre en moyenne 3% de son
PIB par an aux dépenses militaires, ce qui représente environ 4,5
milliards d’euros pour 2011.
La conclusion par l’Algérie d’un contrat
d’acquisition d’une soixantaine d’avions de combat avec la Russie en
2006 avait immédiatement suscité une réaction de Rabat, qui s’est
empressé de moderniser sa flottille de Mirage F-1 vétustes et de
conclure le mirifique contrat des F-16 avec Lockheed Martin, la
bénédiction de Washington et l’aide technologique israélienne.
Le budget militaire algérien s’accroît
d’environ 10% par an. Des sommes colossales sont ainsi allouées par ces
deux pays dont le secteur militaire occupe la première place en termes
de budgétisation.
L’épreuve de force entre l’Algérie et le Maroc: un conflit de deux mémoires
Le Maroc dispose de deux atouts incomparables dans son épreuve de force avec l’Algérie.
Il est, avec la Jordanie, le meilleur allié souterrain d’Israël dans le monde arabe. Pour aller plus loin sur les relations Maroc-Israël Cf. à ce propos http://www.renenaba.com/le-collier-de-la-reine
Il est, avec la Jordanie, le meilleur allié souterrain d’Israël dans le monde arabe. Pour aller plus loin sur les relations Maroc-Israël Cf. à ce propos http://www.renenaba.com/le-collier-de-la-reine
Sa diplomatie corruptive de la Mamounia
bride toute velléité intellectuelle critique de la classe politique
française. Le Maroc est en effet la destination préférée du personnel
politique français où pas moins d’une quarantaine de personnalités de
premier plan en font office comme pied à terre pour des vacances
parasitaires aux frais de la princesse.
L’ancien président Jacques Chirac, à
Taroudant, dans le sud du pays, à l’ancien directeur du Fonds Monétaire
international (FMI) Dominique Strauss Kahn et l’écrivain médiatique
Bernard Henry Lévy y ont leurs habitudes. Nicolas Sarkozy, le Président
de la République, y a passé des vacances de Noël en 2009 et en 2010, à
la résidence royale de Jinane Lekbir (le grand jardin), à trois
kilomètres de Marrakech. Son ancienne adversaire socialiste de 2007,
Ségolène Royal, y a séjourné également en 2010, avec son compagnon André
Hadjez, au sein d’un « palace de Ouarzazate », dans le sud du pays.
Elevé en partie à Agadir, Dominique Strauss Kahn possède un ryad, une
maison de luxe située à Marrakech, où il passe quelques jours de
vacances pour les fêtes.
Jean Louis Borloo a, lui aussi, choisi
le royaume chérifien comme destination de vacances en 2010, ainsi que le
couple Balkany, Isabelle et Patrick Balkany, maire de Levallois et
proche de Nicolas Sarkozy. La liste est longue. Elle englobe Hervé
Morin (et 18 membres de sa famille à l’hôtel Es-Saâdi de Marrakech) et
Brice Hortefeux et naturellement Philippe Douste Blazy, ancien ministre
des Affaires étrangères qui fit l’objet d’un scandale.
L’afflux de ces touristes d’un genre
particulier amuse la presse marocaine. Les invitations spéciales sont
l’atout maître de l’arsenal diplomatique du royaume chérifien pour
séduire les politiques français. La pratique est érigée en politique
d’Etat. On l’appelle la «diplomatie Mamounia», du nom du célèbre palace
de Marrakech, propriété de l’Etat marocain, qui accueille depuis
toujours les plus grandes célébrités de la planète. Depuis qu’Yves Saint
Laurent et Pierre Bergé avaient lancé la mode des riyads, ces
riches demeures nichées au cœur des médinas marocaines, c’est une
véritable déferlante gauloise qu’a connue le Maroc. Plus de 5.000
ressortissants français, la plupart retraités, y ont élu domicile, à la
suite de la diffusion en 1999 sur M6 d’une émission de la série Capital
vantant les charmes de Marrakech, Tanger, Essaouira, Fès ou Agadir. Mais
si le Maroc est devenu une destination privilégiée des Français, elle
l’est surtout pour les «amis du royaume». Certains y ont des liens
généalogiques comme Elisabeth Guigou, Dominique De Villepin, Rachida
Dati ou Eric Besson.
Mais la «tribu Maroc» s’étend bien
au-delà de ces attaches. Elle est pour ainsi dire tentaculaire. De
Bernard-Henri Lévy à Thierry de Beaucé, nombre de dirigeants politiques,
chefs d’entreprise, intellectuels médiatiques et célébrités du showbiz
ont à Marrakech ou ailleurs une résidence secondaire.
Le «plus beau pays du monde»,
comme le veut la publicité de l’Office marocain du tourisme, devient
ainsi un lieu de rendez-vous culte pour la classe politique française,
où la délocalisation d’un Conseil des ministres serait presque
envisageable durant les fêtes de fin d’année, ironisait un élu.
Dans bien des cas, le charme exotique du
pays constitue aussi la botte secrète de l’influence marocaine dans les
hautes sphères de l’Hexagone. Ces vacances, certes privées, sont bien
trop souvent l’occasion de contacts plus ou moins informels avec les
premiers cercles du roi. Des invitations «spéciales», des «prix d’amis»
appliqués dans des lieux d’agrément gérés par des hommes proches du
pouvoir, sont pratique courante. Ces gâteries sont d’ailleurs
systématiquement appliquées aux VIP de la République.
La Mamounia est la carte maîtresse de
cette politique de séduction du Makhzen, le pouvoir féodal marocain.
Tous y sont reçus avec les attentions particulières que sait déployer le
Maroc pour ses hôtes de marque. Les turpitudes de MAM en Tunisie avec
l’homme d’affaires Aziz Miled pourraient cependant sonner le glas d’une
tradition qui autrefois ne se refusait pas.
Voltigeur de pointe de la stratégie
occidentale en Afrique, bras armé de l’Arabie Saoudite pour la
protection des régimes honnis, tel celui du satrape zaïrois Mobutu, dans
le cadre du Safari Club, ce royaume des bagnes et de la terreur qui
sera octroyé toutes les licences, qui aura bafoué la souveraineté
française en ordonnant l’enlèvement de Mehdi Ben Barka, le chef
charismatique de l’opposition marocaine, en plein centre de Paris avec
la complicité des services français, l’homme qui aura ridiculisé le plus
illustre dirigeant français Charles De Gaulle sera pourtant vanté comme
le paradis sur terre sous l’œil vigilant du «groupe d’Oujda», animé par
Maurice Lévy, le patron de Publicis, le grand groupe de communication
français. Le Maroc fonde son passe-droit du rôle de base de repli à
l’Etat Français assigné au royaume par les stratèges occidentaux à
l’apogée de la guerre froide dans le cas d’un nouvel effondrement
français face à une poussée soviétique.
Mais ce Royaume souverain est un pays
frappé de servitude. Le commandeur des croyants ne commande pas son
détroit, le détroit de Gibraltar, qui assure la jonction stratégique de
l’Océan Atlantique à la Mer Méditerranée, comme en témoigne l’incident
de l’ilot persil.
Se greffe ainsi sur le conflit du Sahara
une donne particulière, un conflit de deux mémoires. Les deux pays
n’ayant pas accédé d’une façon identique à l’indépendance et n’ont pas
été soumis à la même histoire coloniale.
L’histoire algérienne a été faite dans
la douleur. Bien avant l’enfumage des caves de Bora Bora, en
Afghanistan, en 2001, Bugeaud et ses soldats avaient enfumé toute
l’Algérie. L’histoire algérienne est beaucoup plus douloureuse que ne
l’a été l’histoire marocaine, ne serait-ce que par sa durée, et par
l’imposition du code de l’Indigénat en Algérie, un des facteurs majeurs
de l’acculturation algérienne, suscitant par réaction un nationalisme
chatouilleux particulièrement en ce qui concerne la France.
132 ans de colonialisme en Algérie,
contre trente-six de protectorat français au Maroc, soit le quadruple,
avec à la clé, Sétif, le symbole de la victoire de la deuxième Guerre
Mondiale, noyé dans le sang, une guerre d’Indépendance de huit ans et
son cortège d’ un million de morts, avec en prime, un lobby pieds noirs
algériens c’est-à-dire un lobby d’anciens colons français en Algérie,
sans pareil au Maroc, ni dans aucune des anciennes colonies françaises,
expliquent et justifient l’extrême réactivité algérienne à toute
atteinte à sa souveraineté ou aux principes moteurs de la dynamique de
la guerre de Libération nationale.
L’histoire marocaine ne l’a pas été
autant. Il y eu certes la guerre du Rif, mais le protectorat français
sur le Maroc a été dans la durée infiniment moindre que le colonialisme
français en Algérie et dans sa manifestation atténué par la
complaisance d’une fraction du trône, notamment le Glaoui de Marrakech.
Au conflit de la construction de la
mémoire entre les deux pays se superpose leurs orientations divergentes
tant sur le plan international que sur le plan interne. Un des drames
du monde arabe réside dans le fait que les deux monarques les plus
cultivés de leur génération, -Hassan II du Maroc, diplômé de la faculté
de droit de Bordeaux et Hussein de Jordanie, de l’académie militaire
britannique de Sandhurst- au lieu de mettre en pratique le modernisme
pour la promotion de leurs peuples et de leurs pays, ont instrumentalisé
ce modernisme au service d’un absolutisme rétrograde.
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